Après avoir été une voix forte de la majorité, Olivia Grégoire est entrée au Gouvernement, au poste de secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable. Son dernier fait d’armes : mobiliser un fonds d’urgence de 30 millions d’euros pour les structures de l’ESS de moins de dix salariés, frappées par la crise. Elle a pour ambition de soutenir activement les quelque 5 000 structures de l’ESS, d’ici au printemps 2021. Un sacré challenge pour une femme déterminée.
« À partir du moment où on en rêve et où on ne lésine pas sur le travail, tout est possible ! » Olivia Grégoire en veut pour preuve son parcours en politique. Après avoir été une voix forte de la majorité, elle est entrée au Gouvernement, au poste de secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, le 26 juillet 2020. Cela faisait déjà trois ans qu’elle pratiquait la politique en tant que députée LREM. Cette entrée au Gouvernement, elle l’a vécue comme un immense honneur, qu’elle attribue à son rôle actif lors du vote de la loi Pacte, dont elle a été présidente de la commission spéciale.
Chez elle, le travail est une valeur forte. On disait déjà d’elle dans l’Hémicycle, lorsqu’elle était députée, que c’était une « bosseuse », une « travailleuse acharnée ». Cela n’a pas changé. Elle l’a toujours été, en fait. Née à Paris en 1978, élève brillante, elle rate néanmoins l’entrée à Sciences Po, les petits boulots qu’elle enchaîne pour payer ses études s’avérant peu compatibles avec la « prépa ». Elle s’inscrit alors à l’université Paris X-Nanterre en histoire où elle obtient une licence en 1999. Elle réussit ensuite à décrocher le tant espéré diplôme de Sciences Po en 2001 (section communication), qu’elle complète ensuite à l’Essec en 2002 avec un master spécialisé en marketing.
« Je me suis énormément battue pour mes études. On peut dire que j’ai un parcours à l’américaine. J’ai souscrit un emprunt en 1999 que j’ai remboursé en 2005 », raconte la ministre.
En 2003, elle débute sa carrière au sein du service d’information du Gouvernement, en tant que chargée de mission, auprès, notamment, de Jean-Pierre Raffarin (2003–2005). Elle rejoint ensuite le cabinet du ministre de la Santé en tant que conseillère technique chargée de la communication stratégique de Xavier Bertrand puis de Philippe Bas.
En 2007, Olivia Grégoire rejoint le secteur privé et devient directrice de la communication et du développement durable de l’agence de communication DDB France. En 2009, elle est recrutée au même poste au sein de l’agence de publicité W&Cie du groupe Havas, puis dans une société du groupe Saint-Gobain. En 2014, la jeune femme se lance et fonde son propre cabinet de conseil en influence, Olicare. Entre public et privé, son cœur balance. Elle reconnaît avoir énormément appris au sein du service d’information du Gouvernement, avoir été une salariée épanouie dans des PME, et maltraitée dans de plus grandes entreprises. « J’ai connu le chômage, les prud’hommes, j’ai monté ma boîte. J’ai le cuir dur », aime-t-elle dire dans les médias.
Le 18 juin 2017, elle signe sa grande entrée en politique, en remportant, sous la bannière de La République en marche, la 12e circonscription de Paris avec plus de 56 % des voix face à Philippe Goujon (LR). Dix jours plus tard, elle est nommée porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale et cesse alors son activité de chef d’entreprise pour se consacrer pleinement à la politique.
Trois choses l’agacent profondément. Elle partage la première avec Amélie de Montchalin, ministre de la Fonction publique : « Je reprends systématiquement les journalistes qui prennent la liberté de m’appeler uniquement par mon prénom. Cela n’arrive jamais aux hommes. » La seconde a trait à sa vie privée : elle fustige les magazines people, qui ont fait leur Une sur le couple qu’elle forme depuis 2018 avec Manuel Valls. La troisième, enfin, concerne des préjugés qui ont la peau dure. « Je ne peux pas laisser dire que ma vie a été facile sous prétexte que je fais partie de LREM. » Cela lui a valu une anicroche avec François Ruffin, député LFI de la Somme, qui ne voyait en elle qu’une « bourgeoise à la vie facile ». « J’ai grandi dans une famille qui a connu des malheurs : un père gravement handicapé lorsque j’avais 7 ans, une grand-mère couturière qui a travaillé jusqu’à 75 ans… L’adversité fait partie de mon ADN. » « Elle est déterminée dans tous les sens du terme. Dès qu’elle a été nommée, elle est venue me voir pour obtenir des crédits pour développer les aides qu’elle souhaitait mettre en place », souligne Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics.
Les termes qui décrivent les prérogatives d’un portefeuille ministériel ne sont jamais anodins. En ajoutant « responsable » à l’économie sociale et solidaire, le Premier ministre, Jean Castex, a donné une mission forte au périmètre dont Olivia Grégoire a la charge et qui relève de la solidarité des entreprises en matière d’impact environnemental, social et de gouvernance (ESG). « J’ai beaucoup insisté pour que « responsable » soit ajouté à sociale et solidaire. Cette responsabilité est un sujet sur lequel je travaille depuis 2018 avec la loi Pacte », dit-elle.
Les détracteurs de la ministre l’accusent de « n’avoir de solidarité qu’avec les entreprises à qui elle distribue des milliards » et son secrétariat d’État de n’être que le reflet d’un « social washing ». Elle répond : « Il est tout à fait normal qu’il y ait des interrogations sur la démarche. Mais il y a, dans ma feuille de route, des actions concrètes qui disent le contraire. »
En matière d’ESG, elle entend s’appuyer sur le prochain référentiel européen attendu pour le mois d’avril 2021. La France est engagée dans le mouvement en faveur d’un encadrement de la publication extra-financière. La révision de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive) a vocation à impulser une nouvelle comptabilité qui va quantifier les pratiques environnementales des entreprises. Pourquoi compter sur l’Europe alors que la France est pionnière en matière de RSE … « Je suis lassée des Européens intermittents qui ne sont européens que lorsqu’il y a une élection à gagner. Enclencher une norme en France alors même que ce sujet est inscrit à l’agenda européen serait complètement délirant dans une économie mondialisée. Le temps que prendrait le fait d’accepter cette norme en France serait supérieur au fait d’enclencher la norme au niveau européen. La France, si elle a de l’avance en RSE, n’a pas vocation à prendre le lead sur ses voisins européens. Il est beaucoup plus efficace, pour aller vite, de bâtir ensemble des indicateurs. Il faut les mêmes règles du jeu pour tous plutôt que 26 règles différentes.
L’Europe est le bon niveau. Cela n’empêche en rien d’avoir de bonnes pratiques », explique Olivia Grégoire.
La crise sanitaire, doublée d’une crise économique, a fragilisé beaucoup d’associations et d’entreprises de l’économie sociale et solidaire. La fermeture de certaines d’entre elles pendant les confinements a entraîné un sévère manque à gagner. « L’ESS est diverse. On y trouve aussi bien la Caisse d’Epargne et la Mutualité française que des coopératives agricoles et des associations d’employeurs. La réalité est tout aussi hétérogène. De grosses associations ont eu des pertes sèches. Mais l’ESS est aussi résiliente et agile. Certains acteurs ont tiré leur épingle du jeu et ont même augmenté leur nombre d’employés. C’est le cas de Phenix, une entreprise solidaire d’utilité sociale qui permet de vendre des invendus alimentaires à des associations, qui a recruté 10 personnes au mois de juin dernier. », raconte la secrétaire d’Etat à l’ESS. Olivia Grégoire se félicite d’avoir obtenu, dans le plan de relance, 1,3 milliard d’euros pour soutenir l’ESS. Dans cette enveloppe, 600 millions d’euros sont destinés au financement des Parcours emploi compétences (PEC), les anciens contrats aidés, rémunérés à 80 % par l’État. Elle prévoit également, dans sa feuille de route, de relancer les Contrats à impact social (CIS), qui permettent de financer des projets sociaux novateurs.
« Avant la relance, il y a l’urgence, rappelle la ministre. C’est au nom de l’urgence que je suis allée chercher 30 millions d’euros sur le dernier projet de loi de finances. » Depuis le 25 janvier, un guichet unique permet aux associations employeurs de disposer d’une aide pouvant aller jusqu’à 5 000 euros pour les associations employant 3 salariés et jusqu’à 8 000 euros pour les associations de 8 salariés. L’objectif est de soutenir 5 000 structures avant le printemps 2021.« C’est extrêmement opérationnel, s’enorgueillit Olivia Grégoire. Nous avons mis en place tout un dispositif de communication. » Au programme, un guide téléchargeable détaillant les aides disponibles et la façon de les obtenir, un numéro vert 0 806 000 245, des réunions régulières avec les têtes de réseau mais aussi les relais locaux, la plate-forme www.esspace.fr réunissant toutes les ressources documentaires nécessaires aux entreprises sociales et solidaires ainsi qu’une adresse électronique infocovid.ess@cabinets.finances.gouv.fr qui arrive directement au cabinet. L’équipe d’Olivia Grégoire ouvre une centaine de mails chaque semaine. Tous reçoivent une réponse. Amélie de Montchalin, collègue et amie, dit d’elle que « c’est une femme pleine d’énergie, de passion et de persévérance. Elle garde à l’esprit que nous sommes là pour transformer les choses. Nous ne sommes pas des rentiers de la politique. Nous sommes des moteurs ».
Qu’a-t-elle appris ces six derniers mois ? Après avoir réfléchi et pesé ses mots, elle estime avoir compris une expression qu’elle entendait beaucoup : « la solidarité gouvernementale ». « J’ai découvert à quel point nos destins sont liés, ce qui n’est pas le cas au Parlement. Un collectif gouvernemental est une vraie réalité. Toutes les semaines, au-delà du conseil des ministres, nous avons un échange nourri avec le Premier ministre. Avec les volets sociaux, sanitaires et économiques de la pandémie, j’ai appris que ce n’est qu’ensemble que nous pouvions nous sortir de la situation ».
Elle confie avoir également vu à l’œuvre la dureté et la démagogie d’un certain nombre de personnalités politiques, plus criantes en période de crise. Certains élus locaux l’ont également déçue. Mais elle a également appris, depuis un an et demi, à évoluer dans différentes temporalités : à être dans l’urgence, c’est-à-dire « maintenant et tout de suite » et penser à demain en proposant des pistes d’évolution. « Dans une période de crise comme nous connaissons, l’attention portée aux plus fragiles est au premier plan. Elle réussira à faire de grandes choses. ». La prophétie est signée Olivier Dussopt. On saura vite si elle s’est réalisée.
Juin 2003 : elle commence sa carrière au sein du Service d’information du Gouvernement, en tant que chargée de mission auprès notamment de Jean-Pierre Raffarin (2003–2005).
Mai 2014 : elle devient entrepreneure et fonde Olicare, un cabinet de conseil en influence.
Juin 2017 : contre toute attente, elle remporte la 12e circonscription de Paris lors des élections législatives.