logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Le marché du restructuring suscite des alliances

Dossier | publié le : 28.01.2021 |

Image

Le marché du restructuring suscite des alliances

Crédit photo

Entre les mastodontes du secteur susceptibles de proposer des « packages » complets pour accompagner les restructurations et les cabinets spécialisés intervenant sur un pan de l’accompagnement des entreprises, comment le marché va-t-il évoluer ?

On pourrait penser qu’en cette période de lourde crise économique, il y aura du travail pour tout le monde dans l’accompagnement des restructurations. Certes, mais la conjoncture va provoquer ou amplifier des mouvements déjà à l’œuvre sur le marché du restructuring. Cabinets d’audit et de conseil, cabinets de conseil en stratégie, cabinets RH, banques d’affaires, fonds de retournement, cabinets d’avocats d’affaires ou spécialisés en social, d’expertise comptable… de l’amont à l’aval, les besoins vont être importants en 2021 et les stratégies s’affûtent pour faire face à un marché qui s’ouvre. Avec des mouvements qui diffèrent. D’un côté, des cabinets de petite taille et/ou hyper spécialisés sur un des volets accompagnant le restructuring, dont l’outplacement ou l’accompagnement des dirigeants dans les transformations nécessaires à l’entreprise, des aspects juridiques stricto sensu ou financiers/trésorerie. De l’autre, des offres plus « globales » avec des mastodontes capables d’accompagner l’amont et l’aval des restructurations. Reste que le paysage, même avant la crise sanitaire, avait déjà commencé à bouger.

« Il va y avoir probablement des regroupements, analyse Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH et associé au Boston Consulting Group. Pour des cabinets de petite ou de moyenne taille relativement nouveaux, le marché s’est quelque peu asséché. Quand les entreprises sont dans une situation économique tendue, les deux premiers budgets qui tombent sont souvent la communication, puis le consulting. Il y a donc déjà eu quelques rapprochements que je qualifierais plus « d’économiques ». Mais il y aura aussi des associations de type stratégique, pour des cabinets bien placés sur le marché, mais qui vont chercher une compétence qu’ils n’ont pas. » Dans cette période « grise », où les restructurations n’ont pas encore atteint leur maximum, il est difficile d’analyser précisément l’ampleur des stratégies à l’œuvre.

« Tout en un » ou offre spécialisée ?

Proposer des « packages » complets en restructuring ou rester dans son champ de compétences et son positionnement ? Les « Big Four » semblent avoir déjà choisi la première voie, et pour d’autres acteurs la tentation de les imiter serait à l’ordre du jour, selon Aurélien Vernet, auteur d’une étude sur « les ripostes de l’expertise comptable et de l’audit pour affronter l’après-crise », pour Xerfi Precepta, parue en octobre 2020. « Au cours des dernières années, les cabinets d’audit qui étaient plutôt positionnés sur la partie financière et de trésorerie ont développé leur practice sociale, et ces groupes ont une logique de “tout en un”. J’ai le sentiment que de plus en plus de groupes emboîtent le pas des Big Four, avec un redéploiement de certains acteurs, comme Mazars, sur ces activités de restructuring. » Cette analyse est confirmée par Nicolas Le Corre, chargé d’études senior pour Xerfi Precepta, auteur d’une étude sur « le marché du restructuring face à la crise », parue en septembre dernier. Ils vont fatalement essayer de gagner des parts de marché dans ce contexte. C’est aussi le cas, mais dans une moindre mesure, des grands cabinets de conseil en stratégie, type McKinsey ou Roland Berger. La plupart ont déjà intégré des cabinets d’avocats et peuvent faire jouer les synergies, les cabinets purement RH ne pourront pas forcément le faire, et les missions devraient se dispatcher de manière « naturelle ».

Les cabinets de conseil en stratégie ont également toute leur place dans la bataille. « Nombre d’entreprises se disent que cette crise est une occasion de repenser la stratégie, estime Benoît Serre. Elles ont tendance ainsi à faire appel à des cabinets susceptibles de les aider dans la tempête. Mais une fois qu’elles l’ont redéfinie, elles se demandent : et maintenant que fait-on ? D’où l’intérêt pour ces cabinets de développer aussi une activité RH. » Les cabinets RH, y compris les plus grands, misent plutôt sur la valeur ajoutée de la spécialisation, même si la palette d’activités, de l’analyse des risques en période de transformation à l’outplacement en passant par l’ingénierie sociale, est large. « Nous souhaitons cependant garder notre différence, affirme par exemple Joël Vives, directeur du pôle restructurations et fusions-acquisitions chez Alixio, où la ligne restructuring existe depuis la création du cabinet, avec 40 consultants. Il s’agit quand même de métiers très différents, le conseil en expertise comptable est un métier en soi, comme le conseil financier ou le métier d’avocat. On a certes de très bons juristes, mais pas seulement… Ce qui fait le succès d’une opération, dans des projets complexes et d’ampleur, c’est la pluralité des points de vue, qui savent au bout du compte se forger une conviction commune. Le modèle full intégré est un modèle où l’on perd de la valeur. On ne se sent pas en concurrence avec les Big Four. »

Des associations pour proposer une offre commune

Sans se concrétiser toujours par des regroupements formels, l’épaisseur et la qualité des carnets d’adresses sont cependant déterminantes pour établir des stratégies d’alliance renforcées. La constitution d’écosystèmes capables de répondre à des marchés nécessitant la mobilisation d’équipes aux compétences complémentaires et susceptibles de s’apporter mutuellement des affaires joue à plein. Parmi les professionnels actuellement très sollicités, les cabinets d’avocats d’affaires ou spécialisés en droit social qui, s’ils ne peuvent légalement intégrer des activités connexes n’entrant pas dans le cadre de leur statut, peuvent imaginer d’autres voies pour s’associer. Ainsi de Guillaume Brédon, avocat associé du cabinet BRL Avocats, spécialisé en droit social et ressources humaines comprenant 45 avocats, qui crée en ce début d’année un nouveau cabinet, Edgar Avocats, pour formaliser ces partenariats déjà établis notamment avec des cabinets RH.

« Il est compliqué pour un cabinet d’avocats d’être dans la même structure juridique que d’autres cabinets. Par contre, nous développons un écosystème de partenariats formels ou informels et j’ai souhaité, dans le cadre de ma propre évolution professionnelle, formaliser un peu plus ces partenariats, avec des cabinets RH notamment, mais aussi spécialisés en gestion des risques psychosociaux, en ouvrant ce nouveau cabinet », témoigne Guillaume Brédon. L’idée de structures « agiles » susceptibles de faire des propositions communes et de fournir des réponses coordonnées aux appels d’offres semble bien engagée…

Quintet Conseil, un nouvel acteur sur le marché

À l’heure où les carnets d’adresses sont déterminants pour rafler des missions de consulting, la décision d’Antoine Foucher, ancien directeur de cabinet de Muriel Pénicaud au ministère du Travail, de créer un cabinet de conseil avec quatre anciens conseillers du ministère, n’est pas passée inaperçue. Elle illustre la tendance des petites structures à se positionner sur les enjeux d’aujourd’hui, en misant sur le « sur-mesure » et le « long terme » dans l’accompagnement des entreprises. Pour Antoine Foucher : « La Covid-19 a cristallisé la nécessité du changement. Elle est l’occasion de revenir à une régulation de la finance et de l’économie en France et en Europe, et elle a joué également le rôle d’accélérateur de la prise de conscience écologique… » Spécialisé dans le conseil en stratégie sociale, le conseil sur la raison d’être des entreprises, sur les compétences, les relocalisations et la communication, Quintet Conseil fait le pari d’une préparation des entreprises et des organisations syndicales à un « monde d’après », un défi qui, en ces temps où les entreprises sont confrontées à l’urgence, est un pari original. Une dizaine de sociétés clientes adhèrent déjà au projet, « majoritairement issues de notre réseau », commente Antoine Foucher.