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« Bureau fermé et poste attribué semblent survivre à la pandémie »

Dossier | publié le : 01.10.2021 | Irène Lopez

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« Bureau fermé et poste attribué semblent survivre à la pandémie »

Crédit photo Irène Lopez

Où et comment travaillerons-nous demain dans les grandes métropoles ? Actineo, l’Observatoire de la qualité de vie au travail, a commandité une étude, réalisée par l’IFOP en février 2021, pour interroger 2 600 salariés et indépendants de 5 grandes régions métropolitaines1 sur les façons de travailler aujourd’hui et demain. Odile Duchenne, consultante pour Actineo, présente les principaux résultats.

Le bureau fermé est-il en voie de disparition ?

Odile Duchenne : Au contraire, il fait de la résistance ! Près d’une personne interviewée sur deux travaille dans un bureau fermé. Au pays des GAFA, le pourcentage atteint 57 %. En outre, 62 % des actifs qui sont tout à fait satisfaits de leur qualité de vie au travail travaillent dans un bureau fermé. Ce n’est pas le même son de cloche en ce qui concerne l’open space (Londres et Singapour sont les plus concernées) : seuls 38 % sont très satisfaits de leur qualité de vie au travail. Quant au choix de postes de travail, 89 % des répondants souhaitent des postes attribués. Sur le podium, nous retrouvons : un poste attribué dans un bureau fermé (50 %), un poste attribué dans un petit bureau partagé (42 %) et, enfin, un poste attribué dans un open space, avec des espaces privés et des espaces de réunion à proximité (35 %). Bref, bureau fermé et poste attribué semblent survivre à la pandémie.

En France, le télétravail a été accéléré pendant la pandémie. Est-ce le cas dans les autres métropoles ?

O. D. : Le télétravail a été pratiqué à une échelle inédite. De 21 % des répondants qui ont travaillé depuis chez eux au moins une journée entière par semaine avant la pandémie, on est passé à 83 % pendant. Les Londoniens sont passés de 2,1 à 3,6 jours de télétravail par semaine. Désormais, 42 % d’entre eux travaillent depuis chez eux cinq jours entiers. Malgré un contexte inédit et des conditions parfois difficiles, le télétravail a plutôt bien fonctionné. Il faut avouer que les mentalités ont changé. Désormais, le travail à domicile fera de plus en plus partie intégrante de la vie professionnelle. C’est en tout cas ce qu’attendent 85 % des personnes interrogées, qu’elles aient ou non une expérience préalable. Pour un quart des répondants, leur domicile est même le lieu idéal pour travailler 100 % de leur temps !

Ils estiment que le travail à domicile est bien perçu et encouragé par leur employeur à 67 % et qu’il est même très encouragé à San Francisco et Seattle. D’ailleurs, le principal frein au télétravail, serait un employeur qui y serait peu favorable pour 36 % des Parisiens et des Singapouriens, avant même le manque d’équipement adéquat ou d’espace suffisant pour le home office ou le déséquilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Nous, professionnels de la qualité et du bien-être au travail, nous sommes tous beaucoup exprimés sur l’équipement pour télétravailler. Les premiers mois, nous avons même défini le télétravail comme « dégradé » car subi. Certains ont un mauvais réseau à la maison, un fauteuil inadapté qui a provoqué un mal de dos, etc. Nous avons demandé aux collaborateurs quelle latitude ils laisseraient à leur employeur pour aménager leur espace professionnel à la maison. La plupart des collaborateurs n’imaginent pas un monde dans lequel leurs employeurs s’immisceraient dans l’intimité de leur domicile pour y installer un poste de travail. En revanche, ils sont favorables à une certaine contribution financière de leur employeur. Parmi eux, 34 % souhaitent s’équiper librement ; 20 % que l’employeur leur fournisse un poste de travail adapté (siège ergonomique, lampe de bureau, etc.) et 19 % qu’il finance l’équipement choisi sur un catalogue de choix fourni par l’entreprise. Si les répondants se sont montrés pratico-pratiques dans leurs réponses, notons qu’ils sont également sensibles à l’esthétique : le design, l’aménagement et la décoration de l’espace de travail comptent pour les trois quarts des personnes interrogées, et ce, quel que soit l’endroit où ils travaillent.

Si le télétravail fonctionne, pourquoi retourner au bureau ?

O. D. : Parce que cela fait un an, voire davantage, que les interactions sociales se limitent aux visioconférences. Les échanges informels nous manquent. Notamment pour les interviewés travaillant à Paris. Le Baromètre Actineo France 2019 le montrait déjà. Les Parisiens, en 2021, le confirment : les rapports avec les collègues sont ce qu’il y a de plus important dans l’hexagone où la pause-café et le déjeuner avec les collègues sont élevés au rang d’institution. Le bureau est le lieu de convivialité par excellence ! Parmi les autres raisons principales de retourner au bureau, on retrouve la volonté d’avoir un espace de travail séparé de leur sphère privée. L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle est particulièrement plébiscité à San Francisco, Seattle et Singapour.

Le monde d’après sera-t-il différent du monde d’avant ?

O. D. : Plus de la moitié des travailleurs interrogés estime que dans le monde du bureau de demain, la manière de travailler et l’espace de travail « seront un peu différents ». 18 % pensent qu’ils redeviendront exactement ce qu’ils étaient avant la crise sanitaire et 20 % que le monde du travail sera radicalement différent. De manière globale, les répondants des cinq grandes métropoles étudiées considèrent comme improbable un scénario dans lequel l’ensemble des employés travaillerait à 100 % en dehors des locaux de l’entreprise. Et ils considèrent comme absolument non-désirable un avenir dans lequel l’I.A. et les robots régneraient en maîtres. En fait, le scénario jugé à la fois souhaitable et probable est une combinaison d’éléments. Les collaborateurs souhaitent une plus grande attention accordée à l’écologie et au bien-être dans la conception des espaces de travail. Les espaces de travail doivent ainsi être « bienveillants » pour les êtres humains et la planète. Ils prônent davantage d’autonomie et de flexibilité. Finie la journée de travail de 9 h à 17 h sur une semaine de cinq jours telle que nous la connaissons ! Elle disparaîtra progressivement. Ce sentiment va de pair avec le fait de travailler pour plusieurs employeurs à la fois. Combiner travail salarié et freelance pourrait devenir plus fréquent. Quant à la durabilité, au sens d’espaces de travail éco-responsables, il n’existe que quelques différences mineures entre les régions. La plupart des répondants convergent sur son importance croissante.

Entre bureau et maison, le tiers-lieu est-il la panacée ?

O. D. : Parmi ceux qui télétravailleront 2 jours ou plus par semaine, 55 % sont d’accord pour dire qu’il serait important d’y ajouter un tiers-lieu de travail (de type coworking). Les travailleurs aspirent à travailler de façon équilibrée à la fois dans les bureaux de leur entreprise et à leur domicile, voire dans des tiers-lieux qui pourront faire office de passerelle entre les deux. Cela ne va pas sans certaines conditions : ces tiers-lieux devront être proches du domicile et dotés de tous les services nécessaires.

Les fondamentaux, c’est d’abord de pouvoir s’isoler pour se concentrer dans des espaces adaptés. En deuxième lieu, les espaces de travail doivent favoriser le travail d’équipe avec des espaces pour se réunir, pour la collaboration. Le bien-être doit reposer sur un environnement où l’on se sente bien et en sécurité. Ce dernier point concerne aussi bien la santé, l’hygiène que la présence de la nature et de la relaxation. Ce qui fera la différence, c’est de proposer aux collaborateurs un environnement éco-responsable, durable et éthique : des espaces qui encouragent la créativité. Cerise sur le gaîteau, les répondants souhaitent vivre une « expérience employe » à l’instar de l’ « expérience client » vantée dans le secteur du commerce. Cela se matérialise à travers un décor qui a du sens et qui est évolutif. Cela peut se traduire par un aménagement personnalisé et adapté aux besoins de l’équipe. Cela peut être un design qui reflète la culture et les valeurs de l’entreprise ou des espaces ou des équipements pour jouer, s’amuser. Une décoration originale et surprenante serait également la bienvenue.

(1) Amsterdam, Rotterdam, La Haye, Londres et Paris pour l’Europe, Singapour pour l’Asie ; San Francisco et Seattle pour les États-Unis.

Auteur

  • Irène Lopez