Chercheuse au Centre d’études de l’emploi et du travail du Cnam, Annie Jolivet n’aime pas la dénomination de seniors, elle n’aime pas davantage celle qui le définit à partir de l’âge de 45 ans. Elle préfère parler de « salarié à une certaine distance de la retraite ».
Annie Jolivet : La plupart de ceux avec lesquels je me suis entretenue m’ont affirmé qu’ils ne faisaient aucune sélection par rapport à l’âge. Le contenu de la formation, en revanche, différait en fonction des postes et missions. J’ai en mémoire le cas d’une entreprise dont la production requiert des compétences techniques très pointues. Le dirigeant m’avait affirmé qu’il formait « ses gens » aux technologies de pointe. Il gardait cependant des salariés spécialisés dans les technologies anciennes pour répondre aux demandes de certains clients. Certes, cette spécialisation est très valorisée mais elle peut devenir une chausse-trappe. Que se passera-t-il si cette technologie ancienne devient obsolète ? L’entreprise, elle, n’aura pas de problème. Le salarié, oui. L’entreprise que je cite en exemple forme bien tous ses salariés mais pas de la même façon.
A. J. : Oui. Au sein d’une entreprise, j’ai constaté que les salariés dont les missions avaient trait à l’administratif, comme le suivi des contrats, par exemple, n’avaient pas reçu de formation depuis cinq ans. Le responsable m’avait expliqué qu’il avait eu à faire un arbitrage à cause d’un budget formation restreint. Il avait privilégié les salariés dont les spécialisations requéraient des compétences nécessaires au renouvellement des habilitations. Pourtant, garder une capacité à apprendre est important. Plus on fait des formations, plus les gens s’adaptent régulièrement. Prenez l’exemple d’un salarié qui doit connaître la législation de son secteur. Si, chaque mois, il fait un point sur la législation, il n’aura pas à faire une grosse formation tous les cinq ans.
A. J. : Qu’est-ce qui vous dit que des gens âgés ne sont pas capables d’apprendre ? Apprendre n’est pas propre à l’âge. Le numérique n’est pas une question d’âge. Les plus de 50 ans sont nés en 1970. Je suis de cette génération. J’ai connu la programmation informatique lors de mes études. On ne peut donc pas dire que je n’ai pas connu l’informatique même si je n’avais pas encore pratiqué Internet lorsque j’ai pris mon premier poste. J’ai appris seule. Par ailleurs, toujours dans le domaine d’Internet, les usages personnels devancent les usages professionnels. Aujourd’hui, quand je vois la capacité des gens à se débrouiller en visioconférence, je n’ai aucun doute sur la capacité d’apprendre des 50 ans et plus.
