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Idées

Sortir de la société travailliste

Idées | Livres | publié le : 01.10.2021 | Frédéric Brillet

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Sortir de la société travailliste

Crédit photo Frédéric Brillet

Selon Serge Latouche, un modèle fondé sur la décroissance, la remise en cause du néo-libéralisme et de la mondialisation permettrait l’avènement d’une société de sobriété heureuse qui se détournerait du culte du travail.

D’une part, les appels à travailler plus et plus longtemps au nom de la compétitivité et du sauvetage des retraites se renforcent. De l’autre, les prophéties sur la fin du travail essaiment avec la progression de la robotisation et l’intelligence artificielle qui menaceraient des emplois de plus en plus qualifiés. Qui croire ? Pointant cette confusion du débat, l’économiste non orthodoxe et théoricien de la décroissance Serge Latouche doute quant à lui que les promesses de la modernité (travailler moins en gagnant toujours plus, de façon toujours plus agréable grâce à la civilisation des loisirs et à terme ne plus travailler du tout grâce aux nouvelles technologies) puissent être tenues dans une économie capitaliste. Il rappelle que l’utopie d’un monde libéré du travail, prophétisée depuis le début du machinisme ne s’est jamais réalisée. Selon l’auteur, seul un modèle fondé sur la décroissance permettrait de tenir cette triple promesse. Car « pour les objecteurs de croissance, s’il faut travailler moins c’est à la fois pour gagner plus, travailler tous et vivre mieux ». Ainsi pourra-t-on sortir de la « société travailliste », revoir profondément la place et le statut du travail plutôt que de s’épuiser en vain à réduire le chômage en sacrifiant au culte de la croissance et du consumérisme mortifère pour le climat et l’environnement. Serge Latouche préconise par ailleurs une relocalisation systématique des activités utiles et stratégiques, une reconversion des activités qu’il juge parasitaires (publicité, armement…) et leur cohorte de « bullshit jobs » pour mettre en place une société de sobriété heureuse ou de prospérité sans croissance. Reste que l’essor de l’économie sociale et solidaire, des coopératives, circuits courts, réseaux associatifs n’y suffira pas. Le développement de ce tiers secteur se heurte à la concurrence des Gafam mondialisées qui mettent en face « des territoires sans pouvoir face à des pouvoirs sans territoire ». Il faut donc prendre des mesures favorables à la démondialisation pour limiter notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur. Pour réaliser ce projet politique d’ampleur, l’auteur estime nécessaire de revoir le logiciel néo-libéral de l’Union européenne qui interdit le protectionnisme. Mais aussi de décoloniser les imaginaires asservis au consumérisme et au culte du travail devenu pour beaucoup une drogue qui porte le nom de « workaholism ».

Travailler moins autrement ou ne pas travailler du tout

Serge Latouche, Éditions Rivages, 16 euros

Auteur

  • Frédéric Brillet