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Édito

Un accord qui tombe trop tôt… ou trop tard

Édito | publié le : 01.11.2021 | Benjamin d’Alguerre

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Un accord qui tombe trop tôt… ou trop tard

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Il flottait comme un léger parfum de revanche la nuit du 14 au 15 octobre. Comme une forme de retour à la normalité des négociations interprofessionnelles. Quatre ans après s’être fait torpiller leur réforme de la formation professionnelle par l’exécutif alors que la négociation n’était pas techniquement terminée, les organisations syndicales et patronales reprenaient la main sur le dossier avec, en plus, la bénédiction du ministère du Travail. Objectif : corriger les défauts et les carences de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » du 5 septembre 2018. Au premier rang desquels, le trou abyssal dans la caisse de France Compétences, l’organisme quadripartite en charge de la régulation et de la ventilation des fonds de la formation et de l’alternance qui devrait finir 2021 avec un déficit de 4,2 milliards d’euros après avoir déjà été recapitalisé par l’État pour son premier exercice l’an passé. La faute à une réforme initialement imaginée « à enveloppes ouvertes » sans dispositif limitatif. Certes, le succès volumétrique du CPF (un milliard d’euros engagés) et de l’apprentissage (525 000 contrats enregistrés en 2021) prouvent que ces outils de formation ont trouvé leur public. Mais en bout de course, l’addition s’alourdit.

L’accord-cadre national interprofessionnel – pas l’ANI – sur lequel les partenaires se sont entendus le 15 octobre marque donc leur retour dans un jeu paritaire dont ils avaient été exclus de 2017 à 2020. Et contrairement aux deux accords interpro santé au travail et télétravail de l’année dernière, négociés sous le regard plus que vigilant de l’État, ce sont eux qui ont imposé leur timing à l’exécutif pour parvenir à ce résultat après cinq mois de concertations réalisées dans le cadre de leur agenda social autonome. Mais si personne ne remet en cause la portée d’un texte qui contient de vraies ambitions au-delà des enjeux purement financiers, c’est la question de la temporalité qui interroge. Conclu à neuf mois de l’élection présidentielle, l’efficience de l’accord ne va pas de soi. « C’est un accord qui prend date pour faire évoluer la formation professionnelle et l’alternance », estimait la CFDT au matin de la fin de négo. Les partenaires sociaux se sont d’ailleurs donné rendez-vous jusqu’à la fin du premier semestre 2022 pour plancher sur sept chantiers thématiques « afin de remettre au prochain président une réforme clé en main », selon la CFTC. Ce n’est pas la première fois qu’organisations syndicales et patronales procèdent ainsi. En 2010, déjà, la négociation sur l’emploi des jeunes avait elle aussi abouti à un accord-cadre accompagné de clauses de revoyure sur de futurs travaux en ateliers paritaires. Mais à l’époque, il restait encore presque deux ans de mandat à Nicolas Sarkozy… Ici l’agenda est sérieusement plus serré et rien ne dit que le futur gagnant ou la future gagnante de la compétition électorale qui s’annonce souhaitera poursuivre la réforme de la formation engagée sous ce quinquennat. Pour les partenaires sociaux, c’est donc le risque d’avoir conclu un accord qualitatif, mais tombant trop tard… ou trop tôt.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre