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Le bloc-notes

Crise sociale et réflexes politiques

Le bloc-notes | publié le : 01.05.2001 | Bernard Brunhes

Les malheurs de LU

Danone restructure son pôle biscuits : deux sites fermeront l'an prochain. Marks & Spencer ferme ses magasins français. On s'inquiète de l'avenir de Valeo, de l'usine Philips du Mans, des filiales d'Ericsson. La SNCF s'offre une grève qui n'en finit pas de traîner. Abbeville est inondée et le Premier ministre, bousculé par un demi-échec aux municipales, peine à retrouver un discours convaincant. Lisez la presse : nous serions en pleine crise sociale. Comme disent bizarrement quelques éditorialistes de renom : à un an de la présidentielle, Jacques Chirac est englué dans les affaires, Lionel Jospin dans le social. Rapprochement audacieux !

Il faut savoir faire la part du médiatique, ou la part de l'opportunisme des hommes politiques à l'affût des événements spectaculaires susceptibles de faire avancer leurs thèses. Quelle aubaine pour le parti communiste, en crise après ses médiocres résultats aux municipales, que ces plans sociaux tombant comme à Gravelotte !

Sachons raison garder. Des emplois, il s'en supprime tous les jours ; des usines et des magasins, il s'en ferme. Derrière ces événements, il y a nombre de drames personnels et de communautés humaines durement atteintes. Mais, sur le plan économique, que dire, sinon que la roue tourne et que le progrès tue des emplois pour en faire naître ailleurs ? Tout est dans la manière. Tout est dans le respect dû aux travailleurs concernés et dans l'attention portée à l'économie des sites touchés.

Danone, comme pour ses autres usines déjà fermées, avait fait le nécessaire : plan social de grande qualité, négociations avec les autorités locales pour la réindustrialisation du site, et surtout préavis de longue durée pour donner le temps aux acteurs de résoudre leurs problèmes. Mais, en matière de communication, Danone a mal géré son projet, n'a pas réussi à se faire comprendre et a entraîné les salariés et ceux qui les défendent dans un tourbillon dramatique. En la matière, la communication est essentielle : le social n'est pas fait que de chiffres ; il est fait d'hommes et de femmes, et donc de sentiments, de joies, de sang et de larmes. Il ne suffit pas d'avoir un bon plan, il faut le faire accepter et partager.

Le social à l'anglaise

Marks & Spencer s'est cru au Royaume-Uni. Outre-Manche, le Code du travail est inconnu, les fermetures se font sans tambour ni trompette, nul ne paraît s'y choquer des méthodes cavalières brusquement exportées vers la France. Un séminaire de rattrapage permettrait aux dirigeants de Marks & Spencer de s'initier au droit du travail qui s'applique chez nous. La tempête de ces dernières semaines devrait suffire à les convaincre de la direction à prendre.

Mais ne laissons pas les éditorialistes dire que Danone est en faute puisqu'il fait des bénéfices et Marks & Spencer dans son droit puisqu'il fait des déficits ! C'est le monde à l'envers. Si les entreprises bénéficiaires ne pouvaient restructurer, elles seraient vite déficitaires… Faut-il vraiment attendre une catastrophe pour se réorganiser ?

Ajouter quelques alinéas au livre III du Code du travail ne changera rien : plutôt que sur la loi, c'est sur les comportements qu'il faut agir. Lorsque les employeurs, syndicats, élus locaux et service public de l'emploi savent se parler et chercher ensemble des solutions, tout le monde – et les travailleurs les premiers – y trouve son compte. Quand on s'échange des horions via les journaux télévisés, tout le monde perd et les travailleurs sont les dindons de la farce.

Fgaac et SUD Express

Pendant qu'on ferme les usines et les magasins, on arrête les trains. Drôle de grève. Les syndicats majoritaires appellent à une grève d'une journée pour défendre salaires et emploi et pour protester contre une réorganisation : rien que de classique.

Mais voilà que des minoritaires s'entendent et font durer le conflit deux semaines. Deux syndicats qui n'ont rien de commun. L'un, SUD Rail, n'a aucune intention de négocier quoi que ce soit (il a refusé de participer aux négociations, tables rondes et groupes de travail sur le projet de réorganisation qui se sont réunis sans discontinuer depuis six mois, et il a le culot aujourd'hui de dire que la direction a refusé de négocier sur ce thème) ; l'autre, la Fgaac, demande tout simplement pour les conducteurs de locomotive 8 % de hausse de salaire.

Parmi les nombreuses réflexions qu'inspire ce conflit, il en est une qui s'impose : tant que le syndicalisme français sera émietté, éclaté, divisé, éparpillé, le dialogue social dans ce pays sera un brouhaha sans autre résultat que de permettre à l'économie d'ignorer le social. Après tout, peut-être y en a-t-il que cette situation arrange !

Auteur

  • Bernard Brunhes