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Idées

Crise sociale : le temps joue contre nous

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.12.2020 | Antoine Foucher

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Crise sociale : le temps joue contre nous

Crédit photo Antoine Foucher

Par son caractère inédit, la crise actuelle se prête mal aux prédictions, surtout dans un domaine aussi inflammable que le social. Essayons malgré tout de démêler les fils pour comprendre comment les difficultés vont se succéder dans le temps.

D’ici la fin de l’année, deux risques majeurs se présentent : la colère des salariés et des indépendants qui n’ont plus d’activité, et la flambée des faillites de TPE/PME, notamment des petits commerces. À ce stade, les mesures prises par le Gouvernement contiennent le péril. Le nouveau système d’activité partielle élaborée lors du premier confinement a été réactivé avec succès. Le plan jeunes, conçu en juin, semble produire des résultats, comme le maintien des embauches en apprentissage. De même pour les aides du fonds de solidarité pour les entreprises et les indépendants, opportunément relevées par rapport au printemps : elles limitent incontestablement les faillites, mais pour combien de temps encore ?

Car dans la situation, si le temps est un allié en matière sanitaire (plus le temps passe, plus la perspective d’un vaccin se rapproche), c’est l’inverse en matière sociale : plus le temps passe, plus les équations sociales sont compliquées à résoudre.

Au premier semestre 2021 en effet, les effets boomerang des protections en place vont commencer à apparaître. Dans les secteurs qui ne retrouveront pas leur niveau d’avant-crise (transport aérien, matériel de transport, immobilier commercial, tourisme…), l’activité partielle ne pourra pas éternellement retarder les ajustements nécessaires, qui concerneront des centaines de milliers de salariés. La seule solution pour éviter un tsunami social sera la reconversion vers les secteurs en expansion (santé, nouvelles technologies, agroalimentaire…). Le Gouvernement l’a anticipé en créant une « transition collective », un mécanisme ingénieux financé par le Fonds national de l’emploi (FNE), qui couvrira le coût de la formation et la rémunération : sera-t-il utilisé par les entreprises et les salariés, ou la préférence mortifère pour les chèques continuera-t-elle de prévaloir ? Même interrogation du côté des prêts aux entreprises : le remboursement a été décalé d’un an pour éviter l’asphyxie à court terme, mais la vraie question demeure : comme beaucoup d’entreprises ne pourront jamais rembourser, ces prêts seront-ils convertis en fonds propres pour éviter les faillites, même au prix d’un accroissement de l’endettement public et d’une fâcherie avec Bruxelles sur les aides d’État ? Il faudra choisir entre Charybde et Scylla.

Mais le plus dur est à venir, car au-delà du printemps prochain, des mécanismes quasiment impossibles à corriger vont entrer en scène. Prenons deux exemples. Si elles ont limité les faillites, les aides financières ne peuvent rien faire (ce n’est pas leur rôle) sur la baisse des profits et des marges des entreprises. Celles-ci vont donc devoir les reconstituer, en pesant durablement sur les salaires, donc sur le pouvoir d’achat. De même, comme dans la décennie 2010, l’expansion monétaire, qui finance cette fois-ci la quasi-totalité des déficits, donc des aides mises en place, fera violemment monter les prix des actifs financiers et immobiliers, aggravant les inégalités de revenu et d’accès au logement, essentiellement au détriment des jeunes.

Qu’en conclure ? Que chacun – État, entreprises, citoyens – gère au mieux et au jour le jour. La tempête n’est pas derrière, mais devant nous. Chacun aura donc un rôle à jouer pour tenir le bateau national et européen : une puissance publique plus souveraine et protectrice, des entreprises plus connectées à l’intérêt général et des citoyens plus responsables dans leur consommation. Un sursaut général donc, ou nous nous enfoncerons.

Auteur

  • Antoine Foucher