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Idées

Covid-19 : quels impacts sur nos enseignements en GRH et quelles perspectives pour demain ?

Idées | Recherche | publié le : 26.02.2021 |

La crise sanitaire n’a fait qu’exacerber ce qui était déjà en marche au sein des formations en GRH. Cette expérience inédite semble de nature à faire changer les pratiques et à approcher la formation et les enseignements sous une approche globale dite « orientation compétences ». Elle a provoqué une réelle prise de conscience sur la pédagogie dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle doit obligatoirement se renouveler vers des approches nouvelles et parfois disruptives. Il sera essentiel, certes, de privilégier des pédagogies dites différenciées ou inversées, sans omettre le maintien du collectif.

Depuis de nombreuses années, l’approche par compétences via les démarches dites de GPEC puis de GTEC (gestion territoriale des emplois et des compétences) se développe dans les organisations et sur les territoires. Le législateur, depuis les lois de modernisation sociale, et en particulier la loi Borloo du 18 janvier 2005, a favorisé le développement de ces approches par compétences. Les réformes récentes, et notamment la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, mettent au premier plan le développement des compétences au service de l’employabilité. Cependant, au-delà de cette loi structurante pour l’avenir de chacun, il est bon de rappeler l’histoire de cette démarche « orientation compétences » depuis les lois de 1971 sur la formation professionnelle de Jacques Delors jusqu’au Grand Plan d’investissement qui prône une société dite de compétences.

Un changement de paradigme pour l’enseignement supérieur

La construction des formations en blocs de compétences constitue un véritable changement de paradigme et ce virage culturel oblige une lecture multiniveau des transformations qu’il crée. Ces multiples transformations s’encastrent les unes dans les autres et elles touchent, entre autres, la vision et la stratégie de l’établissement concerné, les programmes et les contenus des formations, des diplômes ou certificats, la problématique des lieux, des espaces de formation et des modalités d’organisation.

Cette transformation appelle d’ailleurs les questions tant pédagogiques que didactiques mais également des questions en lien avec l’évaluation, la valorisation et la reconnaissance de ces compétences.

• Concernant la vision et la stratégie, si l’objectif historique était de délivrer du savoir et d’organiser cette transmission, les transformations en cours nous engagent au développement de l’employabilité de nos étudiants et à l’accompagnement de leurs parcours professionnels.

• Concernant les programmes et les contenus de formation, si, traditionnellement, les enseignements étaient organisés en cours/TD, autour de la construction d’unités d’enseignement (UE) demain il faudra raisonner en blocs de compétences homogènes composés parfois de plusieurs anciennes UE.

• En matière de lieux, d’espaces, l’expérience vécue pendant le confinement et qui se poursuit maintenant a montré qu’il était indispensable de savoir activer différentes modalités en matière de formation : articulation entre distanciel et présentiel, hybridation des pratiques, multimodalité, etc. Hier, l’unité de référence était la salle de classe avec une organisation de l’espace bien précise, reflétant la séparation des rôles entre l’enseignant, le formateur et les apprenants avec une pédagogie plutôt descendante.

• Pour ce qui est de la pédagogie et de la didactique, en adoptant une logique de blocs de compétences, on ne peut faire l’impasse de la didactique. La didactique des sciences de gestion et du management est donc au cœur des débats, notamment au travers de réflexions sur les supports, la progression des apprentissages, etc. La pédagogie, elle, s’intéressera plutôt à la mise en œuvre, c’est-à-dire globalement aux techniques qui facilitent les transmissions des apprentissages en fonction des publics et de leur diversité.

• Enfin, en matière d’évaluation et de reconnaissance, l’évaluation des compétences acquises sur la base des activités pédagogiques organisées par les équipes, et non plus uniquement des ressources mises à disposition vient remplacer le traditionnel « contrôle des connaissances ». Les évaluations sommatives doivent dans certains cas laisser la place aux contrôles en cours de formation, aux évaluations formatives, etc.

Il y a bien, dans cette démonstration, l’illustration concrète d’un changement de paradigme. Si, hier, la logique de l’avoir prédominait, avec, à titre d’exemple, la structuration d’un CV listant l’ensemble des acquis, on constate que la tendance actuelle et à venir valorise l’être, la personne dans sa globalité et sa diversité. Le portefeuille ou passeport de compétences remplace petit à petit le CV historique. C’est dans ce contexte de profondes transformations, accentuées par la crise sanitaire, que nous avons trouvé utile d’aller sur le terrain afin de déterminer quelles étaient celles qui avaient impacté les formations dans l’enseignement supérieur.

Si l’on a constaté, dès l’annonce du confinement, en mars dernier, que les responsables pédagogiques étaient amenés très rapidement et avec beaucoup d’agilité à se préoccuper de la continuité pédagogique de leurs enseignements en matière d’apprentissages, nous avons jugé utile de réaliser une enquête au sein des 30 masters du réseau. Plusieurs résultats et enseignements peuvent être présentés en termes de constat d’une part, et de projection d’autre part.

Globalement sur le sentiment de bien-être des responsables de ces formations :

• 55,1 % des collègues interrogés vont bien : plutôt un signal positif !

• 41,4 % des collègues ont « bien » supporté cette période d’enseignement à distance ;

• 55,1 % des personnes interrogées ont apprécié les conditions techniques de l’EAD ;

• À 62 % les étudiants ont eu des comportements adaptés à l’EAD.

À la question « quels sont les outils numériques de visioconférence qui vous ont semblé les plus adaptés ? » la forte majorité des répondants a ciblé des solutions type Zoom, Teams, Webex, Globwl, Discord. Ces choix, bien que parfois remis en question institutionnellement en raison du non-respect de la protection des données personnelles, se légitiment au regard des arguments suivants : simplicité d’utilisation, praticité, possibilité de disposer d’une salle d’attente, qualité et stabilité son et vidéo, possibilité de constituer des sous-groupes, possibilité de partage d’écran. On constate que les responsables pédagogiques ont très vite éprouvé le besoin de trouver des solutions leur permettant d’organiser facilement et rapidement des rencontres ; de réaliser des sous-groupes de travail au travers de la réalisation d’études de cas, de dossiers, etc., de gérer le groupe « classe » en privilégiant les solutions salle d’attente, pré-inscription pour éviter l’arrivée de perturbateurs, etc.

Si les collègues, dans leur grande majorité n’avaient pas été systématiquement formés à ces outils, ils ont su faire preuve d’agilité et se sont autoformés. La dimension technique a été également une des difficultés à surmonter. Selon l’enquête, l’environnement de travail des collègues est à 72,4 % compatible avec de l’enseignement à distance. On peut néanmoins déjà percevoir que des parcours de formation et d’autoformation sur la création et l’animation de classes virtuelles sont des enjeux importants à relever.

Nouvelles approches pédagogiques

À la question relative aux outils, pratiques, méthodes ou exercices qui ont paru bien adaptés à la situation, les responsables ont cité des applications en libre accès ou non, institutionnellement recommandées ou non. Selon les établissements, les politiques ne sont pas les mêmes. Ces choix ont été et devraient être pensés en fonction de l’objectif des séances d’enseignement, des méthodes pédagogiques que l’on souhaite privilégier et des supports que l’on souhaite projeter ou transmettre. Les retours des apprenants, durant ce confinement, et le fait de pratiquer ces outils au quotidien ont amené à observer des évolutions dans la façon dont les enseignants ont opéré la transmission de leurs savoirs, dans leur pédagogie et leurs pratiques : privilégier des envois de textes courts, diversifier les supports, prévoir des séances courtes d’enseignement, des séances en demi-groupes, faire de la pédagogie différenciée, inversée, etc.

Sur la question des modes d’évaluation mobilisés, l’expérience du confinement montre une utilisation très large des possibilités d’évaluation et surtout plus diversifiée que traditionnellement : cas pratiques, réalisation d’études de cas, de dossiers, d’oraux, de QCM, de projets individuels et collectifs. Il semble donc que le confinement et le distanciel n’aient pas empêché la mobilisation de tous les outils d’évaluation traditionnels. Dans certains cas, nous pourrions même considérer que cette utilisation était plus marquée qu’avant le confinement, provoquant parfois des surcharges de travail et du stress tant auprès des formés que des formateurs. Ceci s’est d’ailleurs observé au début du confinement et s’est peu à peu réajusté au fil du temps. En matière d’évaluation, dans de telles conditions, il est essentiel de revoir sa posture et de s’inscrire dans une relation de confiance, tant sur la production des écrits ou des oraux, et d’accepter une dimension plus collégiale et collective des travaux réalisés et qui seront évalués. Mais savoir qu’un apprenant est aidé dans ses travaux ou dans les réponses à des QCM ne traduit-il pas la maîtrise de certaines compétences ? Cela ne doit-il pas nous conduire à privilégier d’autres formes d’évaluation ?

Cette enquête s’est également attachée à recueillir l’avis de ces professionnels de la formation afin de savoir si cette expérience inédite serait de nature à faire changer leurs pratiques et à appréhender la formation et leurs enseignements sous une approche globale dite « orientation compétences ». Plusieurs dimensions confortent les résultats précédents. D’une part, une réelle prise de conscience sur la question de la pédagogie dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle doit obligatoirement se renouveler alors vers des approches nouvelles et parfois disruptives. Ces changements en matière de pédagogie posent naturellement la question, en période de confinement, de la place du numérique et de la multimodalité. Il sera essentiel, certes, de privilégier des pédagogies dites différenciées ou inversées mais sans omettre l’importance de maintenir du collectif dans un groupe « classe ».

En conclusion, cette crise sanitaire a amplifié les transformations des formations, dont celles de GRH, et ces transformations conduisent naturellement les professionnels à privilégier une « orientation compétences » afin d’améliorer la qualité du service rendu aux étudiants, aux apprenants. La question de la place du numérique devient une préoccupation dont les établissements doivent se saisir en venant ainsi en appui aux niveaux pédagogique et didactique. Il faudra s’entourer de spécialistes technico-pédagogiques pour pouvoir anticiper l’avenir. Ce sont donc des communautés de pratiques et d’apprentissage qui devront se développer et constituer de véritables réseaux apprenants. Le numérique peut permettre cette mise en relation des acteurs, faciliter la création de réseaux apprenants. Il faudra donc qu’il soit mobilisé dans cette perspective.