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Étudier pendant la pandémie : quel contrat psychologique pour nos futurs professionnels RH ?

Idées | Recherche | publié le : 01.09.2021 |

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Étudier pendant la pandémie : quel contrat psychologique pour nos futurs professionnels RH ?

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Depuis une année, que ce soit à l’université ou dans leur entreprise d’accueil, les étudiants en formation en alternance ont rencontré de nombreuses modalités d’enseignement et de travail, entre 100 % distanciel, 100 % télétravail, 100 % présentiel, hybride entre 40/60 ou 50/50…, tout ou partie chômage partiel, parfois un jour de congés payés imposé par semaine…

comment apprend-on à devenir un futur cadre de la fonction RH en période de pandémie ? Pour analyser ces perceptions, fin 2020, nous avons réalisé une « enquête sur l’expérience actuelle de l’enseignement à distance » auprès de nos étudiants de Master GRH, formation proposée en alternance, à l’IAE de Dijon en M2) et à l’ISM-IAE Versailles Saint Quentin1.

Un constat plutôt rassurant in fine

En cette période inédite, plus de six étudiants sur dix (65 sur les 99 répondants) vont bien ou très bien ; les étudiants M1 allant mieux que leurs collègues M2 (sept sur dix). Cependant, cette période d’enseignement à distance est bien ou très bien supportée pour moins de la moitié des répondants dijonnais, pour à peine la moitié des répondants du Master 2 (52 %) et plus des 2/3 des étudiants du Master 1 (68 %) de l’ISM-IAE. Certains mentionnent ainsi qu’ils sont « contents » que nous leur posions la question, nous remercient pour notre engagement dans ce contexte si complexe. Reflet d’une génération très agile avec le digital, la quasi-totalité des étudiants interrogés rencontre peu ou jamais de difficultés matérielles avec leur ordinateur, leur caméra, des outils tels que Zoom, BB ou Teams et à accéder aux visioconférences. Certes, certains d’entre eux ont de temps en temps des problèmes de connexion Internet, voire des problèmes de connexion réguliers (cinq étudiants de Versailles et cinq également du côté de Dijon, soit 10 % des 99 répondants) ; ce qui pourrait créer, à terme, une forme de rupture dans l’acquisition des connaissances si ces problèmes demeurent. L’environnement de travail des alternants est globalement compatible avec un enseignement à distance pour six étudiants interrogés sur dix. Nous remarquons à nouveau une différence entre les M1 et les M2 car à peine la moitié des étudiants M2 ISM-IAE, 2/3 des M2 IAE Dijon considèrent que leur environnement est compatible alors que près de huit étudiants M1 sur dix le trouvent pour Versailles et 2/3 pour Dijon. Certes, la majorité des étudiants n’a pas de difficultés pour s’isoler (huit étudiants M1 sur dix, un peu plus de la moitié des M2 ISM-IAE ; huit sur dix pour les M1 et 2/3 des M2 Dijon), leur environnement étant bruyant pour un tiers des M2 IAE Dijon et M1 ISM-IAE, pour 40 % des M1 Dijon et pour la moitié des M2 ISM-IAE. Cependant, la majorité des M2 IAE Dijon et M1 ISM-IAE fait le constat de l’absence de démarcation entre leur espace professionnel et privé ainsi que pour plus de sept étudiants M2 ISM-IAE sur dix et près de neuf sur dix pour les M1 Dijon.

Sept étudiants interrogés sur dix considèrent que leurs enseignants sont adaptés à de l’enseignement à distance : ces derniers « font de réels efforts pour rendre leur cours plus complet » d’autant qu’ils exercent « un métier où le contact fait tout », « le corps enseignant étant très présent », « bienveillant », « s’adaptant malgré la situation ». Une nouvelle différence est notée pour les M1 : 79 % pour les M1 ISM-IAE et 83 % pour les M1 Dijon ; 71 % pour les M2 IAE Dijon et 69 % pour les M2 ISM-IAE. Signe d’une forme de saturation quant à un dispositif d’enseignement qu’ils connaissent depuis près d’un an au sein du même niveau de formation et d’un même IAE pour la quasi-totalité de la formation. C’est peut-être également le signe d’une exigence supérieure en M2 en lien avec leur dernière année de formation. Par ailleurs, les étudiants interrogés considèrent que les supports de cours sont adaptés à de l’enseignement à distance (pour Versailles : plus de sept étudiants M1 sur dix et la moitié des étudiants M2 ; pour Dijon : la moitié des M1 et 2/3 des M2) et qu’ils ne manquent pas d’informations et de consignes (Versailles : moins de six étudiants M1 sur dix et moins de sept étudiants M2 sur dix ; Dijon : 2/3 des M1 et plus de neuf M2 sur dix).

Un contrat psychologique respecté

Ils ont le sentiment de manquer parfois d’interactivité (Versailles : moins de la moitié des étudiants M1 et un peu plus de la moitié des étudiants M2 ; c’est encore plus prononcé côté Dijon : les 3/4 d’entre eux) et d’avoir parfois des difficultés pour réaliser les travaux en groupe (Versailles : moins de la moitié des étudiants M1 et pour six étudiants M2 sur dix ; Dijon : un peu moins de huit étudiants sur dix). Dans l’étude réalisée, c’est le point le plus « négatif » mentionné par les étudiants.Les étudiants interrogés n’éprouvent pas une surcharge de travail personnel (moins de la moitié des étudiants M1 ISM-IAE et la moitié des étudiants M2 ISM-IAE ainsi que des Dijonnais). La quasi majorité considère que les horaires de travail sont respectés (Versailles : pour 79 % des étudiants M1 et 92,1 % des étudiants M2 ISM-IAE ; Dijon : 55 % des M1 et 83 % des M2).Bien évidemment, ils éprouvent de la fatigue ou décrochent face à l’écran (moins de la moitié des M1 et des M2 ISM-IAE et 95 % des étudiants dijonnais) et sont parfois démotivés (pour un peu moins de la moitié des M1 et pour la moitié des étudiants M2 ISM-IAE ; 72 % des M1 et 75 % des M2 Dijon). En effet, les étudiants évoquent des difficultés à « rester concentrés face à un ordinateur », à « conserver et entretenir un lien entre les élèves de la promotion », mais ils ont créé des groupes WhatsApp, Discord, pour avoir des contacts, pour « se souder » et « jouer à des jeux collaboratifs ». In fine, les missions confiées par leur entreprise dans le cadre de leur apprentissage n’ont pas été bouleversées. En effet, seuls 20 % des M2 IAE Dijon (cinq étudiants) ; 21 % des M1 (deux étudiants) et 26,3 % des étudiants M2 ISM-IAE (dix étudiants) ont eu des missions affectées. Signe que n’est pas remis en cause l’objectif de l’apprentissage.

Le contrat d’apprentissage comme tout contrat de travail repose, à la fois, sur un contrat formel et un contrat informel, immatériel, basé sur diverses obligations et promesses réciproques, plus ou moins diffuses, régies par l’entreprise, les étudiants et leur organisme de formation, en l’occurrence, nos IAE, créant un contrat psychologique. S’inscrivant au sein d’un continuum contractuel, ce dernier peut revêtir deux formes majeures. Dès lors que l’étudiant considère l’échange avec son entreprise et/ou son IAE comme n’étant que ponctuel, économique et court termiste ; dès lors qu’il n’éprouve aucune obligation à l’égard de ceux-ci, aucune des parties ne s’engageant autour de promesses, se crée un contrat psychologique transactionnel. Celui-ci repose sur des obligations exclusivement monétaires, sur une « simple » application du contrat d’alternance stricto sensu. Dès lors qu’existe une forte dimension affective et une confiance mutuelle entre les parties ; l’entreprise comme l’IAE proposant des promesses jugées importantes et sécurisantes par l’étudiant, celui-ci s’engageant à leur être loyal et fidèle, se crée un contrat psychologique relationnel.

Ce dernier repose sur un engagement et une confiance durables et réciproques, sur une dimension émotionnelle du contrat, du moins de leur temps de leur formation. Trois modalités de mise en œuvre du contrat psychologique sont alors observables. Si l’une des parties considère que l’autre partie respecte ses obligations, ses promesses, le contrat psychologique est dit « respecté ». Si l’une des parties considère que l’autre partie les respecte bien au-delà de ses attentes, il est dit « dépassé ». Si l’une des parties considère que l’autre ne les respecte nullement, il est dit « rompu » ; voire même « violé » si le salarié-étudiant éprouve un important sentiment de colère, de frustration, de déception. Concernant le contrat psychologique existant entre les étudiants interrogés et nos deux IAE, les résultats encourageants mesurés pour une grande majorité (plus ou moins 60 % des M2 et 74 % des M1 à Versailles, plus de 71 % à Dijon) tendent à nous amener à considérer qu’un contrat psychologique relationnel s’est construit, qu’il est « respecté » voire « dépassé » pour quelques-uns des étudiants.

Concernant celui construit entre les étudiants et leur entreprise d’apprentissage, leurs missions ayant été peu ou pas bouleversées, il semble également que leur contrat psychologique ne soit pas transactionnel, mais plutôt relationnel dans certains contextes et « respecté ».

Des étudiants RH résilients

Le terme de « résilience », du latin resiliens, peut être défini comme la capacité de rebondir face à un événement traumatique, à se dégager d’une situation. Selon Cyrulnick2, la résilience individuelle se construisant et n’étant pas innée, elle peut être considérée comme une qualité personnelle ; comme un processus facilité par ses propres facteurs de résilience, pouvant être remplacés par des « tuteurs de résilience » en cas d’absence ; comme une aptitude à négocier les ruptures de l’environnement et les bouleversements intérieurs en résultant. Nous pouvons tout à fait considérer que les étudiants interrogés font preuve de détermination, de croyance en eux-mêmes, de persévérance et ont la capacité à trouver du sens dans les événements qu’ils connaissent faisant preuve d’une réelle pensée résiliente.

Certes, leur environnement est devenu turbulent plus vite, leur avenir est plus inconnu et plus énigmatique mais comme toute organisation résiliente, les étudiants interrogés de nos Master possèdent, à la fois, une capacité d’absorption face à l’inattendu, au choc du changement, une capacité de renouvellement pour imaginer un nouveau futur et une capacité d’appropriation leur permettant d’en sortir grandis (Weick et Sutcliffe3). C’est ainsi qu’une grande majorité d’entre eux font face et savent faire face, feront face et sauront faire face à un défi cognitif en étant réalistes et conscients des changements actuels et futurs ; à un défi stratégique en ayant la capacité à imaginer différentes et inédites stratégies d’accès aux apprentissages puis au marché du travail ; à un défi idéologique en étant proactifs et en recherche continuelle de nouvelles opportunités (Hamel et Välikangas4). Signes tout à fait porteurs d’espoir de cette jeune et enthousiaste génération de futurs professionnels RH.

(1) Enquête réalisée du 18 au 22 novembre 2020 (24 répondants sur 25 étudiants M2) et du 27 novembre au 4 décembre 2020 (18 répondants sur 20 étudiants M1) pour l’IAE Dijon ; du 7 au 14 décembre 2020 à l’ISM-IAE Versailles St Quentin (19 répondants sur 24 étudiants M1 ; 38 sur 47 étudiants M2). Au total 99 répondants sur 116 étudiants (85 %).

(2) Cyrulnik B. Un merveilleux malheur Odile Jacob, 1999 ; Tisseron S. La résilience PUF, collection Que Sais-je, 6ème édition, 2017

(3) Weick K. et Sutcliffe K. Managing the Unexpected – Assuring High Performance in an Age of Complexity Jossey-Bass, 2001

(4) Hamel G. et Välikangas L. “The quest of resilience” Harvard Business Review, voL. 81, n° 9, p. 52-63, 2003

Nota bene : les détails des chiffres statistiques sont à la disposition des lecteurs.