La loi Pacte a introduit modestement l’entreprise à mission et la raison d’être. Une des entreprises qui s’est inscrite dans cette logique est Danone. Elle a marqué l’actualité ces derniers temps avec l’éviction de son PDG sous l’influence de deux fonds activistes minoritaires mais aussi vraisemblablement en raison de la personnalité de son dirigeant. Il n’en reste pas moins que cette entreprise, tout en voyant l’effet de la crise sanitaire sur la vente d’eaux minérales, a réalisé des résultats financiers confortables dans une logique globalement suivie par la plupart des organisations syndicales.
De mon point de vue cet épisode est à contre-courant des évolutions nécessaires à moyen et long terme. Car, si l’on parle moins du monde d’après-crise sanitaire, il n’en reste pas moins que l’année que nous venons de vivre – et qui n’est pas terminée – entraînera des changements. C’est vrai pour le télétravail et les conditions de sa mise en œuvre, le rôle de l’État et de ses modalités d’intervention, les notions de justice et d’équité pour réduire les inégalités qui ont surgi à la face de tous, l’avenir de l’Europe, la nécessité d’avoir un cap clair pour l’avenir, ce qui devrait être l’enjeu essentiel de l’élection présidentielle.
Du côté des investisseurs et des entreprises, les années à venir seront à n’en pas douter celles des investissements à impact et de la prise en compte réelle et mesurable de la gouvernance, de l’environnement et du social. Pour les investisseurs il s’agit, non de se fier à des images mesurées par certaines agences et servant d’outils marketing, mais de vérifier l’impact réel de leurs engagements, par exemple en matière de création d’emplois ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Parallèlement, pour les entreprises, il faudra tenir compte de l’ensemble des parties prenantes : salariés, dirigeants, actionnaires, clients, fournisseurs et collectivités territoriales. Celles qui ne le feront pas seront condamnées à décliner.
Mesurer l’impact environnemental est chose aisée aujourd’hui. Mesurer le climat social et le bien-être des salariés est plus délicat. Si l’on veut rester conforme au « modèle » français et européen, il faudra s’exonérer des critères mis au point par des Anglo-Saxons qui servent trop souvent de référence aujourd’hui aux entreprises du CAC 40, comme ce fut le cas il y a quelques années pour les normes comptables. En construisant un indice simple de la performance responsable de l’entreprise un think tank comme Synopia s’inscrit par exemple dans cette démarche.
Comme souvent, les sorties de crise sont potentiellement plus tendues voire explosives que les périodes de crise car les colères s’y expriment plus librement. Il y a ceux qui militent pour un autre monde à définir et dont on ne sait pas sur quoi il aboutira, ceux qui veulent que rien ne change et qui finiront par être engloutis, et ceux qui plaident pour une réforme conséquente du système, par exemple en France pour rendre vie et réalité aux valeurs républicaines.
En tant qu’acteurs économiques et sociaux, les entreprises auraient tort de rester au bord du chemin.
Nombreuses sont les études en France et ailleurs qui montrent qu’un bon climat social n’est pas incompatible avec une performance économique et financière, bien au contraire.
De ce point de vue, la crise financière et ses répercussions économiques, sociales et humaines aura un effet accélérateur. Autant ne pas se faire dépasser, tant au niveau national qu’européen.
Alors passons de la raison d’être à la raison d’agir.