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Un révélateur du fonctionnement des entreprises

Dossier | publié le : 01.09.2021 | Irène Lopez

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Un révélateur du fonctionnement des entreprises

Crédit photo Irène Lopez

Brouillonne, « à la papa », bienveillante ou encore langue de bois, de nombreux adjectifs qualifient les échanges entre la direction et ses salariés. Les outils sont aussi hétérogènes que les entreprises et vont du tableau d’affichage au réseau Intranet, en passant par les revues en papier glacé. Qu’est-ce qui détermine les supports mis en œuvre ? Quelles sont les entreprises qui communiquent le mieux en interne et pourquoi ? Tour d’horizon avec quatre syndicalistes.

Près de 50 000 personnes sont salariées d’Auchan Retail en France. L’enseigne de la famille Mulliez communique très souvent envers elles. « Un peu trop, selon Guy Laplatine, délégué syndical central CFDT Auchan. Nous sommes noyés par des brouillards d’informations. Elles arrivent dans notre boîte à lettres électronique sans être hiérarchisées. Chaque semaine, une newsletter liste les chiffres remarquables, les promotions et les diverses actions commerciales mises en place. Au plus fort de la pandémie, les mesures sanitaires à suivre étaient partagées au fil de l’eau. »

Pour le délégué syndical, les nombreux outils mis en place par le groupe ont amélioré les gains de production, mais ont engendré une catastrophe en matière de service. Il déclare : « Nous avons l’impression d’être noyés dans une sorte de machine, tout va très vite. Trop vite. Nous sommes de plus en plus dans l’instantanéité. » À l’image des flots d’informations qui surgissent dans les boîtes de réception des messageries.

Il poursuit : « Les délais sont de plus en plus courts pour gérer son temps. Je peux, par exemple, apprendre le matin que je dois assister à une réunion l’après-midi. Cela m’oblige à être encore plus disponible. »

Résultat ? Le temps se comprime à l’image de la réunion où trois accords ont été discutés en une seule heure. « Nous avons l’impression de bâcler », dit encore Guy Laplatine, pour qui cette évolution des emplois du temps engendre une perte de sens. Il conclut : « Trop de communication tue la communication. Nous survolons les sujets en permanence. Nous ne sommes plus dans l’essentiel. »

Directe et individuelle

« La communication n’est pas un problème à la MAIF, déclare en préambule Frédéric Raison, secrétaire du syndicat UNSA MAIF. L’accès aux informations n’est pas une difficulté. Ce qui l’est, en revanche, c’est de faire le tri. » La MAIF dispose de Yammer, un réseau social d’entreprise. Il s’agit plus précisément d’un outil de microblogage. On y échange des idées, on y partage des mises à jour, on y travaille de façon collaborative. Surtout, on s’inscrit à des groupes de discussions divers. Tout salarié peut y écrire des messages. Les six syndicats représentés à la MAIF y possèdent chacun une page.

Qui dit réseau social, dit modération. Frédéric Raison précise : « Il faut prendre garde à ne pas partager des données plus ou moins confidentielles et à ne pas mélanger informations professionnelles et personnelles. On a ainsi su que Jacques allait boire un verre avec Simone. »

Le regret du secrétaire du syndicat UNSA concerne les réponses directes qui ne devraient pas être individuelles. Il a ainsi été chagriné d’apprendre, sur le réseau social d’entreprise, que la MAIF ne souhaitait pas donner suite à la prime Macron.

À la question d’un employé, la direction avait répondu directement à ce salarié alors qu’elle aurait dû transmettre la réponse aux représentants du personnel.

Au service de la stratégie

À La Poste, ancienne administration d’État, des revues sur papier glacé relayent aussi bien la stratégie de l’entreprise que des informations concrètes relatives à des bonnes pratiques.

Le journal papier FORUM, rédigé par les services communication du groupe, mise sur la proximité. « Les informations sont localisées suivant les territoires », explique Christian Billet, président CFTC La Poste. Salarié en Bourgogne-Franche-Comté, il apprécie de lire des informations sur les services de la commune de Vesoul par exemple. Il confirme l’avantage des informations de proximité : « C’est valorisant pour le responsable d’exploitation de Dôle d’avoir sa photo dans le journal FORUM. C’est similaire aux reportages du journal de 13H de TF1 sur les territoires. »

Récemment, l’affaire sensible des tracts électoraux non remis aux Français pour le premier tour des élections régionales et départementales le 20 juin a permis au service de communication de s’attirer les faveurs des salariés.

Adrexo était la société choisie par le Gouvernement (suite à un appel d’offres) pour couvrir la distribution dans 51 départements. Or, il s’est avéré que 9 % des plis électoraux n’avaient pas été acheminés à leurs destinataires pour le premier tour. À l’époque, c’est La Poste qui a été mise en cause par le grand public. Les salariés du groupe s’en sont émus. La direction de la communication a écrit un communiqué de presse se dédouanant de la défaillance d’Adrexo et acceptant le principe de la reprise de 5 millions de plis sur les zones attribuées à Adrexo.

La direction de la communication a relayé le communiqué en interne. Christian Billet s’en réjouit : « Sur les sujets sensibles, toutes les informations qui sortent à l’extérieur sont également communiquées en interne, sur une feuille affichée dans tous les établissements. Il s’agit d’Info’Post. Les salariés apprécient. Nous avons tous le même niveau d’information. »

Autre outil utilisé au sein du groupe La Poste, les ETC, les Espaces Temps Communication, permettent d’incarner la communication. Une fois par mois, pendant 1h30, chaque manager réunit son équipe et échange avec eux sur certains sujets. Cela peut avoir trait à la nouvelle offre commerciale, la crise sanitaire… Le manager a une certaine autonomie. Il reçoit un dossier de la part de la direction dans lequel il choisit les sujets qu’il va aborder. C’est un moment très convivial. En général, après, manager et collaborateurs commandent des pizzas et déjeunent tous ensemble.

Le président CFTC La Poste confie : « La communication est plutôt bien faite, le personnel a suffisamment d’informations mais ne nous méprenons pas : il s’agit d’une communication d’entreprise mise au service de la stratégie d’entreprise. Lorsque vous lisez Le Figaro, vous savez ce que vous allez y lire… »

Service minimum

C’est au sein du secteur de l’habillement que les situations sont les plus contrastées. Chez HappyChic, par exemple, l’entreprise groupe multimarque de prêt-à-porter masculin dispose d’un Intranet avec un onglet réservé aux syndicats. Chez Primark, rien de tout cela. Il n’y a que les panneaux d’affichage au sein de chaque magasin. L’expression « le minimum syndical » pour définir la communication interne de l’entreprise irlandaise spécialisée dans la distribution de vêtements à bas prix, serait presque drôle si la situation n’était pas aussi délétère. Élodie Ferrier, secrétaire fédérale CGT Commerce et Services détaille : « Si nous avons le malheur de distribuer des tracts et de discuter avec les salariés, les personnes concernées sont convoquées, dès le lendemain, à des entretiens formels avec la direction. »

Chez Inditex (groupe espagnol spécialisé dans la confection et la distribution de textile fast fashion avec principalement la marque Zara), les syndicats transmettent par mail à la direction un tract qui est ensuite imprimé et accroché sur le panneau d’affichage.

Pendant la crise sanitaire, Élodie Ferrier n’a pas remarqué davantage de communication de la part de la direction vers les salariés. « Rien n’a été fait pour nous rassurer. Les mesures d’hygiène à appliquer nous étaient bien communiquées, déclare la secrétaire fédérale CGT Commerce et Services. Mais le contenu des messages portait surtout sur la reprise, l’organisation, les plannings. La direction ne cessait de nous demander de revenir sur site. »

La syndicaliste confie que, depuis la pandémie, la situation est particulièrement tendue dans le secteur du commerce.

Elle décrit une situation qui s’est produite avant l’été dans le magasin d’une enseigne de meubles dans une commune de Loire-Atlantique : « Le délégué syndical central s’est déplacé dans le magasin pour parler aux salariés. Le directeur de magasin n’a pas apprécié et a fait cesser les échanges. Le délégué a eu les mots suivants : « Tu n’es pas chez toi. Le magasin ne t’appartient pas. » Or, le directeur est un homme noir. Les propos du délégué ont été détournés et la direction nationale de l’enseigne a déposé plainte pour propos racistes. »

Un climat sous tension et un échange d’informations réduit à son minimum ne sont pas près de favoriser une bonne communication interne.

Auteur

  • Irène Lopez