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Les tarifs flambent en santé et prévoyance

Dossier | publié le : 01.12.2020 | Mireille Weinberg

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Les tarifs flambent en santé et prévoyance

Crédit photo Mireille Weinberg

Vieillissement de la population active, dérive naturelle des dépenses de santé, hausse des arrêts de travail… La charge s’alourdit pour les assureurs, alors que les cotisations qu’ils encaissent sont à la baisse, en raison de la crise économique et du chômage. Conséquence inévitable, de fortes hausses de tarifs sont à attendre sur la protection sociale complémentaire en 2021.

C’est un véritable coup de bambou ! Les tarifs des contrats santé et prévoyance souscrits par les entreprises pour le compte de leurs salariés vont exploser pour 2021. Sur la complémentaire santé, les hausses atteignent 6,5 %, alors qu’elles s’échelonnent d’habitude entre 3 % et 4 % l’an. Quant à la couverture prévoyance, rarement haussière, elle subit un important effet de rattrapage, avec des augmentations jusqu’à 12 % ! « Ces hausses sont annoncées sur les contrats à l’équilibre. Ce qui signifie que quand ils ne le sont pas, il faut encore y ajouter le redressement des comptes », explique Jean-Philippe Ferrandis, directeur des assurances de personnes chez le courtier Verspieren.

Les courtiers d’assurance s’attendent cette année à des négociations de prix particulièrement tendues. « Avec la crise, il a été demandé aux DRH d’éviter toute augmentation des coûts alors que le marché leur réclame parfois des hausses à deux chiffres. C’est souvent rude », dit Jean-Marc Esvant, directeur général adjoint chez Verlingue. Pas mieux chez Gras Savoye Willis Towers Watson : « Cela va à l’encontre de la situation économique dans laquelle se trouvent certains de nos clients, les négociations s’annoncent âpres », dit Julien Venturini, consultant manager chez le courtier. Les crises sanitaire, sociale et économique vont peser lourd. « L’année 2020 sera mauvaise pour les assureurs collectifs et il y a déjà de grandes inquiétudes pour 2021. Les assurances des entreprises sont intimement liées à l’activité économique et quand le PIB baisse, l’activité des assureurs baisse mécaniquement aussi », explique Céline Blattner, directrice générale chez Addactis France, un cabinet-conseil en actuariat.

La mutuelle santé à l’amende

Pour la mutuelle santé d’entreprise, les hausses de tarifs sont tout à fait habituelles. Chaque année, ils grimpent au même rythme que l’augmentation nationale des dépenses de santé soit environ de 3 %. Mais pour l’an prochain, il existe de nombreux éléments exogènes qui viennent compliquer la donne et qui concourent à une hausse encore plus forte. Il y a d’abord la nouvelle taxe Covid – une contribution temporaire de 1 milliard en 2020 et de 500 millions d’euros en 2021 – à la charge des assureurs santé. « Nous estimons que les organismes complémentaires ont économisé 2,2 milliards d’euros, nous les taxons à 1,5 milliard d’euros sur deux ans. Il leur reste 700 millions d’euros de marge et je ne vois pas comment ils pourraient décider d’augmenter leurs tarifs », s’étonnait Thomas Mesnier, député LREM et rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, mi-octobre. Il y a d’autres raisons qui justifient les hausses, comme la « portabilité » des garanties en cas de chômage. Toute personne qui quitte l’entreprise et perçoit des allocations chômage a droit au maintien de son ancienne couverture santé d’entreprise, gratuitement, pendant 12 mois au maximum. Or, avec la crise économique, « la portabilité des garanties aura un impact énorme pour le premier assureur collectif que nous sommes », résume Christophe Scherrer, directeur général délégué chez Malakoff Humanis. « Ce maintien des garanties aux chômeurs coûte actuellement un point de cotisation et cela va coûter entre trois et cinq fois plus en 2021 », estime Céline Blattner. « Les assureurs qui sont à plus de 3 % de hausse en santé, ont pris en compte la taxe Covid, un report de la consommation médicale de 2020 sur 2021, la portabilité des garanties, voire les impayés qu’ils vont avoir à supporter », conclut Arnaud Rouxel, directeur du développement prévoyance, santé et actuariat chez Siaci Saint Honoré.

Des hausses à deux chiffres sur la prévoyance

Sur la partie prévoyance, cela ne se présente guère mieux. « La prévoyance a été plus touchée que la santé avec la crise de la Covid. Nous avons décidé d’élargir nos garanties à l’ensemble des nouveaux arrêts de travail préventifs couverts par la Sécurité sociale, y compris ceux pour garde d’enfants », explique Emeric Lozé, directeur du développement chez Harmonie Mutuelle. Les assureurs se sont généralement contentés de prendre en charge les arrêts strictement liés à une maladie. En tout état de cause, les prestations à payer se sont alourdies, parce que les arrêts de travail traditionnels pour maladie sont en constante augmentation du fait du vieillissement de la population active, à la suite du recul de l’âge légal de la retraite de 60 à 62 ans : + 4,8 % en 2019 et + 7,1 % en janvier 2020 avant même la moindre trace des effets de la Covid !

Du côté des recettes, les impayés qui risquent d’être au rendez-vous, le chômage et la baisse corrélative des cotisations, tout comme le maintien des garanties des chômeurs (également valable pour la prévoyance), vont peser sur les comptes des assureurs. Sans compter la baisse des taux sur les marchés financiers. Car, dès qu’un assuré est en arrêt de travail, les assureurs sont obligés de constituer des provisions et de mettre de côté une somme égale à l’indemnisation maximale possible (trois ans d’indemnités journalières et une pension d’invalidité jusqu’à sa retraite). Avec les taux nuls, voire négatifs, les produits financiers ne permettent plus de combler des comptes techniquement déficitaires. « Une provision actualisée à 0 % comme ce sera le cas fin 2020, contre ne serait-ce que 0,5 % hier, c’est 4 % de hausse de tarif en plus », selon Arnaud Rouxel.

Une troisième voie, la prévention des risques

Les négociations s’annoncent donc difficiles pour les entreprises comme pour leurs conseils. « Nous allons décomposer les demandes des assureurs et défendre les intérêts de nos clients bec et ongles. Ceux qui par exemple n’ont pas de plans sociaux en vue et qui continuent d’embaucher n’ont pas à subir la hausse liée au maintien des garanties pour les chômeurs », dit Julien Venturini. Il reste aussi les solutions traditionnelles qui consistent à baisser les garanties ou à augmenter les franchises. « Les entreprises écartent généralement ces solutions, qui défavorisent les salariés. Nous les encourageons plutôt à s’engager dans une politique active de prévention, avec le déploiement d’une stratégie de services qui permet de réduire les risques et donc les dépenses », fait valoir Camille Mosse, directrice de l’offre et des services chez Mercer.

Cette troisième voie semble clairement se dessiner. « Les assureurs sont plus intransigeants qu’à l’accoutumée et nous ne parvenons à les faire bouger que si l’entreprise accepte une vraie gestion de son risque, en adaptant les garanties et en mettant en place des actions de prévention pour améliorer la santé des salariés et éviter les arrêts de travail », confirme Jean-Marc Esvant. « En santé, la mise en place des réseaux de soins, comme Santéclair ou Carte blanche, qui vérifient les devis des professionnels de santé et obtiennent des remises sur les lunettes ou les audioprothèses par exemple, peut faire baisser les prix de l’ordre de 10 % à 20 %, mais l’année de la mise en place. Pour les entreprises qui ont déjà opté pour ce type de réseaux, soit la plupart d’entre elles, elles ont hélas déjà bénéficié de la ristourne », explique Jean-Philippe Ferrandis.

Les entreprises l’ont compris et acceptent de s’engager plus en avant sur le terrain de la prévention, en santé comme en prévoyance. « Chez Siaci, nous sommes beaucoup sollicités sur la maîtrise de l’absentéisme et c’est un vrai levier de négociation à la baisse des tarifs avec les assureurs », selon Arnaud Rouxel. Un service que Malakoff Humanis a mis en place il y a plus de 12 ans. Il compte plus de 60 consultants dédiés à cette prévention de l’absentéisme : il s’agit grâce aux données récoltées et notamment dans la DSN de faire une cartographie de l’absentéisme, ce qui permet d’identifier les problèmes. « Dans une entreprise médico-sociale, nous nous étions aperçus que l’absentéisme touchait surtout les nouvelles recrues. Après exploration, il s’est avéré que la politique d’intégration de ces jeunes était défaillante. L’entreprise a rectifié le tir », explique Jean-Marc Esvant. Il ne suffit pas en effet d’identifier les problèmes, il convient également de les traiter ensuite.

Auteur

  • Mireille Weinberg