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Eric Trappier (UIMM) « La crise Covid a mis en lumière les conséquences de notre déclin industriel »

À la une | publié le : 01.11.2021 | Dominique Perez

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« La crise Covid a mis en lumière les conséquences de notre déclin industriel »

Crédit photo Dominique Perez

 

Patron de Dassault Aviation, Éric Trappier preside l’Union des industries et des métiers de la métallurgie depuis avril 2021. Selon lui, toute politique de réindustralisation française est aujourd’hui bloquée par la pénurie de composants électroniques… et de compétences.
 
Le "sauvetage" de l'industrie française est devenu une priorité suite à la crise sanitaire. Qu'est-ce qui a vraiment changé selon vous?

 Eric Trappier: Avant la crise, on observait une érosion du tissu industriel, due pour une partie à l'environnement économique et social français, pour l’autre  à une baisse d'activité. La crise du Covid a mis fortement en lumière les conséquences de ce déclin. Elle a occasionné une prise de conscience et a permis de mettre en place un certain nombre de moyens pour sauver l'industrie à court-terme. L’industrie a été replacée comme une priorité dans l’agenda économique et politique. Nous sommes cependant à un moment charnière: la crise Covid s’éloigne progressivement,  la production a repris mais la situation demeure très contrastée : dans un secteur qui m'est cher, par exemple, l'aéronautique,  l’activité reste encore difficile. La relance industrielle est aujourd'hui freinée par la pénurie d'approvisionnement, notamment de composants électroniques. Or, l'industrie n'aime pas les "stop and go". Elle aime investir sur le long terme. Une autre interrogation concerne les compétences. La question primordiale est : avons-nous les moyens de former les gens qui pourront travailler dans l'industrie d'aujourd'hui et de demain? Nous sommes tout entier mobilisés sur cette question, dans un environnement économique et de compétitivité complexe, avec une balance commerciale française largement déficitaire. Avant la crise, on observait  une moins grande volonté de former et de recruter. Aujourd’hui, le défi du recrutement est crucial car il peut nous faire manquer le train de la reprise.

Du point de vue des emplois justement, quels sont les impacts de la crise?

E.T: Nous avons pu prendre la mesure de la place déterminante de l'industrie dans la vie économique française. Quand les industriels cessent leur activité, cela crée de vives tensions, évidemment sur l'écosystème industriel lui même, mais également sur l'écosystème global, en particulier dans les territoires où l'industrie est fortement implantée car , rappelons-le, elle fait vivre les territoires. Le dispositif d’activité partielle a permis de sauver des milliers d’emplois. Aujourd’hui, un autre changement majeur est perceptible : la modification du rapport au travail. La crise a amené les salariés à travailler autrement. Les entreprises doivent aujourd'hui organiser le télétravail, et dans l'industrie cela pose une problématique particulière, sur laquelle nous sommes en cours de réflexion.  D'un côté il y a les opérateurs et les techniciens qui font fonctionner les usines et les ateliers , et de l’autre, les fonctions support. Tout le monde ne peut pas être en télétravail. Le sujet est en cours d’ évaluation et nous continuons de travailler sur les retours d’ expérience des salariés, de leurs managers, et des dirigeants d’ entreprises, PME en particulier. Nous devons aussi   prendre en compte les nouvelles aspirations des jeunes générations, qui ne considèrent que la garantie de l'emploi ou le salariat ne sont pas déterminants pour eux. L'un des autres enjeux de l'industrie de demain , c'est aussi l'automatisation qui vient transformer  les métiers difficiles. Les robots sont là aussi pour améliorer encore la productivité et donc préserver le modèle social de la France auquel nous sommes attachés. Ce modèle coûte cher. Pour le financer, il faut que nos produits soient compétitifs par rapport au reste du monde et certains pays européens.  

Que pensez-vous de la politique gouvernementale en matière d'aides aux entreprises dans cette période?

E.T: Indépendamment même du chômage partiel qui a sauvé l'emploi,  la mise en place de fonds de modernisation dans le cadre du plan de relance, fléchés en particulier vers le numérique, a créé un engouement certain des PME pour ce domaine.  Tous les fonds ont été utilisés, maintenant il faut s'assurer que ces aides permettent d'améliorer la compétitivité, que les supply chain puissent mieux travailler avec les donneurs d'ordre, par exemple...  Il faut que ce mouvement se poursuive.  Nous appelons donc de nos voeux  la poursuite de ces mesures , et un dispositif qui permettra aux PME de poursuivre leur modernisation, car nous allons nous trouver dans une phase transitoire paradoxale.  Les PME ont  bénéficié du PGE (Prêt garanti par l'Etat) , il faut qu'elles le remboursent.  Elles ont bénéficié du fonds de modernisation mais elles ont dû mêmes autofinancer une partie de l'investissement.  La reprise industrielle fait peser sur elles une certaine pression financière, d’autant qu'elles doivent  réacheter de la matière et des pièces. J'approuve l'Etat quand il met fin au "quoiqu'il en coûte", mais  si on veut réellement aller vers la réindustrialisation du pays et  stopper le déclin de l'industrie, l'Etat va devoir contribuer de manière précise à un certain nombre d'aides à l'investissement.  

Et des aides à la formation?

E.T: Nous avons travaillé avec l'Etat pour élaborer le plan d'investissement , et avons fait part de nos attentes sur le thème de la formation. Nous avons été entendus par exemple sur le prolongement des aides à l'apprentissage, mais aussi sur les aides à la formation des demandeurs d'emploi dans des domaines en forte demande de compétences. Mais ce sont des mesures de court terme. Nous appelons de nos vœux des mesures de plus long terme  pour aller au-delà des échéances politiques de 2022, et apporter une réponse suffisante à notre enjeu qui est , je le rappelle, d’assurer le développement massif des compétences indispensable à la reconquête industrielle dont notre pays a besoin..

Vous souhaitez une nouvelle réforme de la formation?

E.T: Nous considérons qu'il y a encore des efforts à faire dans la manière d'organiser  la formation. Il faut aussi simplifier les dispositifs et les process. Nous allons donc proposer des axes d'amélioration.  Je ne parle pas de réforme, car en général elles contribuent plutôt à tout compliquer. Etudions plutôt ce qui marche, comment l'argent est redistribué et utilisé, pour la formation des jeunes qui ont beaucoup souffert de la crise et pour la reconversion des demandeurs d'emploi. Il faut que nos adhérents,  quand ils emploient des apprentis, ou quand ils forment des salariés en formation continue, sachent vraiment comment utiliser ces fonds mutualisés. 

En matière de formation, quelles évolutions doit prendre le secteur?

E.T: Il faut que les entreprises expriment leurs besoins et que les centres de formation puissent être capables de former des salariés pour être au plus près de ces besoins. Les difficultés de recrutement se situent plus dans les PME et moins dans les régions urbanisées. C'est une mission à laquelle l'UIMM se consacre prioritairement.  Nous avons 33 centres de formation sur 135 sites, et environ 30 000 apprentis, notre force est de former aussi bien des apprentis que des salariés ou demandeurs d'emploi dans leurs parcours de reconversion et d'insertion professionnelle. Parmi les métiers qui recrutent, ceux de de l'usine 4. 0 deviennent une réalité. Mais nous avons besoin aussi  de personnes formés aux métiers de l'industrie traditionnelle. Et même pour travailler sur et avec un robot, il faut toujours connaître la base, savoir comment la matière est transformée, sinon vous ne pourrez pas le piloter....  

Du point de vue des emplois justement, quels sont les impacts de la crise?

 E.T: Nous avons pu prendre la mesure de la place déterminante de l'industrie dans la vie économique française. Quand les industriels cessent leur activité, cela crée de vives tensions, évidemment sur l'écosystème industriel lui même, mais également sur l'écosystème global, en particulier dans les territoires où l'industrie est fortement implantée car , rappelons-le, elle fait vivre les territoires. Le dispositif d’activité partielle a permis de sauver des milliers d’emplois. Aujourd’hui, un autre changement majeur est perceptible : la modification du rapport au travail. La crise a amené les salariés à travailler autrement. Les entreprises doivent aujourd'hui organiser le télétravail, et dans l'industrie cela pose une problématique particulière, sur laquelle nous sommes en cours de réflexion.  D'un côté il y a les opérateurs et les techniciens qui font fonctionner les usines et les ateliers , de l'autre les cols blancs les fonctions support. Tout le monde ne peut pas être en télétravail. Le sujet est en cours d’ évaluation et nous continuons de travailler sur les retours d’ expérience des salariés, de leurs managers, et des dirigeants d’ entreprises, PME en particulier. Nous devons aussi   prendre en compte les nouvelles aspirations des jeunes générations, qui ne considèrent que la garantie de l'emploi ou le salariat ne sont pas déterminants pour eux. L'un des autres enjeux de l'industrie de demain , c'est aussi l'automatisation qui vient transformer  les métiers difficiles. Les robots sont là aussi pour améliorer encore la productivité et donc préserver le modèle social de la France auquel nous sommes attachés. Ce modèle coûte cher. Pour le financer, il faut que nos produits soient compétitifs par rapport au reste du monde et certains pays européens.  

Que pensez-vous de la politique gouvernementale en matière d'aides aux entreprises dans cette période?

E.T: Indépendamment même du chômage partiel qui a sauvé l'emploi,  la mise en place de fonds de modernisation dans le cadre du plan de relance, fléchés en particulier vers le numérique, a créé un engouement certain des PME pour ce domaine.  Tous les fonds ont été utilisés, maintenant il faut s'assurer que ces aides permettent d'améliorer la compétitivité, que les supply chain puissent mieux travailler avec les donneurs d'ordre, par exemple...  Il faut que ce mouvement se poursuive.  Nous appelons donc de nos voeux  la poursuite de ces mesures , et un dispositif qui permettra aux PME de poursuivre leur modernisation, car nous allons nous trouver dans une phase transitoire paradoxale.  Les PME ont  bénéficié du PGE (Prêt garanti par l'Etat) , il faut qu'elles le remboursent.  Elles ont bénéficié du fonds de modernisation mais elles ont dû mêmes autofinancer une partie de l'investissement.  La reprise industrielle fait peser sur elles une certaine pression financière, d’autant qu'elles doivent  réacheter de la matière et des pièces. J'approuve l'Etat quand il met fin au "quoiqu'il en coûte", mais  si on veut réellement aller vers la réindustrialisation du pays et  stopper le déclin de l'industrie, l'Etat va devoir contribuer de manière précise à un certain nombre d'aides à l'investissement.  

Et des aides à la formation?

E.T: Nous avons travaillé avec l'Etat pour élaborer le plan d'investissement , et avons fait part de nos attentes sur le thème de la formation. Nous avons été entendus par exemple sur le prolongement des aides à l'apprentissage, mais aussi sur les aides à la formation des demandeurs d'emploi dans des domaines en forte demande de compétences. Mais ce sont des mesures de court terme. Nous appelons de nos vœux des mesures de plus long terme  pour aller au-delà des échéances politiques de 2022, et apporter une réponse suffisante à notre enjeu qui est , je le rappelle, d’assurer le développement massif des compétences indispensable à la reconquête industrielle dont notre pays a besoin..

 Vous souhaitez une nouvelle réforme de la formation?

 E.T: Nous considérons qu'il y a encore des efforts à faire dans la manière d'organiser  la formation. Il faut aussi simplifier les dispositifs et les process. Nous allons donc proposer des axes d'amélioration.  Je ne parle pas de réforme, car en général elles contribuent plutôt à tout compliquer. Etudions plutôt ce qui marche, comment l'argent est redistribué et utilisé, pour la formation des jeunes qui ont beaucoup souffert de la crise et pour la reconversion des demandeurs d'emploi. Il faut que nos adhérents,  quand ils emploient des apprentis, ou quand ils forment des salariés en formation continue, sachent vraiment comment utiliser ces fonds mutualisés. 

En matière de formation, quelles évolutions doit prendre le secteur?

E.T : Il faut que les entreprises expriment leurs besoins et que les centres de formation puissent être capables de former des salariés pour être au plus près de ces besoins. Les difficultés de recrutement se situent plus dans les PME et moins dans les régions urbanisées. C'est une mission à laquelle l'UIMM se consacre prioritairement.  Nous avons 33 centres de formation sur 135 sites, et environ 30 000 apprentis, notre force est de former aussi bien des apprentis que des salariés ou demandeurs d'emploi dans leurs parcours de reconversion et d'insertion professionnelle. Parmi les métiers qui recrutent, ceux de de l'usine 4. 0 deviennent une réalité. Mais nous avons besoin aussi  de personnes formés aux métiers de l'industrie traditionnelle. Et même pour travailler sur et avec un robot, il faut toujours connaître la base, savoir comment la matière est transformée, sinon vous ne pourrez pas le piloter....  

 

Auteur

  • Dominique Perez