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Changement climatique : la chasse aux compétences est ouverte

Décodages | Conseil | publié le : 01.09.2021 | Laurence Estival

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Changement climatique : la chasse aux compétences est ouverte

Crédit photo Laurence Estival

 

À quelques mois de la COP 26, qui se tiendra en novembre à Glasgow, en Écosse, états et entreprises accélèrent leurs engagements sur la décarbonation de leurs activités. Une tâche complexe qui fait appel à de nouvelles compétences.

Arnaud Doré, le directeur d’EcoAct a le sourire. « Depuis 2019, nos effectifs de consultants ont été multipliés par deux. Nous sommes aujourd’hui 300 et ce n’est qu’un début… » Ce cabinet qui conseille les entreprises dans la stratégie à adopter pour réduire leur empreinte carbone tout en continuant à se développer, n’est d’ailleurs pas peu fier d’avoir été « absorbé » il y a quelques mois par Atos, un groupe bien plus gros que lui… Cette dynamique va, certes, permettre à EcoAct de toucher de nouveaux clients. Mais ce rapprochement est synonyme d’un mouvement beaucoup plus profond : il illustre l’importance croissante des enjeux climatiques pour tous les acteurs économiques et non pas sur celles installées sur des niches ou celles étant les plus impactées. En témoigne également le rachat Des Enjeux et des Hommes, un autre cabinet de conseil spécialisé dans le développement durable et la RSE, par Ecocert, l’organisme certificateur leader mondial de la certification bio. Objectif pour l’acquéreur : maîtriser l’ensemble des sujets de la chaîne de valeur de la transition écologique. Tous les cabinets de conseils, de PwC à Deloitte renforcent eux aussi leurs équipes dédiées car la demande fait mieux que frémir. Elle explose ! « Le sujet devient mainstream », s’enthousiasme Arnaud Doré. Cette effervescence ne doit rien au hasard : à l’heure où les rapports se succèdent pour mettre en évidence les conséquences déjà bien présentes des changements climatiques et où la réglementation se renforce, les entreprises ont bien compris qu’elles ne pouvaient plus faire le gros dos… D’autant que les investisseurs deviennent de plus en plus pressants, comme le montre la multiplication des engagements concernant la fin des financements accordés aux entreprises impliquées dans des projets de mines ou de centrales à charbon. Avant un nouveau tour de vis qui concerne, au-delà, les énergies fossiles d’une manière plus générale, et en premier lieu les pétroles et gaz de schiste, voir le pétrole conventionnel. Le développement des activités compatibles avec l’Accord de Paris et la nécessité de tout mettre en œuvre pour éviter une hausse des températures au-delà de 2 °C d’ici la fin du siècle est, signe des temps, un des plus gros volets du plan de relance post-Covid européen et mobilise un tiers du plan français avec un focus conséquent sur le bâtiment et les énergies renouvelables.

 

Le conseil aux avant-postes.

Ce contexte macro-économique n’est pas sans conséquence sur l’emploi, même s’il est très difficile d’avoir une vision d’ensemble… Car tous les secteurs économiques n’en sont pas au même stade dans l’avancement de leur transformation. Aux avant-postes : le secteur du conseil. « Depuis 2019, notre activité s’accélère avec une montée en puissance des demandes d’entreprises qui n’étaient pas actives jusqu’ici en matière de bilan carbone, d’économie circulaire mais aussi, et c’est nouveau, de préservation de la biodiversité », illustre Timothée Quellard, directeur associé d’Ekodev, un cabinet spécialisé sur ces segments, qui recrute des ingénieurs rodés à ces problématiques. Les profils ont en effet changé au cours de ces dernières années : les généralistes ayant suivi des cursus en développement durable ou ayant une première expérience dans ce domaine sont aujourd’hui rejoints par des collaborateurs plus pointus, comme des agronomes pour réaliser, par exemple, des bilans carbone ou des énergéticiens pour accompagner les entreprises sur les questions de mobilité. Des candidats également courtisés par EcoAct qui enregistre une croissance de la demande soutenue autour des plans pour atteindre la neutralité carbone ou anticiper la réglementation. « Nous intégrons toujours des généralistes, type Sciences Po ou école de commerce pour prendre de la hauteur, mais nous sommes aussi régulièrement en quête de spécialistes du cycle de vie des produits ou de collaborateurs capables de modéliser des projections climatiques », décrit Arnaud Doré. Autre perle rare difficile à attirer : les spécialistes de la compensation carbone. Il s’agit de gérer de A à Z l’identification et la gestion de projets en France ou à l’international qui permettent, telle la plantation de forêt ou la restauration de mangroves, de stocker du carbone dans le sol afin d’en retirer de l’atmosphère.

 

Le secteur énergétique et l’industrie aux aguets.

Autre secteur qui a le vent en poupe : les énergies renouvelables, un domaine dans lequel les projets se multiplient, du fait de l’engagement d’acteurs déjà dans l’énergie tels Total ou Engie, mais aussi de l’intérêt des entreprises qui, pour décarboner leur bilan, souhaitent signer des accords de long terme avec des gestionnaires de projets solaires ou éoliens. « Nos adhérents ont de gros besoins d’énergéticiens spécialistes de ces technologies mais aussi de chargés d’études en amont ou de gestionnaires de parcs en aval, mentionne Jérémy Simon, délégué général adjoint du SER (Syndicat des énergies renouvelables). Il y a aussi des métiers nouveaux autour des énergies marines et des parcs éoliens off-shore qui nécessitent des compétences particulières. » D’autant que la France, très en retard sur ce segment, est en train de mettre les bouchées doubles. La demande de compétences est également soutenue dans le domaine de la maintenance : « Nous sommes face à une pénurie en raison de la désindustrialisation de notre pays : nous manquons par exemple de soudeurs, de mécaniciens… », poursuit l’expert.

L’accélération est, en outre, palpable autour des projets liés à l’hydrogène, un secteur qui s’intéresse tant aux profils proches de ceux que cherchent à capter les énergéticiens qu’aux compétences issues de l’industrie automobile. Car si l’usage industriel de l’hydrogène est appelé à se développer, le secteur des transports devrait, du moins dans un premier temps, être le premier concerné. En témoigne l’exemple de Symbio : depuis l’entrée de Michelin et de Faurecia à son capital, l’entreprise, créée il y a dix ans, a changé de dimension et d’ambitions. Devenue fournisseur de premier rang, elle est engagée dans une course contre la montre pour industrialiser la production de pile à combustion et de systèmes permettant de généraliser les usages de ce carburant considéré comme le plus prometteur. « Une première usine est déjà en cours de construction à Vénissieux et devrait être opérationnelle en 2025. D’ici-là, 500 personnes devront être recrutées pour la fabrication et la maintenance. Sans compter de nouveaux ingénieurs pour étoffer les équipes de recherche-développement déjà en place », indique Philippe Rosier, directeur général.

Côté constructeurs automobiles aussi, les dernières annonces de créations de « gigafactories » dans l’Hexagone autour de PSA et de Renault devraient générer des emplois ou des évolutions de compétences déjà présentes. Dans une étude parue fin juin, la CFDT et la Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l’homme ont cherché à identifier les évolutions possibles du secteur automobile en pleine transformation : à l’horizon 2030-2035, 15 000 emplois pourraient être créés pour la fabrication de batteries, 9 000 pour le recyclage, et jusqu’à 7 725 pour le retrofit. Malgré les évolutions technologiques et une baisse globale attendue du nombre de véhicules produits à cette échéance, il y a aussi, selon l’étude, de quoi créer 33 % d’emplois supplémentaires par rapport à la situation actuelle. Rappelons par ailleurs que, le 18 juin dernier, un fonds d’accompagnement et de reconversion de la filière automobile qui devait à l’origine ne concerner que les salariés des fonderies, a été élargi à l’ensemble des sous-traitants…

Les entreprises en transition ont d’ailleurs bien conscience que, dans le secteur automobile comme dans l’énergie, les transports ou l’agroalimentaire, seule la mobilité interne ne leur permettra pas de relever les défis. Rien d’étonnant si Symbio a créé son propre centre de formation ou si Jordane Nogarede DRH de VSB, spécialisée dans les énergies renouvelables dont les effectifs sont passés de 50 à 120 personnes en quatre ans « avec la prévision d’atteindre la barre de 250 en 2025 », précise-t-elle, joue la carte de l’accueil d’apprentis… Même politique chez le chimiste Solvay qui cherche également à mettre la main sur des spécialistes des matériaux, de la digitalisation industrielle ou des acheteurs de matières premières bio-sourcés. Candidats, à vos CV !

Auteur

  • Laurence Estival