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Idées

De la défiance à la confiance

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.09.2021 | Jean-Claude Mailly

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De la défiance à la confiance

Crédit photo Jean-Claude Mailly

Le bloc-notes de Jean-Claude Mailly

À la différence des populations d’autres pays, notamment en Europe, les Français sont beaucoup plus méfiants. Au-delà du cercle proche ils ont même tendance à être défiants, notamment à l’égard des politiques et de tout ce qui est considéré comme l’institutionnel et l’entre soi. Cette conclusion de travaux menés par le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po), qui correspond par ailleurs à la société de défiance décrite par Pierre Rosanvallon, fait remonter à la fin des années 1980 le moment de la bascule. Les raisons de ce constat sont multiples mais on peut cependant, de mon point de vue, en souligner l’une des plus déterminantes.

La fin des années 1980 fut la période où, sous l’effet de l’application de la logique de l’école de Chicago, d’abord aux États Unis puis au Royaume-Uni et en Europe, on a installé la primauté des logiques financières de marché, ce qu’on appelle le capitalisme financier peu régulé. Dans un pays comme la France, compte tenu de ses principes républicains et de sa centralisation, cette confrontation des cultures a généré un premier choc, voire un court-circuit. Cette logique a en effet percuté le rôle et l’influence des États nations ou la structure de la négociation collective en remettant en cause progressivement la hiérarchie des normes, a fait glisser l’égalité vers l’équité et développé de fait les inégalités et le sentiment d’injustice. De fil en aiguille s’est installé un décrochage ou une déconnexion de ce qu’on appelle improprement les élites avec le peuple. Ce dernier se sent mal représenté, considère que ses attentes individuelles ne sont plus ou pas assez pris en compte, il se sent délaissé.

Et quand surgissent des mouvements poujadistes ou populistes, quand l’abstention aux élections augmente, la légalité tend à s’effacer devant un problème récurrent de légitimité.

Au centre de ce dilemme se situe le consentement, celui qui rend par exemple la réforme acceptée et non perçue comme une contre-réforme ou un objet non identifié. De fait, légitimité et consentement sont des conditions nécessaires à l’existence constatée de la confiance, ce sentiment fragile qui se construit et se contrôle patiemment et peut s’effondrer rapidement et être dur à reconstruire. Chat échaudé craint l’eau froide.

La société française est confrontée à cette situation, on l’a constaté notamment avec les gilets jaunes ou le taux de participation aux élections.

In fine, ce sont les modes de fonctionnement de notre démocratie qui sont impactés.

Renverser la tendance ne se fera pas en un jour, raison de plus pour s’y attaquer rapidement. Réparer le gouvernail démocratique en lien avec le cap du respect universel des valeurs républicaines est de mon point de vue plus que nécessaire Ces valeurs ont pu forger l’unité du pays, elles n’excluent pas la diversité mais sont contraires aux communautarismes.

Il faut réconcilier le pays des 300 fromages avec l’universalisme républicain. En son temps et dans un autre contexte le programme du Conseil national de la résistance a permis de remettre le pays sur les rails du progrès. L’heure est peut-être venue de s’en inspirer pour mettre en place un Conseil national de la reconstruction, en lien avec un Commissariat général au plan revivifié, pour débattre, évaluer, projeter, dégager les priorités, décider et mettre en œuvre. La démocratie en sortirait grandie, la légitimité aussi.

Auteur

  • Jean-Claude Mailly