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Idées

L’ANI normatif est mort : vive l’ANI incitatif ?

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.04.2021 | Antoine Foucher

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L’ANI normatif est mort : vive l’ANI incitatif ?

Crédit photo Antoine Foucher

L’ANI du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail représente un tournant dans l’histoire récente du dialogue social, dont l’importance a été insuffisamment relevée.

Ce n’est pas du fond du texte que l’accord tire son intérêt, mais du nouveau rôle que les partenaires sociaux entendent jouer à travers lui. Pour la première fois, les signataires ne revendiquent plus la création d’une norme nouvelle : le texte n’en comporte aucune et présente juste le droit déjà en vigueur. Ce qui est revendiqué, c’est une impulsion pouvant créer un mouvement dans les entreprises : sur le télétravail, faites comme nous, négociez ! Un ANI non plus pour changer le droit collectif ou créer des droits individuels, mais pour inciter à négocier partout en ouvrant la voie.

De l’ANI normatif à l’ANI incitatif, comment en est-on arrivé-là et qu’en penser ? Dans l’histoire récente du dialogue social interprofessionnel, on peut distinguer trois périodes.

D’abord, une forme d’âge d’or, de 2008 à 2014, issu de la loi Larcher qui entend tirer les leçons du contrat première embauche (CPE). Pour réussir une réforme, croit-on alors, il faut donner aux partenaires sociaux, de facto, une délégation de pouvoir législatif. La méthode accouchera de puissantes avancées, durablement inscrites dans notre droit : citons les plus significatives comme la rupture conventionnelle individuelle (ANI du 11 janvier 2008), la généralisation de la complémentaire santé dans le privé et la sécurisation juridique des PSE (ANI du 11 janvier 2013) ou encore la création du compte personnel de formation (ANI du 13 décembre 2013).

L’échec de la négociation sur la modernisation du dialogue social (MDS) inaugure le deuxième moment (2014-2017), marqué par le doute croissant sur la capacité des acteurs à assumer leur charge. Malgré le succès en demi-teinte des négociations sur l’assurance chômage (2014) et les retraites complémentaires (2015), l’échec de MDS en 2014 marque un coup d’arrêt dans la dynamique du dialogue social national, dont il ne se relèvera jamais complètement. Ce qui apparaît alors, c’est la difficulté, voire l’impossibilité des participants à faire prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt particulier de tout ou partie de leurs troupes, des deux côtés de la table. La déroute de la négociation sur le compte personnel d’activité en 2016 porte l’estocade finale en provoquant une réaction inverse à la loi Larcher : quand il s’agit de l’intérêt général de la France, il n’est pas responsable de se laisser entraver par des blocages, fussent-ils ceux des partenaires sociaux.

D’où la troisième période, qui court de 2017 à 2020, où le Gouvernement concerte sur sa vision claire de l’intérêt général, mais assume de l’imposer sur les points cruciaux, même si cela conduit à marginaliser les acteurs traditionnels : ordonnances travail, appli numérique CPF, transformation des OPCO, débureaucratisation de l’apprentissage, inscription de la raison d’être dans le Code civil, index égalité femmes-hommes… Trop de ces réformes ont donné des résultats francs et incontestables, notamment sur l’apprentissage et l’appli CPF, pour que les partenaires sociaux puissent imaginer un retour en arrière.

Il leur faut donc repenser leur rôle au niveau national.

C’est l’intérêt de cet ANI télétravail : tirant les leçons du passé, il renouvelle le genre en endossant une fonction d’impulsion pédagogique et politique. Inutilité d’un texte qui ne change rien au droit ? Et si justement, l’avenir des partenaires sociaux interprofessionnels était d’écrire des textes sans effet juridique ? C’est le cas en Europe du Nord où le dialogue social d’entreprise est plus structurant que chez nous, et les syndicats plus forts : ceci expliquerait-il cela ?

Auteur

  • Antoine Foucher