logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Le mercato des spécialistes a commencé

Dossier | publié le : 05.02.2021 | Dominique Perez

Image

Le mercato des spécialistes a commencé

Crédit photo Dominique Perez

Pour mener à bien des opérations complexes de restructuration et de transformation des entreprises, en amont et en aval, les profils « experts » sont fortement recherchés par les cabinets de conseil. Une quête de compétences qui devrait s’accélérer dans les mois à venir.

Pour faire face aux nombreux chantiers de restructurations qui s’ouvrent et aux exigences de réponses « sur mesure », les acteurs du conseil RH n’ont pas d’autre choix que de « muscler » leurs équipes. Recherchés pour leurs compétences acquises dans de grandes sociétés pour accompagner des transformations déjà à l’œuvre avant la crise sanitaire, les professionnels aguerris dans les domaines du dialogue social, de l’accompagnement managérial ou de l’outplacement sont actuellement très courtisés sur un marché finalement assez étroit. Cependant, « les premiers à quitter les entreprises à l’occasion de plans sociaux sont parfois ceux que l’on ne voudrait pas voir partir, justement, constate un observateur. Parmi eux, des profils qui peuvent, avec profit, se reconvertir dans le conseil, soit en créant leur propre activité, soit en rejoignant un cabinet ».

Pour Laurent Blanchard, manager senior chez PageGroup, les impacts de la crise et les freins mis aux recrutements des cabinets n’ont pas terminé leurs effets. « Nous observons d’abord une demande de consultants dans le domaine de l’outplacement, mais pas une forte demande de profils de consultants RH par les cabinets, constate-t-il. Mais nous nous attendons à une augmentation de la demande de profils experts, notamment en management de transition. Les entreprises vont avoir besoin de professionnels capables d’émettre des préconisations avant éventuellement un restructuring, et dans un deuxième temps, des personnes capables de structurer une équipe de déploiement sur les transformations déterminées. Il y aura deux grandes catégories : des personnes déjà sur ces missions en tant qu’indépendants, ou dans des sociétés de conseil, et des managers sortis récemment d’un poste opérationnel qui veulent se repositionner. »

Une recherche de spécialistes

Pour le moment, l’heure est davantage à la consolidation qu’aux recrutements tous azimuts, mais la guerre des talents est ouverte sur des profils très « capés », exigeants sur l’image des cabinets qui souhaitent les attirer. « Il est possible que nous assistions à une surenchère sur ces profils, modère Nawal Mrani Alaoui, directrice de l’activité stratégie ressources humaines et sociale chez EY (Ernst and Young). Ce n’est pas encore le cas. Notre marque employeur favorable explique certainement cela. Nous avons toujours recruté assez peu de consultants généralistes sur ces sujets, et amplifions nos recherches sur des profils d’experts en restructuring, en PSE, GPEC, experts en rémunération… par exemple des directeurs de relations sociales, anciens comp &ben, des profils d’anciens consultants ou de professionnels ayant une expérience solide en entreprise… »

Pour les observateurs, le marché des transferts a bel et bien commencé. À l’affût, les acteurs du restructuring, quelles que soient leur taille et leurs spécialisations, tentent d’attirer ces professionnels très convoités. « Le segment du conseil en restructuration d’entreprises est relativement concurrentiel, analyse Nicolas Le Corre, chargé d’études chez Xerfi Precepta. Or, les ressources humaines sont les principaux actifs des acteurs. Dans ces conditions, le recrutement et la fidélisation des talents sont au cœur de la stratégie des cabinets. Pour traiter les problèmes de restructuration, les profils expérimentés sont particulièrement courtisés, même si les jeunes professionnels prometteurs sont également recherchés pour préparer l’avenir et renforcer rapidement les équipes en place face à l’afflux de dossiers. Dénicher la perle rare s’avère complexe dans la mesure où les compétences techniques sont aussi indispensables que les qualités humaines. Et avec l’avalanche de défaillances attendues, y compris sur les gros dossiers, le mercato des spécialistes bat son plein. »

Les managers de transition ont le vent en poupe

Parmi ces spécialistes, les managers de transition, dont l’activité commence à reprendre des couleurs. La concurrence s’annonce rude dans la quête de profils susceptibles de prendre à bras-le-corps des sujets de transition complexes. Dans l’impossibilité de recruter à la suite de la mise en œuvre de plans sociaux, les sociétés commencent à avoir recours aux services proposés par ce mode d’intervention, en prestation de services. « Les entreprises, pendant et juste après le premier confinement, se sont surtout occupées de la mise en place du PGE et du chômage partiel, estime Patrick Abadie, président et fondateur du cabinet Delville Management, spécialisé en management de transition. Le management de transition n’était alors pas à l’ordre du jour. Mais le téléphone a recommencé à sonner au retour des vacances d’été. On a senti un frémissement du business. » Une source de croissance potentielle bien anticipée par des grands cabinets, qui ajoutent pour certains une corde à leur arc. Alixio a ainsi pris la vague en créant, fin mars dernier, sa propre structure de « dirigeants de transition », intitulée Réseau 137, comprenant 300 dirigeants triés sur le volet. Cooptation par au moins deux personnes de confiance et validation par un comité stratégique… le soin apporté à cette sélection illustre les enjeux portés par ces professionnels dans les mois à venir…

Chez PageGroup, on se prépare également. « Nous sommes actuellement en développement de notre activité en management de transition, confirme Laurent Blanchard. Il est très probable que nous allons connaître une hausse des besoins dans ce domaine, et nous nous y préparons. C’est devenu pour nous une activité importante, qui mobilise 20 consultants. Les entreprises ont à la fois besoin de managers de transition pour leur réorganisation, mais aussi en process et méthodes, les managers peuvent intervenir sur des préconisations, mais également, dans un deuxième temps, être capables de structurer une équipe pour déployer la transformation. » La demande, d’après Patrick Abadie, évolue nettement, signe que les décisions difficiles se précisent… « 80 % des missions de notre cabinet étaient avant la crise consacrées à la mise à disposition de managers de transition pour accompagner des transformations, et 20 % à des opérations dites « spéciales » (terme utilisé pour désigner la mise en œuvre de plans de redressement sévères). Nous arrivons actuellement à une répartition de 50/50 entre ces missions. »

Des juniors toujours recherchés

Quid des bataillons de jeunes diplômés si convoités par les grands cabinets d’audit et de conseil et happés dès la fin de leurs études ? Parmi les Big Four, KPMG et PricewaterhouseCoopers, notamment, assurent continuer leurs recrutements de juniors. Chez Mazars, premier groupe d’audit et conseil intégré français, on déclare poursuivre cette politique. « Lors du premier confinement, nous avons subi un net ralentissement, reconnaît Charlotte Gouiard, responsable du recrutement et des relations écoles. Les missions de conseil ont connu un arrêt, et nous avons signé beaucoup moins de CDI. Mais les recrutements ont repris, notamment sur les métiers réglementaires, comme l’audit financier. Nous devrions en 2020 et en 2021 avoir un niveau d’embauches à peu près équivalent, c’est-à-dire, sur 1 100 recrutements au total, à Paris, 800 de juniors, dont 400 stagiaires de fin d’études et alternants. » Avec la crise, les profils tendent à se diversifier, selon la responsable de recrutement : « Nous avons recruté des personnes en reconversion, issues de start-up par exemple, qui n’avaient pas vocation jusqu’à présent à intégrer des grands cabinets de conseil… Nous avons aussi eu des candidatures de directeurs d’hôpitaux, que nous avons pu intégrer dans notre cellule conseil en santé publique… »

Auteur

  • Dominique Perez