L’hôpital a fait figure de lieu où la coopération a le mieux fonctionné pour faire face à l’afflux de malades consécutif à la pandémie de Covid-19. Était-ce vraiment dû à une éthique du soin spécifique à ce secteur ? Henri Bergeron, sociologue, directeur de recherche au CNRS et coauteur de « Covid-19 : une crise organisationnelle », remet en question cette vision des choses. Ayant mené une étude sur les hôpitaux durant la pandémie, il estime que la crise sanitaire y a créé une situation particulière d’engagement due à quatre facteurs. Le premier est le relâchement de la ligne managériale : « Depuis 2004, elle n’avait cessé de prendre de l’importance en imposant une politique de rationalisation. Et là, pendant la crise, le personnel médical a constaté que cette pression ne s’exerçait plus. » Le second facteur découle du « quoi qu’il en coûte » énoncé par le président de la République. Il a permis aux demandes de dépenses raisonnables de trouver leur voie. Le troisième facteur relève du fonctionnement de l’organisation. « En temps ordinaire, les spécialités sont en concurrence pour justifier l’emploi de leurs ressources et leur légitimité, explique Henri Bergeron. Avec la pandémie, l’afflux de malades a été tel que ce mécanisme n’a plus joué. » Enfin, le quatrième facteur réside dans le « plan blanc ». En assurant la prise en charge d’un afflux massif de malades comme celui provoqué par la pandémie, ce dispositif concentre les moyens sur une catégorie spécifique de malades et suspend du même coup les enjeux professionnels propres à chaque service.