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Le sentiment de proximité en télétravail : une affaire de management et de managers

Idées | Recherche | publié le : 01.04.2021 |

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Le sentiment de proximité en télétravail : une affaire de management et de managers

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En contexte de pandémie, le protocole national du 13 novembre 2020 pour assurer la santé et la sécurité des salariés demandait que le télétravail à 100 % devienne la règle. Sur un an, la proportion de télétravailleurs est ainsi passée de 7 % à 45 %, pour 3,7 jours en moyenne, a souligné Élisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion. Une rupture du mode de travail et de management est provoquée par ce travail à distance inattendu et intensif, ce qui pose la question d’une « coexistence vivable ».

Le télétravail se caractérise par une dispersion spatiale et temporelle, une fréquence de l’arrangement et l’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) (Taskin, 2006). Avant le confinement, il faisait l’objet d’un double volontariat de l’entreprise et des salariés, encadré par un accord ou une charte, après des périodes d’expérimentation et de construction. Aujourd’hui, le télétravail s’impose à la plupart des entreprises, donnant un coup d’accélérateur à ces démarches et complexifiant l’organisation du travail. La distanciation de l’équipe et du manager, qui perd son pouvoir de contrôle direct, met souvent l’usage des outils de communication (réunions et TIC) au cœur de la relation, avec une incertitude accrue sur la réalisation des objectifs de travail. Mais nous avons observé que dans certaines entreprises, la recherche du juste équilibre entre contrôle et confiance devient aussi pour le manager une compétence clé pour assurer la réussite de l’organisation de travail distant, par un management bienveillant et responsabilisant.

Télétravail et qualité de vie : nouveau mariage ?

Par l’analyse d’accords sur la qualité de vie au travail (QVT), le télétravail apparaît comme un enjeu majeur de la conciliation entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Mais qu’en est-il de la qualité de vie au travail en situation de télétravail contraint ? Sa mise en œuvre nécessite de questionner tous les axes de la QVT (ANI, 2013) : qualité des relations de travail ; qualité, organisation et contenu du travail ; qualité de l’environnement physique, qualité de l’information partagée, qualité de l’engagement, respect de l’égalité professionnelle. Au cœur se trouve la question du travail réel et des conditions à réunir pour coupler santé du salarié et performance de l’organisation. L’accord national interprofessionnel (ANI) du 24 novembre 2020 sur la mise en place réussie du télétravail identifie plusieurs pratiques RH essentielles : contrôler le temps de travail, respecter le droit à la déconnexion et la vie privée, équiper en matériel, communiquer, évaluer les risques (physiques et psychologiques), adapter les pratiques managériales. Sur ce dernier point, il recommande l’adaptation des modalités de réalisation de l’activité, l’accompagnement à l’autonomie, l’apprentissage du séquençage de la journée de travail et l’utilisation régulée des outils collaboratifs. Comment faire alors pour que ces pratiques génériques s’accordent avec le travail vécu par chaque télétravailleur, en fonction de sa personnalité ou de son rapport à la solitude ?

Pour une qualité de vie située dans le teletravail

Nous proposons de mettre la qualité de vie en télétravail (la QVT-T) au cœur de la réflexion : il s’agit alors d’associer le « plus de télétravail » au « mieux dans le télétravail ». Qu’il soit choisi sur la base d’un volontariat, ou « subi » comme ça peut être le cas dans le contexte actuel de crise, le télétravail doit être regardé de près au travers de ce qui le « règle » (le contenu des accords ou chartes), mais aussi des pratiques qui le « régulent » : « comment ça marche » dans les situations réelles de télétravail, pour chaque salarié. En retenant les pratiques RH identifiées par l’ANI de novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail, il s’agit de réinterroger chacune d’entre elles en les situant au plus près des pratiques de télétravail. Nous observons déjà qu’elles rendront des verdicts différents en matière de ressenti de télétravail : en quoi consiste, pour le télétravailleur, la qualité de l’environnement de travail, des relations professionnelles et du management ? Finalement le télétravailleur souhaiterait-il plus, moins, ou encore « mieux » de télétravail ? Pourquoi et à quelles conditions ? Une recommandation de l’ANI 2020 est ici primordiale. Elle consiste à placer au centre du processus la qualité du dialogue social. Des repères préexistent à la situation de crise : un télétravail pensé dans la stratégie de l’entreprise et cohérent avec les pratiques, un cadre collectif qui produit des règles générales en permettant de gérer des demandes singulières, l’identification de ce qui est réalisable à distance, et surtout la nécessite d’équiper chacun en connaissances et en compétences.

Maintenir le sentiment de proximité : un management à réinventer ?

Il apparaît aussi central de repenser nos façons de collaborer à distance. Les recherches sur les équipes virtuelles ont montré l’importance du leadership partagé et de l’empowerment des équipes. La proximité perçue se crée alors par le biais de la communication et de l’identification dans l’équipe. Cela suppose de former les managers et les télétravailleurs au travail collaboratif distant par un usage plus qualitatif des TIC. De reconnaître le « je » et le « nous » grâce à un teambuilding, pour que le collectif ne se dilue pas. Cela passe aussi par une ingénierie pour développer et maintenir le sentiment de proximité à distance : expérimenter in situ, mettre en place des observatoires de pratiques, du vécu, de la manière dont l’expérience télétravailleur est mise en mots (groupes de parole, questionnaires), d’échanger sur les bonnes pratiques… En contexte de crise, ceci suppose aussi d’accepter la résilience et l’improvisation, car la compétence clé devient la capacité pour ces équipes à s’organiser collectivement, en continu, pour faire face aux imprévus (Lorino, 2020). Aussi apparait-il fondamental que les managers et les collaborateurs se soutiennent et s’ajustent. Qu’ils se sentent invités à apporter des évolutions organisationnelles, à recueillir et analyser les retours d’expérience, pour tirer des enseignements et ajuster les règles préétablies. En résumé, que l’organisation soit apprenante et « capacitante ».

Références

https://www.qualisocial.com/qvt-contiennent-les-accords-deja-signes/

ANI du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail (entreprises.gouv.fr).

ANI du 24 novembre 2020 sur le télétravail.

Durieux, E. (2020). « Télétravail et confinement, vers une coexistence vivable » (Doctoral dissertation, Ministère de l’intérieur).

Lorino, P., & Mottis, N. (2020). « Et l’organisation dans tout ça ? – Un oubli persistant, y compris en cas de crise… », Revue française de gestion, 46(288), 11-26.

Taskin, L. (2006). « Télétravail : les enjeux de la déspatialisation pour le management humain », Revue Interventions économiques. Papers in Political Economy, (34).