Dans « la feuille de paye et le caddie », l’économiste Lionel Fontagné tente de clarifier les effets de la sous-traitance et la concurrence mondiale, en matière de salaires et de consommation. Dressant un tour d’horizon à froid de l’industrie, des États-Unis à la France, il pointe une polarisation des emplois qui s’aggrave face à la concurrence de la Chine ou des stratégies de sous-traitance en Asie, apanage des grands groupes les plus productifs. Si tous les consommateurs s’y retrouvent « dans leur caddie », en achetant des produits importés « à prix cassés », ce n’est pas le cas des emplois. Et il rappelle que « le déclassement social » concerne surtout les employés de l’industrie les moins qualifiés, dont l’activité a été sous-traitée. Quand ils arrivent à se réorienter dans les services, ils perdraient « entre 12 et 17 % de leur salaire réel », incluant leur pouvoir d’achat, selon lui. À l’inverse, le besoin en managers « capables de gérer les problèmes de transports » internationaux augmente. Le constat n’étonne guère, même si l’auteur rappelle que le Smic amortit le choc en France, à l’inverse des États-Unis. Sans diaboliser cette stratégie de « fragmentation des valeurs » (le marché du travail n’allait pas si mal en France avant la pandémie), l’économiste plaide « pour discipliner les marchés mondiaux », avec des clauses sociales et environnementales plus fortes. Et pour des programmes européens nettement plus financés pour accompagner les reconversions des « perdants de la mondialisation », y compris pour changer de région.
Lionel Fontagné, Éd. Presses de Sciences Po, 144 pages, 9 euros.
