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Comment faire disparaître – progressivement – les aides d’urgence aux entreprises ?

Idées | Débat | publié le : 01.06.2021 |

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Comment faire disparaître – progressivement – les aides d’urgence aux entreprises ?

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Le « quoi qu’il en coûte » arrive-t-il à son terme ? Avec la levée progressive des restrictions liées à la crise sanitaire, le Gouvernement s’est en effet attelé au démantèlement des aides d’urgence octroyées aux entreprises. Mais « sans un dégel brutal qui se solde par des dizaines de milliers de faillites », a assuré Bruno Le Maire. Le ministre de l’Économie a avancé quelques pistes, face à des partenaires sociaux qui se montrent vigilants quant à l’abandon de ce soutien. Dès lors, la question se pose…

Mobilisation générale

Selon le rapport d’étape du comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises, les quatre mesures principales – activité partielle, fonds de solidarité, prêts garantis par l’État, reports de cotisations sociales – mobilisaient 206 milliards d’euros à la fin mars 2021, soit 9 % du PIB français. La facture devrait encore monter, d’autant que le Gouvernement a décidé de prolonger jusqu’à la fin décembre 2021 l’accès au prêt garanti par l’État (PGE), notamment pour aider les entreprises à payer leurs fournisseurs. Dans le détail, sur les 135 milliards d’euros de PGE accordés à fin mars 2021, près de 90 % l’ont été dès la première vague, à fin septembre 2020 (et même près de 80 % à fin juin). Cette proportion est de deux tiers pour l’activité partielle (20 milliards d’euros sur 29,8) mais de 32 % seulement pour le fonds de solidarité (6,8 milliards d’euros sur 21,4), qui a été largement étendu à partir de l’automne 2020 (tant sur les entreprises éligibles que sur le montant de l’aide). Au début de la deuxième vague, c’est la dépense au titre du fonds de solidarité qui a été la plus élevée. En février 2021, elle représentait 2,4 milliards d’euros, contre 1,6 milliard au titre de l’activité partielle (par ailleurs, 800 millions de PGE et 900 millions de reports de cotisations ont été accordés ce mois-là). Enfin, d’après une enquête de la Dares, depuis le début de la crise sanitaire, le taux de recours à l’activité partielle en équivalent temps plein (ETP) aurait connu son point haut – 29 % des salariés du privé – en avril 2020, puis aurait baissé progressivement pour atteindre un plancher à 2 % en septembre 2020. Dans le sillage du deuxième confinement, le taux de recours au dispositif aurait enregistré un rebond à 8 %, avant de connaître une légère diminution, pour atteindre un plateau à 6 % début 2021. En d’autres termes, début 2021, 6 % des heures rémunérées de l’emploi salarié privé étaient en réalité chômées. Et 2,1 millions de salariés auraient effectivement été en activité partielle en février 2021 (1,2 million en EQTP). Au total, en cumulé depuis mars 2020, 2,8 milliards d’heures (dont 164 millions en février 2021) auraient été indemnisées pour 29,8 milliards d’euros d’allocations versées.

Sources : https://www.strategie.gouv.fr/publications/comite-de-suivi-devaluation-mesures-de-soutien-financier-aux-entreprises-confrontees ; https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/f04727b6595c2ef33ca9dbacf1fe9f36/Dares_TdB-marche-travail_crise-sanitaire%20au%2029%20mars%202021.pdf

Jean-François Foucard Secrétaire national emploi-formation, à la CFE-CGC

Pour la CFE-CGC, il est important que les aides d’urgence aux entreprises baissent de façon progressive, en fonction des besoins réels de chaque entreprise, de chaque secteur, sur une durée de six mois. Donc pour l’État, il est primordial d’introduire de la souplesse dans le traitement, ce qui n’est en général pas son fort… Il faut que l’État mette un cadre, mais qu’après, il fasse du cousu main pour être efficace. La complexité doit rester cachée même si elle doit forcément être présente dans les critères si l’on veut s’approcher du réel et répondre de façon adaptée, tout en évitant les effets d’aubaine massifs ou, au contraire, le danger de générer trop de laissés-pour-compte. Les natures des problèmes qui gêneront des demandes d’aides seront très variées mais il sera primordial d’y répondre afin de ne pas gâcher les ressources investies depuis mars 2020.

Reste que, malgré toutes les aides, des entreprises disparaîtront. Pour certaines, du fait que la reprise se fera top lentement ou pas sur la bonne temporalité (comme dans le cas de l’événementiel), pour d’autres, parce que le marché potentiel aura irrémédiablement diminué (notamment pour les voyages d’affaires), et pour d’autres encore, car leur environnement technologique aura évolué et qu’elles ne seront plus assez compétitives. Cependant, au-delà des aides sonnantes et trébuchantes, il sera important de lisser dans le temps (par exemple sur deux ans), le prélèvement des cotisations de toutes natures qui ont été suspendues pendant la période de pandémie. En effet, le fonds de roulement des entreprises va être un enjeu crucial afin qu’elles aient la capacité de consentir les investissements rendus nécessaires pour faire face aux changements induits par cette crise. Il ne faudrait pas que l’intelligence mise par l’État par les aides d’un côté soit anéantie d’un autre côté par le rigorisme de certaines agences. Sur ce point-là, rien n’est gagné si l’on observe ce qui a été fait dans le domaine de la santé, par exemple… Les processus prennent trop souvent le pas sur l’intelligence collective nécessaire pour gérer des cas et des moments particuliers.

Éric Chevée Vice-président, CPME nationale

La CPME salue la réactivité du Gouvernement quant au déclenchement des compensations versées depuis plus d’un an, qui ont permis d’éviter une disparition de l’activité et de la productivité de nombreuses TPE-PME. Par ailleurs, le dispositif d’activité partielle a été adapté pour les secteurs les plus impactés. Les efforts consentis pour sauver des emplois ne doivent pas être réduits à néant du fait d’une mauvaise appréciation du tempo de la reprise. Dans le cadre de ce que nous espérons être la fin de la crise, l’atterrissage de ces compensations par secteur s’annonce complexe. Il est tout d’abord nécessaire que l’arrêt progressif des aides soit adapté à la levée des contraintes sanitaires. La ministre du Travail a proposé à la CPME une première piste de calendrier ajusté aux dates de déconfinement, qui est à l’étude. À ce calendrier, se greffent des incertitudes pour les TPE-PME, notamment sur la gestion de droits à congés payés non épuisés pour les salariés en activité partielle depuis plusieurs mois, ou l’embauche de salariés saisonniers pour la saison estivale. Par ailleurs, il faudra tenir compte des effets « retards » par secteur, qui, conjugués à une reprise trop lente, conduiraient les entreprises trop lourdement endettées à la faillite, ce qui, à terme, gâcherait les efforts collectivement consentis jusque-là. Ainsi, les touristes ne sont pas revenus en France dès le 19 mai… Cette crise a par ailleurs révélé une grande interdépendance des TPE-PME entre elles (toutes clientes ou fournisseurs les unes des autres) qui peut fragiliser la reprise. C’est pour aider les entreprises à passer le cap tout en continuant à investir que la CPME a formulé sa proposition d’un dispositif : le prêt de consolidation permettrait de regrouper les dettes des entreprises ayant du mal à rembourser leur prêt garanti par l’État et d’en étaler le remboursement. La CPME est extrêmement attentive à ce que les aides soient adaptées selon les secteurs. Dans cet objectif, elle travaille avec ses adhérents pour faire remonter aux autorités les difficultés rencontrées par les TPE-PME.

Ce qu’il faut retenir

// Faillites, attention danger ?

En mars 2021, le nombre de défaillances sur un an était en recul de 40,9 %, selon le rapport de la Banque de France. Toutefois, prévient la banque centrale, « cette baisse n’indique pas une réduction du nombre d’entreprises en difficulté, car elle résulte, en premier lieu, de l’impact momentané qu’ont eu à la fois la période de confinement sur le fonctionnement des juridictions commerciales et les évolutions réglementaires qui ont modifié temporairement les dates de caractérisation et de déclaration de l’état de cessation de paiements ; en second lieu, de l’ensemble des mesures de soutien qui apportent des aides de trésorerie ou permettent aux entreprises de réduire ou retarder le paiement de certaines charges, et donc le risque de faire défaut sur ces paiements ». Lors d’un discours prononcé devant la Banque européenne d’investissement, le 4 mai dernier, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a relativisé le risque d’une hausse brutale des faillites.

Source : https://www.banque-france.fr/statistiques/chiffres-cles-france-et-etranger/defaillances-dentreprises/suivi-mensuel-des-defaillances

// Ailleurs

Selon le comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises, la France apparaît en position médiane au sein des grands pays européens en matière de mobilisation des mesures d’urgence à mi-février 2021. Ainsi, s’agissant de l’activité partielle, avec 1,1 % du PIB, elle est proche de l’Espagne et de l’Italie, très en deçà du Royaume-Uni (2,5 %) et nettement au-dessus de l’Allemagne (0,6 %). S’agissant des subventions hors activité partielle (ce qui correspond en France au fonds de solidarité), avec 0,7 % du PIB, la France apparaît proche de l’Allemagne, légèrement au-dessus de l’Espagne et de l’Italie, mais très en deçà du Royaume-Uni (1,5 %). Enfin, s’agissant des prêts garantis, la France, avec 5,5 % du PIB, est au-dessus du Royaume-Uni (3,2 %) et de l’Allemagne (1,3 %), mais en dessous de l’Italie (8 %) et de l’Espagne (7,2 %). « Il semble que la France se distingue essentiellement sur trois points, précise le rapport : le taux d’intérêt du PGE la première année est le plus bas des pays étudiés ; s’agissant de l’activité partielle, le plafond de 4 600 euros mensuels pour l’allocation versée aux entreprises semble le plus élevé des pays étudiés ; l’accès au fonds de solidarité, initialement très restrictif (en matière de champ et de montant) a été considérablement facilité à partir de la deuxième vague ».

Source : https://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2021/Synthese-rapport-etape-coeure-avril.pdf

En Chiffres

29 %

C’est le taux de marge (la profitabilité des entreprises), sur les trois premiers trimestres 2020 (dernière donnée disponible au niveau européen). Une chute historique, puisqu’il se situait auparavant à 33 %, et plus forte que ce qui a été observé en Allemagne, en Italie ou au Royaume-Uni.

Source : https://www.strategie.gouv.fr/publications/comite-de-suivi-devaluation-mesures-de-soutien-financier-aux-entreprises-confrontees

85,9 %

C’est le taux d’endettement des sociétés non financières (en % du PIB) en France au troisième trimestre 2020, à comparer avec les 69,9 % de l’Italie, les 69,8 % de l’Espagne, les 61,7 % du Royaume-Uni et les 45 % de l’Allemagne. La France se distinguait déjà au troisième trimestre 2019 par un endettement plus élevé des sociétés non financières (73,6 % du PIB, contre 64,1 % en Italie, 63,2 % en Espagne, 58,9 % au Royaume-Uni, et 41,2 % en Allemagne).

https://www.banque-france.fr/statistiques/credit/endettement-et-titres/taux-dendettement-des-agents-non-financiers-comparaisons-internationales