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Décodages

Le ferroviaire met les bouchées doubles

Décodages | Recrutement | publié le : 01.11.2021 | Valérie Auribault

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Le ferroviaire met les bouchées doubles

Crédit photo Valérie Auribault

 

La crise sanitaire liée à la Covid-19 a fortement impacté les emplois du secteur aéronautique. De ce fait, la filière ferroviaire, qui recrute, tente d’attirer à elle les jeunes ingénieurs en mettant en avant la diversité de ses métiers et son aspect plus écologique.

« Quand on est jeune, on rêve plus d’envoyer des fusées sur la lune que de faire rouler des RER. Nous sommes moins porteurs de rêve, confesse Franck Viel, directeur de la production de l’agence Recrutement des cadres au sein de la SNCF. Mais les circonstances économiques font qu’aujourd’hui les perspectives sont moindres dans le secteur de l’aéronautique. » La pandémie liée à la Covid-19 a cloué les avions au sol en 2020. De fait, l’activité du secteur aéronautique a chuté de 28 % l’an passé. Le nombre d’emplois perdus a toutefois été limité à 8 000, soit une baisse de 4 % des effectifs, selon le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas). Mais la filière, qui avait enregistré un bond en matière de recrutement ces dernières années grâce au boom de la mondialisation et à l’explosion du tourisme de masse, n’a finalement effectué que 6 700 recrutements en 2020 soit deux tiers en moins. Début 2021, le Gifas évaluait à 60 000 le nombre d’emplois menacés d’ici la fin de l’année. Dans un même temps, l’activité du secteur spatial a aussi dégringolé (– 25 %). En conséquence, les jeunes ingénieurs en formation dans les grandes écoles ont repensé leur plan de carrière. Au sein de l’Estaca, école spécialisée dans la formation d’ingénieurs, les 400 étudiants se tournent invariablement, à chaque rentrée, vers l’aéronautique (60 %), l’automobile (25 %) et le spatial (9 %). Le ferroviaire, de son côté, n’est choisi que par 7 % des étudiants. Mais, depuis la crise, certains ont réalisé en cours de formation que ce secteur peut être passionnant. Il y a une réelle pluralité des métiers et l’aspect sociétal avec la décarbonation fait de cette filière celle de la maturité. De plus, les savoir-faire sont transposables d’une filière à l’autre.

Des arguments qui portent.

Et le secteur du ferroviaire, lui, recrute. La SNCF embauchera 650 ingénieurs d’ici fin 2021, le groupe Alstom 600 salariés dont 70 % sur des postes d’ingénieurs. La Régie autonome des transports parisiens (RATP), elle-même, lançait, en 2020, un recrutement de 4 500 postes dont 1 500 en CDI, d’autres en contrats d’insertion ou d’apprentissage. Pour cela, l’entreprise a assuré près de 630 entretiens d’embauche à distance en plein confinement. Les postes à pourvoir allant du conducteur de bus, de métro, aux agents de maintenance, en passant par les chefs de projets, managers et ingénieurs. Le train, qui renvoie l’image de la mobilité verte, semble être un atout attractif pour la jeune génération, particulièrement sensible au respect de l’environnement et au changement climatique. Trains autonomes, hybrides, à hydrogène… les nouvelles technologies attirent davantage que d’autres mobilités à énergies fossiles. « La mobilité verte est un argument qui porte de plus en plus, constate Franck Viel. Ce sont des motivations qui émergent. Nous sommes régulièrement interrogés sur le sujet de l’écologie, sur l’état de nos projets. Cela génère de la fierté que de travailler sur des chantiers si novateurs. » Deux nouvelles chaires de recherche et d’enseignement ont ainsi été créées à l’Estaca en partenariat avec le groupe SNCF. La chaire « expérience à bord » qui vise à développer le bien-être des voyageurs et personnels à bord des trains, et la chaire « transition écologique et résilience du système ferroviaire », pour la partie décarbonée, matériaux biosourcés ou recyclés, gestion de l’énergie et résilience aux aléas climatiques. Mais la pluralité des métiers proposés est aussi un atout. « En matière de métiers, le ferroviaire est la filière la plus riche, poursuit Olivier Tribondeau, responsable de la filière ferroviaire à l’Estaca. Les spécialisations sont multiples sur les trains, les lignes, les voies, les caténaires, la régulation, l’organisation des transports, l’exploitation des gares… Sans oublier le projet du Grand Paris qui se dessine. » Mais les jeunes rêvent-ils tous de ces grandes entreprises ? « Beaucoup de jeunes se méfient des grands groupes. Ils préfèrent l’esprit des start-up dans lesquelles ils peuvent toucher à tout », observe Olivier Tribondeau. Alors, ces leaders redoublent d’ingéniosité pour démontrer que les ingénieurs de demain ont tout à gagner à se tourner vers eux.

Métiers et parcours.

Pour cela, il s’avère nécessaire de « dépoussiérer l’image du soudeur et des étincelles », souligne Maud Liévin, vice-présidente ressources humaines France chez Alstom. Et de présenter ces métiers le plus souvent inconnus du grand public. « Depuis trois ans, nous avons mis en place un plan de recrutement. Et nous avons investi sur l’image employeur en capitalisant sur les anciens qui se déplacent au sein des écoles d’ingénieurs pour faire découvrir leur métier et leurs parcours pluriels », poursuit Maud Liévin. La SNCF mixe les interventions pour transmettre le goût de la filière. « Lors d’événements, nous formons des binômes avec l’agence de recrutement pour faire parler des opérationnels. Un chef témoigne ainsi de son parcours aux côtés d’un jeune embauché, qui lui, expose ses motivations, son entrée dans l’entreprise et son quotidien, explique Franck Viel. Nous sommes en capacité de faire évoluer les collaborateurs en les formant tout au long de leur parcours pour développer une carrière et des compétences. » Magali Bayeux, actuellement en formation au service électrique pour devenir cadre, fait partie de ces salariés qui gravissent les échelons au sein de l’entreprise du rail. En 2007, alors qu’elle prépare un DUT, elle effectue un stage de découverte à la SNCF. « Lors de mon stage, j’ai découvert les métiers de la logistique. Cela m’a vraiment plu. » Recrutée, Magali Bayeux a intégré le service de la gestion de la circulation en 3/8 avant de postuler sur un poste de chef d’équipe. « J’ai découvert le management. J’aime beaucoup accompagner les équipes, encadrer les agents tout en étant sur le terrain. Les formations proposées en interne m’ont permis d’évoluer. » Vidéos, séminaires, événements sur les métiers, les entreprises du ferroviaire utilisent tous les supports pour toucher le plus large public possible.

Ingénieur(e)s de demain.

Cela permet aussi d’attirer les jeunes filles et de démontrer que les métiers, y compris techniques, s’adressent aussi aux femmes. Ainsi, le groupe Alstom travaille avec l’association « Elles bougent ». Tout comme la RATP, le groupe souhaite féminiser ses effectifs. « Nous sensibilisons à nos métiers dès le collège, indique Maud Liévin. Certains de nos experts interviennent pour parler de leur parcours, des opportunités techniques et géographiques car nous sommes implantés dans le monde entier. » Une possibilité de carrière internationale susceptible de séduire les jeunes filles. L’image, jadis, vieillotte du chemin de fer semble définitivement révolue. Le Gouvernement investit également « dans l’avenir », comme l’a annoncé le Premier ministre, Jean Castex en juin dernier, par le biais d’un plan de relance de 4,7 milliards d’euros dans le secteur ferroviaire. Sur les réseaux sociaux, les « ferrovipathes », garçons ou filles, fleurissent. Jeunes passionnés, ils se rêvent les ingénieurs de demain et attirent des milliers de followers qui suivent leurs déambulations dans le métro parisien ainsi que leurs exposés chargés d’histoire du rail.

Auteur

  • Valérie Auribault