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Ces entreprises qui innovent

À la une | publié le : 01.06.2021 | Dominique Pérez

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Ces entreprises qui innovent

Crédit photo Dominique Pérez

Sans aller jusqu’à un travail « à la carte », des employeurs de toutes tailles expérimentent puis pérennisent des formules originales pour diminuer ou aménager les horaires de travail.

Travailler quatre jours par semaine, bénéficier de vacances « illimitées », ou de temps pour se préparer à la retraite… À l’heure où la question de l’aménagement de travail se décline plus volontiers, côté gouvernemental, en « travailler plus » dans un contexte de crise, des entreprises tiennent leur cap en continuant à proposer à leurs salariés des formules pour aménager ou réduire le temps de travail. Des initiatives qui restent assez confidentielles, initiées par des dirigeants plutôt versés dans des modes de management collaboratif. Et/ou inspirés par les initiatives venues de la Silicon Valley.

L’un des précurseurs français en la matière, Martial Demange, dirigeant d’Avinim, groupe immobilier, a fait le buzz il y a quatre ans, en lançant dans son entreprise le concept de « vacances illimitées », pour ses dix salariés (qui sont vingt aujourd’hui). « J’ai un management basé sur la confiance, explique-t-il. Un jour, une salariée m’a demandé de pouvoir prendre sa journée pour participer à la kermesse de l’école de ses enfants. Elle regardait s’il lui restait des jours de congé. C’était compliqué pour elle. Ce fut le déclic. » Aujourd’hui, tous ses salariés peuvent bénéficier de vacances « à volonté », sans limite, sauf celles d’effectuer leur travail et de ne pas désorganiser l’équipe. Une seule condition : être présent depuis au moins deux ans dans l’entreprise, un sas d’intégration demandé par les équipes, qui souhaitaient pouvoir donner leur confiance avant d’ouvrir cette possibilité.

Derrière le slogan choc de « vacances illimitées », Martial Demange faisait un pari : « celui de la conscience professionnelle, qui fait que personne ne s’arrêterait au milieu d’un dossier, ni ne prendrait un an de congé… » Donner plus de temps aurait pu signifier proposer un nombre précis de jours, estime aujourd’hui, pragmatique, le dirigeant. « Mais si j’avais donné la possibilité de « prendre » une semaine ou quinze jours par an, cela serait devenu un acquis, et les salariés les auraient sans doute consommés en intégralité. » Le bilan lui donne raison : « ils prennent de 0 à 8 jours maximum par an, mais d’une année À l’autre, cela peut varier. C’est exactement l’objectif que je visais, les salariés prennent du temps en fonction de leurs besoins, personne n’abuse. Et l’entreprise poursuit sa croissance. »

Une meilleure organisation du travail

Conserver, voire faire croître la rentabilité d’une entreprise, en proposant un nouveau mode d’organisation du travail et en pariant sur le mieux-être des salariés, c’est aussi le choix de la start-up parisienne Welcome to the jungle, qui a développé une plateforme de recrutement. En faisant exploser le duo unité de temps et unité de lieu de travail traditionnel. « Il est essentiel pour nous d’expérimenter de nouvelles formes de pratiques au travail, cela fait partie de notre métier », explique Camille Fauran, sa directrice générale. Première étape : l’entreprise propose le télétravail à 100 % à une partie de ses salariés, « parce que nous croyons fermement que le travail peut être décorrélé du lieu depuis lequel il s’exerce. » Un nouveau type de questionnement arrive alors : « Et si le travail pouvait également être décorrélé du temps que l’on y passe ? »

En 2019, l’entreprise lance une expérimentation de cinq mois sur le travail de quatre jours. Un rythme qui est alors définitivement adopté, pour les 160 salariés. À l’heure du premier bilan, l’entreprise ne cache pas les difficultés rencontrées pour la mise en place de ce nouveau système au cours des premières semaines pour fixer les dates de réunions, choisir les jours non travaillés… Ce choix a été limité au mercredi ou vendredi, jours qui ont remporté la majorité des suffrages des salariés.

L’un des avantages de la semaine de quatre jours, pour Welcome to the jungle est de « fluidifier la gestion des missions, la communication et la planification des projets. Les journées de travail se sont intensifiées, les pauses se sont raccourcies, souvent de moitié. » Gagner du temps sur le temps et se permettre une certaine flexibilité est d’usage : les salariés consacrent malgré tout une heure trente au travail en moyenne pendant leur jour « chômé. » Cette flexibilité, envisageable dans les activités tertiaires, l’est aussi pour des entreprises d’autres secteurs.

Pour preuve, l’aménagement du temps de travail à l’œuvre chez IC Logistique, filiale du groupe Livio, entreprise vosgienne de 47 salariés. Régine Crouet, dirigeante de cette société spécialisée dans la location, le montage et la maintenance d’échafaudages et de constructions modulaires, impliquée dans un mode de management participatif, présente en 2019 la possibilité de la semaine de quatre jours à ses équipes, qui expriment, dans un premier temps, plus de craintes que d’enthousiasme. « Elles pensaient que ce n’était pas possible, qu’il y avait déjà beaucoup de travail, que cela risquait de leur en faire plus… »

Effectivement, les journées de travail sont plus longues mais les réticences tombent peu à peu pour des salariés qui, finalement, reconnaissent « mieux s’organiser ». Le planning est réalisé sur six semaines, ce qui permet de lisser les présences. Seul le jeudi n’est jamais « chômé », tous les salariés devant être présents dans l’entreprise. Le reste du temps, le temps de travail est librement choisi, après discussions d’équipes.

Le télétravail choisi, une autre façon de gérer son temps

Focalisant l’attention sur le télétravail, la crise sanitaire a accéléré les accords sur cette thématique, et mis sur le devant de la scène une aspiration des salariés à plus de flexibilité. Gagner du temps de transport, organiser sa journée de travail tout en réservant des plages à la vie de famille… Sans réduire le temps à proprement parler, il est bien question d’une certaine autonomie dans la gestion de ce dernier, si tant est que l’entreprise la prépare. C’est le cas chez Novartis, qui avait sondé les aspirations de ses 60 000 salariés dans le monde, en 2018, et fait émerger un sujet fort : une demande de plus de flexibilité au travail. Le 1er janvier dernier, le groupe pharmaceutique a mis en place son programme : « Choice with responsability », qui laisse la possibilité aux collaborateurs de « décider de l’endroit où ils veulent travailler, et comment, explique Richard Letzelter, DRH de Novartis France. La Covid-19 a été l’accélérateur de notre politique. 1 500 collaborateurs sur les 3 000 en France sont concernés, les métiers qui nécessitent des rencontres en face-à-face avec des professionnels de santé et ceux de la production étant exclus. » Concrètement, ces salariés peuvent choisir, en accord avec le manager et l’équipe, leur rythme de télétravail (jusqu’à 100 %) et le lieu où ils l’exercent. « Le collaborateur décide, le manager facilite et l’équipe est consultée avant de prendre la décision », poursuit le DRH. L’entreprise rembourse la moitié des coûts de transport. « Cela permet à certains, qui travaillent hors de la région parisienne, de postuler à un rôle de manager, autrefois réservé à ceux qui résidaient à Paris. »

Aménagement de fin de carrière : Boiron persiste

Sous le feu des projecteurs avec l’allongement de la durée du travail, les fins de carrière peuvent également être sujettes à des initiatives, prévoyant une baisse du temps passé dans l’entreprise. Chez Boiron, le laboratoire lyonnais spécialisé dans la production et la vente de produits homéopathiques, un accord en ce sens a été signé en 1976, et il est toujours renouvelé depuis, utilisé par la totalité des salariés. Cinq ans avant leur retraite, les actifs qui se préparent à partir, informent l’entreprise de leur date de départ. « Nous élaborons alors avec eux un plan, organisé par paliers. La première année, ils peuvent bénéficier d’une demi-journée ou d’un jour par semaine, pour arriver à deux et jours ou deux jours et demi, le maximum », explique Christine Place, la DRH. Rémunérés à temps plein, les salariés en tirent, selon l’entreprise, une motivation décuplée. « Les personnes ont même tendance à tout donner. Elles visualisent clairement leur départ, s’y préparent, ont le temps de développer des activités nouvelles pendant les jours non travaillés… » Pour l’entreprise, cette proposition permet aujourd’hui d’avoir une « belle visibilité à trois à quatre ans des départs des collaborateurs », constate la DRH. Surtout dans un contexte d’un très faible turnover des collaborateurs, dont la moyenne d’âge est d’un peu plus de 47 ans et l’ancienneté de 18,8 ans. Un élément d’information d’autant plus crucial dans un contexte tendu, au moment où le non-remboursement de l’homéopathie place l’entreprise face à des difficultés certaines…

Auteur

  • Dominique Pérez