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Politique sociale

Pour qui roulent l'Insee et les autres instituts de statistique ?

Politique sociale | ANALYSE | publié le : 01.05.2001 | Marc Landré

Les organismes d'étude et de statistique sont-ils vraiment indépendants ? Vaste sujet de débat récemment relancé par un article très controversé, paru dans la revue de l'Insee. Certains économistes et les syndicats de l'institut en ont alors profité pour dénoncer l'approche libérale supposée du temple de la statistique française. Contre-enquête.

L'Insee roule-t-il pour le Medef ? Cette question saugrenue s'est posée l'été dernier lorsque Économie et Statistique, la très sérieuse revue de l'institut, publie un article savant simulant les effets comparés d'une baisse des charges sur les bas salaires et d'une hausse du salaire minimum pour les personnes qui « souhaitent travailler mais ne sont pas assez productives pour prétendre à un salaire supérieur au smic ». Tollé dans le Landerneau des macro-économistes. Car les auteurs de l'étude n'y vont pas par quatre chemins. Guy Laroque, alors directeur des études et synthèses économiques, et Bernard Salanié, l'ancien chef de la division croissance et politiques macro-économiques, partent de l'hypothèse que, « compte tenu […] du salaire auquel elles peuvent prétendre et du jeu complexe des prélèvements fiscaux et des transferts sociaux », 57 % des personnes sans emploi n'ont aucun intérêt à en chercher un. Ernest-Antoine Seillière ne pouvait rêver meilleur plaidoyer, au moment même où l'organisation patronale négocie le Pare, lequel impose aux chômeurs d'accepter les emplois correspondant à leur qualification. La conclusion est également de nature à conforter les thèses du Medef : une baisse des charges sur les bas salaires entraînerait la création de 500 000 emplois, alors qu'une hausse de 10 % du smic en détruirait 290 000.

Il n'en fallait pas plus pour déclencher un tir de barrage d'une partie de la communauté des économistes. « Le service public prend fait et cause pour une théorie économique sans apporter de preuve scientifique », s'exclame le très keynésien Henri Sterdyniak, directeur adjoint de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Porte de Vanves, au siège de l'Insee, les syndicats s'emportent contre ce qu'ils considèrent comme une atteinte à l'indépendance et à la crédibilité scientifique de l'institut. « On peut difficilement parler de neutralité de l'Insee quand un article aussi engagé est signé par un de ses directeurs et publié dans sa revue la plus officielle », s'insurge Francis Judas, délégué du personnel CGT et chargé de production statistique à la direction régionale de Nantes.

Difficile pour autant de prétendre que l'Insee roule pour le patronat… Le temple de la statistique française est en effet sous la tutelle du puissant ministère de l'Économie et des Finances. Les syndicats de l'institut, CGT et CFDT en tête, sont d'ailleurs les premiers reconnaître que son statut particulier « pose des problèmes vis-à-vis du pouvoir exécutif, tenté de façon récurrente d'exercer un contrôle sur les données produites ».

Bercy contre Grenelle

Le poids de l'Insee dans le débat économique et social est tel que certains ont cherché à s'en affranchir. Soucieuse de bénéficier de données indépendantes de l'influence – considérée par elle trop libérale – de Bercy, Martine Aubry a ainsi jugé bon, en 1992, lorsqu'elle était ministre du Travail dans le gouvernement Bérégovoy, de créer une Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares). Elle a récidivé en 1998, lors de son retour Rue de Grenelle, en portant sur les fonts baptismaux la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), l'équivalent de la Dares pour les Affaires sociales. Bien entendu, ni la Dares, avec ses 180 agents, ni la Drees, avec ses 160 employés, ne prétendent rivaliser avec l'Insee, fort de 6 500 salariés (dont 1 500 au siège de la porte de Vanves), de 24 directions régionales et d'un budget de 1,5 milliard de francs. « Notre mission consiste à éclairer la décision publique et à publier des informations neutres et objectives pour faciliter le dialogue social », explique Annie Fouquet, la directrice de la Dares depuis le départ en avril 2000 de Claude Seibel. Pour cette… administratrice hors classe de l'Insee, qui a notamment dirigé la division études sociales de l'institut dans les années 80, la preuve de l'indépendance de sa direction n'est plus à faire. « Il serait contre-productif pour un responsable politique de vouloir faire dire à la Dares ce qu'elle n'a pas trouvé, explique cette jeune quinquagénaire, qui a dirigé le Centre d'études de l'emploi entre 1993 et 1999. Toute manipulation des chiffres se retournerait automatiquement contre lui. » La tentation existe pourtant…

Martine Aubry est bien placée pour le savoir. En 1999, la ministre de l'Emploi décide de s'approprier les résultats des études sur la réduction du temps de travail. « Leur parution ne devait intervenir qu'en fonction de ses échéances personnelles, se souvient un économiste de la maison. Elle voulait les utiliser à bon escient pour alimenter sa politique de communication. » En mai 1999, Claude Seibel, à la tête de la Direction depuis l'origine, refuse de signer le premier rapport d'étape du ministère. Malaise Rue de Grenelle. « Il contenait des chiffres contestables, affirme un chargé d'études. La ministre parlait de créations d'emplois, à la place d'engagements de créations, en les assimilant à la seule RTT et en oubliant l'augmentation naturelle des effectifs due à la reprise économique. » Résultat, la Dares est accusée de servir les desseins de la ministre. « Notre crédibilité est menacée quand l'opinion perçoit que nous sommes parfois sous influence politique, confirme un de ses membres. On passe à tort pour ceux qui réalisent des études commandées ou truquées. » Une situation due, selon lui, à « l'autoritarisme de Martine Aubry qui voulait, sur ses politiques phares, que les bilans présentés à l'opinion soient politiquement corrects ». Depuis l'arrivée d'Élisabeth Guigou, les choses semblent s'être améliorées.

« Nous sommes trop jeunes pour avoir rencontré ce type de problème », explique-t-on, en revanche, à la Drees. Pour preuve de son indépendance, Mireille Elbaum, sa directrice, souligne qu'elle veille à ce que toute la production de sa direction, ou presque, soit publique. « Toutes nos études statistiques et nos recherches donnent lieu à publication, lorsqu'elles sont de qualité », avance cette énarque de 40 ans, ancien bras droit de Claude Seibel à la Dares. Mais surtout très proche de Martine Aubry : déjà présente à ses côtés lors de son premier passage au ministère du Travail en 1991, elle a été l'un des artisans, à partir de 1997, du projet de loi sur les 35 heures. Et quand on lui demande pourquoi le cabinet de la ministre est tenu informé du programme des enquêtes et des dates de publication des études, la réponse tombe. Claire, nette et précise. « Il serait anormal qu'un ministre soit amené à être interrogé sur une publication d'un service statistique sans avoir été informé de son contenu et de sa date de sortie. »

Des sujets d'étude explosifs

L'important pour les responsables de la Drees est de ne pas susciter la polémique, tant les sujets couverts (en gros, tout ce qui relève de l'État providence) sont vastes et potentiellement explosifs. « Nous nous assurons que nos résultats soient bien interprétés comme des éléments d'éclairage en amont du débat social », explique Gérard Cornilleau, le responsable de la soudirection synthèses, études économiques et évaluation, débauché de l'OFCE (voir encadré ci-contre) lors de la création de la Drees. Pour éviter toute tentative de récupération, une étude à haut risque sur la CMU ou la prestation dépendance sera publiée pendant la trêve des confiseurs, plutôt qu'en novembre ou janvier. « Il n'y a pas de censure, mais on sait ce qu'on peut écrire, nuance néanmoins un jeune chargé d'études. On ne parlera ainsi pas d'une baisse de pouvoir d'achat mais d'une hausse négative. »

Même savant dosage entre velléité d'indépendance et prudence de bon aloi à la Dares. « La Direction a parfois des discussions avec le cabinet de la ministre sur la présentation et les commentaires des résultats, mais jamais sur les chiffres qu'elle a elle-même établis », explique Bernard Sujobert, de la Mission actions régionales. Cas d'école : la présentation des niveaux de qualification des emplois jeunes dans le dernier bilan du dispositif. « Plutôt que de donner la statistique des bacheliers au début du bilan, le cabinet nous a demandé de la placer à la fin, en commençant l'énumération par les secteurs où il y en avait le moins, rapporte un chargé d'études. Ce n'est pas une falsification de la réalité. Juste un aménagement. »

Il n'y a pas de chiffres parfaits

À l'Insee, en dehors de quelques critiques sur la mesure de la croissance, qui intégrerait mal le phénomène de la nouvelle économie, tout le monde en interne s'accorde à dire que les statistiques sont fiables et qu'il n'y a aucune influence de l'État dans la production des comptes nationaux. « Il n'existe pas de chiffres parfaits, mais l'appareillage est plutôt complet et ne semble pas présenter de biais majeur », avance Didier Blanchet, le directeur du département emploi, un chercheur de l'Institut national d'études démographiques (Ined) mis à disposition de l'Insee depuis 1994. « Nous sommes vraiment indépendants des pouvoirs politiques et financiers pour produire des statistiques », affirme-t-on dans les couloirs du siège de la porte de Vanves. Un exemple ? « Le gouvernement ne connaît pas les composants de l'indice des prix, rappelle Michel Glaude, le chef de la direction conditions de vie des ménages. Il ne peut donc plus être tenté d'influer sur certains d'entre eux pour obtenir des meilleurs résultats en termes d'inflation. »

En ce qui concerne les chiffres du chômage, le département du travail de la Dares s'interroge cependant sur l'ampleur de la baisse enregistrée en 2000. « Nous avons observé le glissement inexpliqué d'un fort pourcentage de demandeurs d'emploi de la catégorie 1 en catégories 2 et 3 (non comptabilisées dans la statistique officielle du chômage), avoue un économiste, un rien sceptique. Comment justifier qu'autant de chômeurs se soient soudainement mis à rechercher un CDD ou un mi-temps alors que la nation n'a jamais autant créé de CDI et de pleins-temps ? »

Les critiques les plus sérieuses adressées à l'Insee sont d'une autre nature. Elles portent moins sur la fiabilité des chiffres que sur le choix des sujets d'étude et leur traitement. Michel Glaude reconnaît que l'organisme de statistique est « comme un gros paquebot qui a du mal à prendre des virages ». Alors, quand il change de cap, il le fait lentement. « Un rapport de l'Inspection générale a conclu que nos études n'étaient pas assez en phase avec les grands thèmes de société, explique-t-il. Nous avons donc mené des enquêtes plus en relation avec la demande sociale, en particulier sur la pauvreté et l'exclusion. »

Parmi ces « oublis » figure sans conteste la réduction du temps de travail, négligée par l'Insee avant qu'elle ne devienne une priorité gouvernementale. « Nous n'avons pas trouvé la manière de traiter des 35 heures avant 1997 », plaide Guy Laroque, qui précise toutefois avoir récemment présenté devant le Conseil d'analyse économique de Matignon une première évaluation (bientôt publiée) des entreprises ayant appliqué la loi Aubry I. « C'est la direction générale qui n'a jamais voulu que l'on fasse des études sur la RTT, rétorque un administrateur de l'Insee. Ce n'est pas dans la ligne de pensée de la maison. » Sous-entendu, pas dans celle de Paul Champsaur (lequel n'a pas souhaité nous recevoir), qui règne sur l'institut depuis 1992.

550 « Insee » dans les ministères

Ce polytechnicien de 57 ans a effectué l'ensemble de sa carrière entre l'Insee, où il a occupé tous les postes importants, et la Direction de la prévision au ministère de l'Économie. « Il a un certain nombre d'idées arrêtées sur lesquelles il est inflexible. Il considère que les 35 heures sont une aberration économique et ne méritent pas d'être étudiées. » Et les syndicats de renchérir. « Les études vont toutes dans le même sens, celui du libéralisme », considère-t-on à la CFDT. « Nous sommes un institut statistique dirigé par des économistes et par un homme très engagé idéologiquement, abonde la CGT. Il n'empêchera personne de faire une étude qui contredise les thèses libérales. Encore faut-il que quelqu'un ose la proposer. »

Pour la section CFDT de l'Insee, le mal ne s'arrête pas à la personnalité de Paul Champsaur. « Tous ceux qui réalisent des études à l'Insee ont été formés dans le même moule et appartiennent au même courant de pensée économique, l'école néo-classique. 40 % de nos administrateurs viennent de Polytechnique, qui n'est pas connue pour être un vivier d'extrême gauche. Quant aux attachés, ils viennent peut-être d'horizons plus diversifiés mais ils ont tous reçu la même formation interne pour les mettre aux normes. » L'institut, qui embauche chaque année 10 diplômés de l'X (75 % de ses recrutements externes d'administrateurs), compte une centaine de polytechniciens en poste au siège. L'Insee recrute aussi une cinquantaine d'attachés, dont une grande majorité passe le concours à la sortie des classes préparatoires scientifiques.

« Tous ces jeunes, et particulièrement nos brillants X, ont une logique monomaniaque et ont du mal à comprendre que la vie ne se résume pas à une suite d'équations », ironise un « non-X ». Pour la CGT, « le cadre de travail offert par la direction des études et synthèses économiques isole les jeunes administrateurs. Ils n'ont, du coup, aucun recul sur leurs travaux et réalisent des études très éloignées de la réalité qui les conduisent à faire des interprétations hasardeuses ». Et ces technocrates essaiment partout dans la sphère gouvernementale, puisque plus de la moitié du personnel des services statistiques ministériels, soit près de 550 personnes, viennent de l'Insee. Une mobilité fortement encouragée par la direction générale de l'institut (voir encadré page suivante).

Une chapelle néokeynésienne

Les syndicats maison ne sont pas les seuls à critiquer les présupposés idéologiques qui guideraient les experts de l'Insee. À la Dares, chapelle plutôt néokeynésienne où travaillent beaucoup de jeunes chercheurs qui y ont fait leurs premières armes, certains pointent aussi du doigt la « pensée unique » que véhiculerait l'institut, voire « une dérive idéologique due à des positionnements dogmatiques de la direction générale ». Une accusation qui fait bondir les intéressés… « Nous pratiquons un bon équilibre entre les approches libérale et sociale. Et il y a dans ma direction une pluralité de points de vue qui s'expriment et travaillent en toute liberté », se défend Michel Glaude. Le responsable de la direction conditions de vie des ménages cite en exemple l'étude sur les personnes sortant du RMI, qui démontre que les deux tiers de ces anciens bénéficiaires ont eu, dans leur recherche d'emploi, un comportement identique à celui des chômeurs.

Même indignation chez Guy Laroque, l'auteur du brûlot sur les sans-emploi, par ailleurs président de l'Association internationale des économètres : « Il n'y a pas de biais idéologique à regarder certains choix de société et à confronter une théorie aux faits. » Pierre Morin, le rédacteur en chef d'Économie et Statistique, qui se sent personnellement visé par les critiques des syndicats, jure que « la qualité scientifique est le seul critère de parution » dans sa revue. Et que les options idéologiques de leurs auteurs n'entrent pas en considération. « Si l'article de Guy Laroque et Bernard Salanié n'avait pas été publié par peur des réactions qu'il allait engendrer, cela aurait démontré que l'Insee n'était pas indépendant. Ce qui pourrait menacer l'institut, ce n'est pas de faire des études innovantes et mal comprises, mais trop de travaux exclusivement descriptifs sans problématique. »

Des directions très autonomes

Pour pallier ce qu'ils considèrent comme une « mainmise de la pensée unique » sur les productions des études de l'institut national, les syndicats réclament d'avoir, comme à la Dares ou à la Drees, leur mot à dire sur le programme de recherches réalisées à l'Insee. Dans les autres services statistiques ministériels, les plans de travail sont en effet élaborés par un comité qui recueille les avis des organisations syndicales sur le plan national des directions techniques du ministère concerné et des organismes publics sous tutelle. « Nous synthétisons les propositions d'étude de nos membres avant de les soumettre aux partenaires sociaux et au cabinet de la ministre, explique-t-on à la Dares. Et il est rare qu'une demande soit refusée pour des questions politiques, idéologiques ou d'opportunité. » Idem à la Drees où l'on insiste sur le fait que des « sollicitations de travaux externes au ministère sont croissantes ».

À l'Insee, c'est une tout autre histoire. Ce sont les directions qui sont maîtresses des études qu'elles engagent. Seul le Conseil national de l'information statistique, dont les locaux sont situés au 10e étage… du siège de l'Insee, juste au-dessus du bureau de Paul Champsaur, peut émettre une opinion, mais uniquement sur les enquêtes statistiques envisagées. Et non, comme le demandent les syndicats, sur les études et recherches. « Nous avons reçu un refus catégorique de la direction générale », explique-t-on à la CGT de l'Insee. « L'intervention d'une commission à vocation généraliste me semble vraiment peu utile », confirme Guy Laroque, qui rappelle avec insistance qu'Edmond Malinvaud, directeur général de l'institut pendant quinze ans, avait en vain tenté l'expérience dans les années 80. « Notre production est jugée par nos pairs sur la scène nationale et internationale et elle est constituée par les papiers publiés dans des revues à comité de lecture. » Une réponse qui ne rassurera pas forcément tous ceux qui s'inquiètent d'une « dérive libérale » de l'Insee…

L'OFCE, Rexecode et les autres

Les études économiques doivent-elles exclusivement émaner de l'administration ? Non, répond à la fin des années 70 Raymond Barre, qui suscite alors la création d'organismes privés. Vingt ans après, le pari est en partie gagné. Aux côtés des services d'études des banques, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), proche des milieux universitaires, l'institut Rexecode, proche du patronat, et l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), proche des syndicats, contribuent à animer le débat public en économie. « Notre but est de faire entendre une voix différente et parfois discordante sur des sujets qui auront un impact sur la vie des gens dans les années à venir », explique Jean-Paul Fitoussi, le très médiatique président de l'OFCE. Même son de cloche chez Rexecode, où l'on estime avant tout faire de la veille concurrentielle internationale pour le compte des 85 entreprises adhérentes.

Et, de temps en temps, éclairer le débat public sur des thèmes comme les 35 heures. Pour y parvenir, l'OFCE dispose d'un budget de 20 millions de francs et emploie une trentaine d'économistes. Les ressources de Rexecode sont moitié moindres et ses troupes se montent à une dizaine de personnes. « Je suis impressionné qu'on réussisse à exister face à ce mastodonte qu'est l'Insee », ironise, avec un brin de fierté, Michel Didier, le président de Rexecode. D'autant plus que les salaires proposés chez Rexecode ou à l'OFCE n'ont rien à voir avec ceux pratiqués à l'Insee, où les primes (22 au total) peuvent représenter, pour un jeune administrateur, jusqu'à 50 % de la rémunération de base. Résultat, il n'est pas rare de voir les économistes des instituts indépendants occuper, au bout de quelques années, des postes plus lucratifs, à l'Insee, à la Dares ou à la Drees.

Une gestion des carrières à 180 à l'heure

Trois ans. Les jeunes administrateurs et attachés de l'Insee, qu'ils soient affectés à une direction de l'institut ou envoyés dans un service statistique ministériel (ils représentent 50 % de l'encadrement de la Dares), ne restent jamais plus longtemps dans la même fonction. C'est la règle imposée par Paul Champsaur à l'ensemble de ses jeunes recrues pour leurs trois premiers postes. L'objectif est d'accumuler le maximum d'expérience pour pouvoir accéder rapidement à des fonctions d'encadrement. « Le directeur général ne veut plus voir des cadres qui s'endorment sur leur spécialité au bout d'un certain temps », explique Guy Laroque, l'ex-directeur des études et synthèses économiques, qui approuve cette politique même s'il estime qu'elle rend difficile la gestion de ses effectifs. « C'est très enrichissant pour eux de faire des aller et retour entre la production statistique, la recherche, les études ou l'enseignement. » Et attention aux réfractaires. Paul Champsaur suit de très près la carrière des jeunes cadres de l'institut et veille lui-même à ce que sa règle des trois ans soit bien appliquée. « Il est très dur de rester une quatrième année au même poste, raconte un administrateur.

Il vous faut un dossier en béton. » Cette politique de mobilité, qualifiée d'« assez rapide » par Annie Fouquet, la directrice de la Dares, ne va pas sans poser quelques problèmes sur la qualité du travail. « C'est une terrible perte de mémoire », dénonce la CGT. « Les collaborations sont parfois difficiles parce que vous avez à vos côtés des débutants qui n'y connaissent rien dans la spécialité qu'ils ont à suivre, constate un économiste de la Dares qui a vu défiler nombre de jeunes cadres de l'Insee. Et quand ils sont enfin formés et compétents, ils doivent déjà partir. »

Auteur

  • Marc Landré