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Idées

50 ans après, l’esprit de la loi Delors encore plus actuel (Antoine Foucher)

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.06.2021 | Antoine Foucher

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50 ans après, l’esprit de la loi Delors encore plus actuel

Crédit photo Antoine Foucher

Le 16 juillet prochain, la loi Delors sur la formation professionnelle fêtera son 50e anniversaire.

On le sait, l’objectif politique du texte était double : contribuer à débloquer la société française par la formation continue (« La France est un pays de castes », dixit Chaban-Delmas deux ans plus tôt) et moderniser le pays en élevant son niveau de compétences.

Cinquante ans plus tard, c’est peu de dire que les deux objectifs restent d’actualité : ils sont plus impératifs que jamais.

Malgré la volonté initiale et la quinzaine de réformes depuis lors (une tous les trois ans en moyenne, tout de même…), la démocratisation de l’accès à la formation continue ne s’est pas faite : on reste, en France, un peu plus enfermé dans son diplôme initial qu’ailleurs, car la formation professionnelle va d’abord aux plus formés dès l’origine, et cela dure tout au long de la vie. Chacun connaît de magnifiques trajectoires de vie qui viennent démentir l’idée d’un déterminisme absolu, mais elles sont, statistiquement, des exceptions qui confirment la règle.

Côté niveau qualification de la population, le constat n’est pas moins rude. Certes, le niveau moyen s’est considérablement élevé : près de 90 % d’une classe d’âge n’accédait pas au niveau bac au début des années 1970, contre moins de 20 % aujourd’hui. Mais les autres pays sont allés plus vite que nous : d’après la dernière enquête PIACC, qui mesure les compétences des adultes dans les pays de l’OCDE, la France se classe 18e en numératie et 20e en littératie. Pour un pays qui doit tout miser sur l’innovation et le savoir-faire, donc les compétences, pour tirer son épingle du jeu dans la nouvelle division internationale du travail que constitue la mondialisation, c’est mission impossible si la situation n’est pas corrigée.

Pour la décennie à venir, il n’y a donc rien de plus nécessaire à la cohésion nationale que de permettre enfin la promotion sociale par la formation continue et l’apprentissage, et rien de plus vital pour l’avenir du pays que d’investir sur le développement des compétences.

S’il est trop tôt pour en établir un bilan, la loi de 2018 pourrait amorcer un tournant : résultats historiques sur l’apprentissage, avec deux années de suite une croissance à deux chiffres du nombre d’apprentis (du jamais vu sous l’ancien régime de l’apprentissage), et succès populaire du CPF (les bénéficiaires sont majoritairement des ouvriers et des employés, et l’appli CPF connaît, elle aussi, une croissance à deux chiffres par rapport à l’ancien CPF). Le plan d’investissement dans les compétences commence également à porter ses fruits, puisqu’on n’aura jamais formé autant de chômeurs en quatre ans dans notre pays.

Pourtant, le plus dur est devant nous, car ce déblocage et ce coup de collier auront été inutiles s’ils ne s’inscrivent pas dans le temps, donc dans un choix de société. Lorsqu’une réforme fonctionne, elle a un coût : qui peut croire qu’on peut former plus de jeunes, de salariés et de chômeurs sans frais additionnel ? Notre pays devra forcément investir davantage, de façon pérenne, dans la formation et l’apprentissage pour rattraper son retard en matière de qualification et gagner la bataille mondiale des compétences, premier déterminant du positionnement d’une nation dans la chaîne de valeur globale au xxie siècle. Et comme nous avons déjà l’un des niveaux de prélèvements les plus lourds de l’OCDE, cet investissement ne pourra pas passer par une taxe supplémentaire, mais devra être financé par des économies sur d’autres dépenses, moins stratégiques pour l’avenir de la nation. Belle occasion, pour notre société qui appelle à se mobiliser pour les jeunes dans l’après-Covid, d’accorder ses actes avec ses paroles.

Auteur

  • Antoine Foucher