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Santé, textile, une relocalisation en marche ?

À la une | publié le : 01.11.2021 | Dominique Perez

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Santé, textile, une relocalisation en marche ?

Crédit photo Dominique Perez

 

Si les économistes s’accordent pour dire que la relocalisation n’est pas « la » solution pour réindustrialiser la France – mais seulement l’une des réponses possibles – certains secteurs considérés comme stratégiques, comme le médicament ou le textile, font l’objet de relocalisation.

Le secteur de la santé a été le premier sous les feux de la rampe d’une pandémie qui a mis en évidence les effets d’une dépendance industrielle mondiale plus que problématique. « La France était le premier pays producteur européen de médicaments il y a douze ans, et est aujourd’hui quatrième, explique Fabrice Riolet, directeur général de Polepharma, premier cluster pharmaceutique en Europe. « Sur la partie chimie, il y a eu un effet ciseau entre la baisse du prix des médicaments, la baisse du prix d’achat des matières premières et l’augmentation des invendus en France et en Europe. Au bout d’un moment, les opérateurs sont partis en Inde et en Chine, et 80 % des principes actifs sont aujourd’hui fabriqués en Asie, nous sommes donc extrêmement dépendants. » Pour ce qui concerne l’industrie du médicament, les prix des génériques et des médicaments « anciens » continuent à baisser et certains laboratoires pensent à partir en Inde. Ce sont ces médicaments qui ont été en tension pendant la crise sanitaire. « Relocaliser la production des principes actifs, dont le paracétamol, est l’une des premières décisions du gouvernement pendant la crise sanitaire. Pour ce faire, une alliance entre Seqens, Upsa et Sanofi, en échange d’un engagement sur la régulation du prix du médicament et une aide de France Relance a été conclue avec le gouvernement. Concrètement, Seqens a lancé la construction d’une nouvelle unité qui produira le principe actif du paracétamol en Isère, à raison de 10 000 tonnes par an. De leur côté, Sanofi et Upsa s’engagent à s’approvisionner chez Seqens pour fabriquer les médicaments utilisant le paracétamol. « C’est une vision innovante, stratégique, estime Laure Lechertier, directrice de l’accès au marché et de la RSE, un vrai partenariat public/privé, et qui profite à tout le monde. Cela va nous permettre aussi de continuer à stabiliser notre outil industriel, et l’emploi. Notre production est uniquement française, et fabriquer les médicaments à base de paracétamol en France a permis de garantir leur accès pendant la crise. » « Nous avions alerté bien avant la crise sur les conséquences des baisses de prix du médicament sur l’outil industriel, et des risques de délocalisation. La pandémie a permis une prise de conscience du problème. Mais fabriquer les médicaments à base de paracétamol en France a permis de garantir leur accès. »

« Recréer une filière textile »

Autre symbole d’une délocalisation galopante au cours de ces dernières années, le textile, qui a été inclus dans les filières dites « stratégiques » par le gouvernement confronté à la pénurie de masques. Pour Pierre Schmidt, PDG du groupe Velcorex (150 salariés) basé dans le Haut Rhin, « le textile a été le moteur de la révolution industrielle, il peut devenir le moteur de la transition écologique dont tout le monde parle, les matériaux biosourcés comme le lin ou le chanvre ont un rôle majeur dans cette transition, et peuvent par exemple remplacer le PVC, la fibre de verre… » Leader mondial sur la production de ces matériaux, la France produit notamment 75 % du lin textile dans le monde, mais l’exporte très majoritairement à l’état brut en Chine ou dans les pays de l’Est. « On n’est pas capable actuellement en France de créer une filière, c’est une aberration totale, s’insurge-t-il, on a démantelé les filatures il y a 20 ans… C’est d’autant plus grave que les biomatériaux ont des applications dans nombre de domaines, on a cette matière première qui peut générer cette nouvelle industrie, en maîtrisant toute la chaîne, de la recherche à la production de produits finis. Très peu de filières en France pourraient être totalement indépendantes des produits importés. » Ayant relocalisé, en janvier 2020, sept machines à filer le lin venues de Hongrie pour démarrer une nouvelle filature, il se réjouit du fait que d’autres entreprises lui emboîtent le pas. « Quatre sont en projet actuellement » constate-t-il. À raison d’au moins 30 à 40 personnes embauchées, c’est un vrai potentiel d’emploi à développer. » Actuellement en phase d’embauche d’une dizaine de personnes, il rencontre un problème lié à l’abandon de la filière : « Ce n’est pas évident de trouver les compétences, on a été obligé d’embaucher des retraités de Schlumberger pour lancer la production, c’est un des effets pervers de la délocalisation. Or, je pense que l’on peut créer quelques dizaines de milliers d’emploi, y compris dans la chimie, pour travailler sur des composites bio sourcés. » Pour répondre aux besoins d’une filière sans doute (re) naissante), il travaille avec des partenaires à l’élaboration d’une plateforme de formation à Mulhouse.

Auteur

  • Dominique Perez