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Recrutements: la reprise se fait attendre pour les candidats

À la une | publié le : 01.09.2021 | Gilmar Sequeira Martins

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La reprise se fait attendre pour les candidats

Crédit photo Gilmar Sequeira Martins

 

Si l’économie se remet lentement de la crise, tous les secteurs ne profitent pas au même rythme de la reprise. Le ratio entre candidats et offres d’emploi présente encore des disparités saisissantes.

Trouver un emploi peut être un très long combat. En particulier pour les plus basses qualifications, confirme Oualid Hathroubi, directeur Hays Paris : « Quand le marché est compliqué, ce sont les métiers considérés comme moins créateurs de richesse qui sont les plus pénalisés. » Il donne en exemple les postes de marketing où les recruteurs se retrouvent avec des candidats à foison. Une situation qui a sa logique : dans une situation tendue qui a impacté les chiffres d’affaires, lorsque les entreprises ont un budget recrutement, elles préfèrent investir dans des postes de commerciaux, c’est-à-dire des personnes qui vont l’aider à écouler sa production actuelle plutôt que de concevoir ses futurs produits. « En période de crise, les postes les plus recherchés sont ceux de commerciaux ou de chargé du recouvrement, rappelle Oualid Hathroubi. Aujourd’hui, étoffer les équipes marketing n’est clairement pas la priorité des chefs d’entreprise. »

L’assistanat très touché

Une analyse confirmée par Indeed qui constate une abondance de candidats dans les métiers à basse qualification non-cadres du tertiaire. Selon le moteur de recherche d’offres d’emploi, le nombre de candidats a augmenté de 15 % à 20 % par rapport à la situation d’avant la crise sanitaire. Éric Gras, consultant d’Indeed, attribue cette évolution à la structure de l’appareil de formation initiale : « Ce phénomène tient principalement à l’arrivée de nouveaux entrants, des jeunes ayant achevé leur cycle d’études, or c’était déjà un marché qui souffrait d’un manque d’offre. » Ce type d’études est attractif alors que le nombre d’offres d’emploi n’a pas évolué, d’où cette profusion de candidats. Le spécialiste d’Indeed estime que « trouver un emploi est encore plus difficile pour les jeunes sans expérience ou avec une faible expérience de trouver un emploi ». Dans certains cas de figure, il peut y avoir jusqu’à 900 candidats par offre alors que dans l’ingénierie, le nombre de postulants se limite à 3 ou 4…

Les métiers de l’assistanat figurent aussi parmi les plus impactés. « En période faste, dans une grande entreprise, les directeurs sont tous dotés d’une assistante, explique Oualid Hathroubi. Dans une période compliquée, il se peut qu’une assistante soit affectée à deux ou trois directeurs. » Dans de tels métiers, ce sont les compétences rares qui feront la différence. Une assistante qui parle anglais et une autre langue trouvera facilement un poste. Les capacités linguistiques restent une compétence spécifique très recherchée dans un marché qui est désormais en phase de mondialisation très avancée. « Il faut se rappeler que l’anglais n’est vraiment entré dans les cursus financiers que depuis une dizaine d’années », note Oualid Hathroubi.

Les jeunes diplômés sont aussi dans une situation difficile, rappelle Antoine Lecoq, managing director de PageGroup : « Lorsqu’elles réduisent les recrutements, les entreprises ont tendance à se concentrer sur les candidats plus opérationnels pour assurer un développement plus rapide de leur activité. » Son cabinet note une forte baisse de l’intégration des jeunes diplômés bac + 5 sur le marché du travail. « Cela tient aussi à ce que les entreprises ont réduit le recours aux stages qui sont une voie d’intégration sur le marché du travail pour les diplômés », ajoute le consultant.

Qui se serait attendu à une baisse des offres d’emploi dans l’audit ? Et pourtant c’est le cas. Cadremploi note une baisse de 7 % des offres d’emploi entre 2020 et 2021, alors que la fonction gestion, comptabilité et finance progresse de 19 % sur la même période. « Une explication possible tient peut-être à ce que la fonction gestion, comptabilité et finance, permet d’optimiser les coûts rapidement, d’où l’intérêt en hausse des entreprises pour ce type de profil », relève Julien Breuilh, directeur des études de Cadremploi. Une autre explication tient au marché de l’audit lui-même dont la dynamique repose en grande partie sur la demande des « big four », grands recruteurs de jeunes diplômés. Or cette population figure parmi les premières à être touchées en cas de crise. « Les jeunes diplômés sont souvent une variable d’ajustement en cas de crise, tout comme les personnes ayant une forte expérience », indique Julien Breuilh. Les entreprises préfèrent en effet des candidats plus expérimentés que les jeunes diplômés lorsqu’elles ont des postes à pourvoir en temps de crise. Un autre motif à prendre en compte tient aux attentes de ces jeunes diplômés qui souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée or les métiers de l’audit ne sont pas ceux où cet équilibre est le plus facile à établir.

 

Les ressources humaines en convalescence

Autre secteur qui a vu augmenter le nombre de candidats par offre d’emploi : les ressources humaines. Sur Cadremploi, le nombre moyen de candidats par offre pour un poste de directeur des ressources humaines est ainsi passé de 70 en 2019 à 81 en 2020 avant de revenir à 65 en 2021. La fonction de responsable des ressources humaines a pour sa part connu l’évolution similaire : 39 candidats en moyenne par offre en 2019, 47 en 2020 et 32 en 2021. Ces fonctions et plus particulièrement celle de DRH méritent une analyse spécifique, précise toutefois Julien Breuilh, de Cadremploi : « Beaucoup de DRH forment un binôme avec leur directeur général. En cas de restructuration, on peut supposer qu’ils partent souvent ensemble. Globalement, pour qu’une entreprise performe ou « surperforme », il faut que ce binôme fonctionne bien. » La crise sanitaire de 2020 a donc pu avoir, selon les situations, un effet de renforcement de ce binôme ou, au contraire, d’affaiblissement. Il est d’autant plus important lorsque les entreprises engagent un processus de transformation : « Cela passe bien sûr par le développement de l’employabilité de leurs collaborateurs, mais aussi parfois par une évolution de la structure de leurs effectifs avec des recrutements et des licenciements en simultané », précise Julien Dubreuilh. Dans une telle approche, il faut que le binôme que forment la direction générale et les ressources humaines fonctionne bien. « En 2020, le DRH a été moins orienté business partner du fait de la crise sanitaire, mais il a toutes les chances de le redevenir en 2021 », conclut Julien Breuilh.

Les fonctions de direction de centres de profit ne sont pas en reste avec un nombre de candidatures assez élevé. Ainsi, selon Cadremploi, il y avait en moyenne 47 candidats par offre d’emploi en 2019, 61 et 2020 et 55 en 2021. La volumétrie des postes restant relativement faible, avec 2 200 offres au premier semestre, ce facteur explique sans doute un niveau élevé de candidatures. L’analyse de Cadremploi fait cependant valoir qu’avec un nombre croissant d’entreprises en phase de restructurations en vue de concevoir de nouvelles organisations, les actionnaires peuvent être tentés de mettre en poste de nouveaux profils. Sur les postes de direction générale ou de direction générale adjointe, le nombre moyen de candidats par offre a aussi progressé, passant de 87 au premier semestre 2019 à 128 en 2020 pour revenir à 98 au premier semestre 2021. Le poste de DAF, aujourd’hui au cœur de la transformation financière des entreprises, a lui aussi connu une progression du nombre moyen de candidats, passant de 75 en 2019 à 93 en 2020 pour revenir à 73 en 2021.

 

L’attentisme prévaut dans l’industrie

L’industrie n’a pas été épargnée par la crise. Les offres d’emploi cadres liées à la production industrielle sont encore très faibles selon l’Apec. « En juin 2021, elles restent à un niveau inférieur de 22 % à celui de juin 2019 », indique Pierre Lamblin, directeur des études. Un chiffre qui traduit très clairement la prudence des entreprises du secteur industriel, en particulier celles de taille moyenne ou plus réduite encore. « Elles ont encore trop peu de visibilité sur leurs carnets de commandes pour envisager des recrutements, estime Pierre Lamblin. Les fonctions connexes comme les achats, la maintenance, la sécurité, la logistique et la qualité souffrent aussi de cette situation avec un niveau d’offres d’emploi cadre en juin 2021 inférieur de 18 % inférieur à celui de juin 2019. » L’Apec relève aussi que les offres d’emploi relatives au secteur des études et la R&D sont aussi en retrait de 12 % en juin 2021 par rapport à leur niveau de juin 2019, situation qui est pour Pierre Lamblin « en lien vraisemblablement avec des dépenses en matière d’innovation pas encore totalement au rendez-vous ».

Recruter n’est plus une course contre la montre, note de son côté Antoine Lecoq, managing director de PageGroup : « Les processus de recrutement sont souvent plus longs aujourd’hui car les entreprises prennent davantage de temps considérant que le contexte est favorable à l’émergence d’un choix plus large. » Quant à la surenchère salariale qui a animé certains segments du marché, elle n’est plus d’actualité. « Les entreprises estiment qu’il y a plus de candidats disponibles et elles stabilisent leurs propositions salariales, même si les meilleurs candidats restent très courtisés, indique Antoine Lecoq. C’est une stabilisation plutôt qu’une baisse car les profils très qualifiés ou très demandés ne sont pas plus faciles à trouver. »

 

Les candidats s’adaptent

Face à une telle situation, comment réagissent les postulants ? « Quand il y a un grand nombre de candidats pour une offre, il est clair qu’il n’est plus possible d’être très exigeant sur le type d’entreprise, les conditions de travail ou de rémunération », constate Éric Gras, d’Indeed. Les candidats ont alors tendance à valoriser leurs aptitudes : l’engagement, la motivation, la capacité à apprendre ou encore leur potentiel évolutif. « Les recruteurs apprécient particulièrement et en priorité les candidats qui ont un sens prononcé des responsabilités, une réelle capacité d’apprentissage et la capacité de travailler en équipe, de ne pas être seulement efficaces dans leur travail mais de contribuer au succès de leur équipe », note Éric Gras.

La mobilité reste l’un des leviers les plus efficaces pour valoriser une candidature. Elle n’est malheureusement pas accessible à tous, en particulier les jeunes, car elle suppose un degré d’indépendance financière. D’où l’avantage de résider en Île-de-France puisque même s’il y a plus de candidats, il y a aussi bien plus d’offres qu’en régions où le ratio de candidats par offre est aussi élevé sans la possibilité d’accéder facilement à d’autres bassins d’emploi.

Devant la difficulté de décrocher le poste initialement visé, les candidats modifient leurs objectifs et se tournent vers d’autres fonctions dans des secteurs qui ont un taux de recrutement supérieur. Certains envisagent aussi d’aller vers un autre métier. « Dans ce cas, il vaut mieux mettre en avant les aptitudes plutôt que des compétences acquises durant la formation », relève Éric Gras. Des aptitudes telles que le sens du contact, la mobilité ou la maîtrise de plusieurs langues seront autant d’atouts pour faire sortir du lot une candidature. Ce changement d’optique met au second plan la formation initiale et le diplôme afin de pouvoir démarrer une carrière dans un autre secteur. Indeed a observé qu’environ un tiers des candidats s’engagent dans un processus de réorientation. Parfois indispensable, cette évolution soulève d’autres difficultés sur un marché de l’emploi qui reste très attaché au CV… « Les personnes qui changent de secteur peuvent se retrouver face à un recruteur qui estimera que leur parcours manque de cohérence », note Éric Gras. Les personnes contraintes de trouver rapidement un emploi peuvent aussi engager cette évolution plus tard avec des formations complémentaires. « Pôle Emploi n’a jamais autant formé que depuis le début de la crise sanitaire », relève le consultant.

 

Plusieurs scénarios pour le futur

La situation va-t-elle se maintenir ? Certains secteurs auront probablement plus de mal à repartir. Plus particulièrement l’aéronautique et l’automobile, qui semblent mal orientés pour 2021, entraînant dans leur sillage toute la chaîne des sous-traitants. L’industrie se singularise par une forme de prudence très poussée, explique Pierre Lamblin : « Dans notre note de conjoncture publiée en mai, nous avons indiqué que 55 % des entreprises affirmaient être en mesure d’anticiper leur activité sur le 2e trimestre. Ce taux n’est que de 36 % pour les entreprises de l’industrie. Faute de visibilité et donc de confiance sur leur activité future, les décisions d’investissements ne sont pas prises. »

Dans l’aéronautique, la crise sanitaire et les informations diffusées sur le secteur ont conduit une partie des candidats à considérer que la reprise serait lente. Une partie de ceux qui postulaient habituellement dans ce domaine se sont donc ré-orientés vers d’autres secteurs. Si ce mouvement réduit à court terme le ratio de candidats par offre, il hypothèque aussi la reprise future, d’après Antoine Lecoq : « L’une des problématiques forte de l’aéronautique, aussi bien pour les donneurs d’ordre que les sous-traitants, quand aura lieu la reprise, sera de trouver suffisamment de candidats pour soutenir leur activité. »

Pour les fonctions tertiaires de faible niveau de qualification, le schéma risque d’être bien différent et de ressembler à la situation actuelle. Selon Éric Gras, cela tient en priorité à l’inadéquation entre l’offre de candidatures et la demande des entreprises. Une asymétrie qui renvoie à une question plus vaste : celle de l’adéquation entre le système de formation et les besoins du marché. « Continuer à former massivement sur des métiers dont le marché a peu besoin, c’est créer une situation où il y a beaucoup de gens bien formés mais qui ne trouveront pas d’emploi », résume le spécialiste de Indeed qui estime que la situation ne risque pas de s’améliorer sur ce type de formation, en tout cas pour les premiers niveaux de qualification.

 

 
Les diplômés des grandes écoles impactés
L’année de la crise sanitaire a aussi impacté les jeunes diplômés des grandes écoles, a priori moins concernés par les aléas du marché du travail. « L’impact de la crise est négatif mais moins que ce qui était attendu », explique Nicolas Glady, président de la commission aval de la Conférence des grandes écoles. Le taux d’emploi à moins de six mois des jeunes ayant été diplômés en 2020 est en 2021 de 79 %, soit un retrait de 9 points par rapport à 2020 (88 %). Il reste cependant supérieur à celui après la crise de 2010 quand il avait atteint 76 %. Un résultat somme toute attendu puisque l’enquête menée par la CGE relevait que 54 % des jeunes diplômés estimaient que le nombre d’offres d’emploi était plus faible. Un sixième (16 %) se sont par ailleurs trouvé en difficulté pour décrocher un stage de fin d’études. Une donnée qui explique sans doute que 17,7 % des jeunes diplômés sont en recherche d’emploi en 2021 contre 10,7 % en 2020. « Pour ceux qui sont entrés sur le marché du travail, la crise n’a pas eu d’impact sur la qualité de leur emploi, que ce soit sur leur rémunération ou la perception de leur activité », relève Nicolas Glady. L’enquête de la CGE relève encore que le salaire annuel moyen du premier emploi en 2021 se situe à 35,4 K€ bruts hors primes contre 35,7 K€ en 2020, soit une très légère baisse. Le taux de CDI se situe quant à lui à 77 % contre 82 % en 2020. S’agissant de la qualité de l’emploi, 89 % des sondés estiment que leur premier emploi correspond à leur niveau de qualification.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins