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Orange veut accorder la même attention à ses salariés qu’à ses clients

Dossier | publié le : 01.05.2021 | Lucie Tanneau

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Orange veut accorder la même attention à ses salariés qu’à ses clients

Crédit photo Lucie Tanneau

Chez l’opérateur en télécoms, la volonté d’améliorer l’expérience collaborateur date de dix ans. Le groupe en a fait une des priorités de son plan stratégique 2015-2020, à travers une meilleure écoute des salariés, une modernisation des outils et méthodes de travail et le soin porté à la culture interne et externe au niveau sociétal et environnemental.

« La vie change avec Orange », cette publicité de l’opérateur de télécommunications français date de 2010. L’affichage d’une volonté d’aller de l’avant, et d’offrir une modernisation à ses clients, a été récompensé avec le meilleur taux de satisfaction du marché dans l’enquête Que choisir de février 2018. Après la crise sociale et la vague de suicides à la fin des années 2000, le groupe a imaginé dupliquer l’attention portée à ses clients à ses salariés. « C’est ce qu’on appelle la symétrie des attentions », présente Bénédicte Liénard, en charge de la transformation du groupe Orange. Un levier « pour l’attractivité du groupe et l’amélioration de la marque employeur, pour la motivation des équipes, l’engagement des salariés et la qualité du travail et du service rendu au client », détaille-t-elle. Ce sont les motivations pour « construire un modèle d’employeur digital et humain » détaillées dans le plan Essentiel 2020, le plan stratégique du groupe pour la période 2015-2020. Signé par le PDG Stéphane Richard, il affirmait ainsi que « travailler chez Orange, c’est vivre une expérience unique, digitale et humaine, à la hauteur de celle que nous voulons pour nos clients ». Une direction de l’expérience salarié, constituée de six personnes, est alors créée au sein du département d’innovation sociale de la direction des ressources humaines du groupe Orange. Elle travaille sur la connaissance du salarié, de son CV, de son rapport à l’entreprise, et à ses blocages, le tout grâce à des outils de marketing RH.

À l’écoute des salariés

En pratique, le groupe a découpé son objectif en trois parties, avec des méthodes nouvelles inspirées du design thinking ou du customer service. « Nous avons d’abord renforcé nos dispositifs d’écoute avec un baromètre salariés une fois par an, des sondages spécifiques de retour à chaud sur les services aux salariés en interne, comme on le fait auprès de nos clients après une interaction avec la marque, et accompagné nos équipes sur la gestion des feedbacks, considérés comme un levier puissant d’amélioration pour le fonctionnement des équipes », indique Bénédicte Liénard. Plus d’écoute… pour tenter ensuite d’apporter des réponses en transformant les outils et services à disposition des salariés, avec à chaque fois une communication grand public au service de la marque employeur. Une des premières actions du groupe a été de créer la Villa Bonne nouvelle en 2014, un espace d’expérimentation au sein d’Orange. Son objectif : « penser collaboratif et repenser l’organisation sous le prisme de l’expérience collaborateur », détaillait Ava Virgitti, première feel groupe manager de la Villa à l’époque de son ouverture, qui offre des espaces collaboratifs, ouverts et ludiques, aux règles coconstruites, inspirées de start-up et free-lances accueillis sur place.

Pour tous les collaborateurs du groupe, ces méthodes doivent essaimer, afin de développer une culture plus digitale et plus agile. Orange commence donc à dématérialiser ses process, avec la signature électronique de contrat de travail, le renouvellement de l’équipement informatique… « L’objectif était d’être moins “administratif” et plus moderne dans les interactions entre les équipes, à l’image de ce que nous mettons en place avec les clients », précise Bénédicte Liénard. Le premier accord de télétravail, signé en 2010, permettait par exemple à 35 000 collaborateurs de travailler depuis chez eux. La digitalisation passe aussi par la création d’un réseau social interne (Manao) en 2019, d’une « communauté de travail » (Plaza, 2010) ou d’OZ, un portail d’innovation participative lancé en décembre 2017 où chaque collaborateur peut transmettre ses idées.

La digitalisation pour faciliter la vie

Outre l’équipement, le groupe veut aussi permettre à ses salariés « une meilleure conciliation vie professionnelle/vie personnelle et moins de fatigue ». Plusieurs actions sont mises en place : le développement de la visioconférence, la constitution d’une flotte de véhicules hybrides ou électriques, le partenariat avec un site de covoiturage… et la réflexion sur de nouveaux locaux. « Nous travaillons sur la modernisation de nos immeubles pour une expérience salarié complètement repensée, avec des badges numériques ou applis pour gérer les accès, les réservations de parking, l’accueil des visiteurs », détaille Bénédicte Liénard.

Un « échec complet » selon Sébastien Crozier, le président du syndicat CFE-CGC Orange, majoritaire. « Le nouveau siège d’Issy-les-Moulineaux n’a pas été pensé pour faciliter la vie des collaborateurs : il est difficilement accessible, avec un seul arrêt de RER, qui est inondé dès que la Seine déborde. Il ne correspond plus aux méthodes de travail post-Covid et n’est pas du tout écologique : c’est un bâtiment d’artiste avec un énorme hall à chauffer ! » Pour lui, le travail sur l’expérience salarié pèche sur les lieux et surtout les bassins d’emploi : « La préoccupation des personnels est de savoir s’ils vont pouvoir faire leur carrière et évoluer au sein du groupe. Or le groupe a concentré ses centres décisionnels dans quatre villes (Lyon, Rennes, Lille et Paris) et les salariés s’interrogent sur leurs opportunités futures dans d’autres régions. »

Alors qu’Orange promet un passage à l’échelle des nouvelles méthodes et une attention à chacun des salariés, le syndicaliste dénonce un discours « hypocrite ». « Avant l’arrivée de Stéphane Richard, on était plus de 100 000 en France. On a perdu 25 % de salariés et dans certains services comme les interventions clients il y a 70 % de sous-traitants. Ceux qui restent doivent gérer les dysfonctionnements de ces sous-traitants. On ne peut donc pas parler d’expérience collaborateur alors qu’Orange ne s’occupe pas de l’expérience de ces sous-traitants, rythmés par les cadences et les prix », tranche-t-il.

« Le groupe sait gérer les crises, mais pas le quotidien ! »

Pour les années à venir, le groupe a édité fin 2019 un nouveau plan stratégique, Engage 2025. L’expérience salarié y est moins mise en avant. La crise liée à la Covid-19 occupe la direction et les ressources humaines à d’autres dossiers, d’ailleurs salués par la CFE-CGC. « Orange sait gérer les crises. L’expérience collaborateur a été la réponse à la crise de 2009. Cette année, le groupe a su assurer une stabilité économique au personnel, en finançant les parts variables des vendeurs notamment, et a été capable de mettre tout le monde en télétravail et de rassurer chacun sur sa capacité à travailler », accorde-t-il. Des propos positifs que corrobore le dernier baromètre social. « 91 % des salariés se déclarent fiers de travailler chez Orange et 87 % recommanderaient leur employeur », se réjouit Bénédicte Liénard. Dans son plan de 2015, Orange visait à ce que neuf salariés sur dix recommandent le groupe comme employeur d’ici à 2018, un indicateur similaire à celui de l’expérience client. Le pari est donc presque réussi cette année.

« Les éléments de mesure valident les efforts et les progrès réalisés. Nous travaillons avec KPAM, un spécialiste de l’expérience client, pour mieux cerner et prioriser les attentes et les points de progression et en déduire nos plans d’action », prévoit Bénédicte Liénard. Les équipes RH jouent aussi un rôle d’« agitateur culturel » pour diffuser les nouvelles pratiques de travail. « Via les équipes de formation et les équipes managériales, les chaînes RH de proximité accompagnent les équipes dans l’appropriation des nouveaux outils et des méthodes », encourage Bénédicte Liénard, elle-même adossée à la DRH au sein du service people and transformation. La dernière action d’Orange a été d’ouvrir son campus, auparavant réservé aux managers, à l’ensemble du groupe. Le but : accompagner la montée en compétences, notamment sur la virtualisation des réseaux, l’intelligence artificielle, la data, le cloud computing, le code et la cybersécurité. « Rendre les formations à l’agilité accessibles à tous montre la volonté d’un ADN commun pour créer le lien », encourage la directrice transformation. Un moyen aussi, de faire que les changements de méthodes essaiment davantage alors que le groupe a du mal à séduire les jeunes. Il arrive par exemple à la 32e position du classement Universum 2020 des entreprises qui attirent les étudiants des écoles d’ingénieurs françaises.

Auteur

  • Lucie Tanneau