logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

L’amélioration de la retraite des cadres au second plan

Dossier | publié le : 01.12.2020 | Mireille Weinberg

Image

L’amélioration de la retraite des cadres au second plan

Crédit photo Mireille Weinberg

Avec la crise sanitaire, de nombreuses sociétés se battent pour leur survie. L’heure est aux économies à tout prix. Certaines gèlent même leurs cotisations sur la retraite d’entreprise pour 2021… Seule bonne nouvelle sur ce terrain, la loi Pacte leur offre la possibilité de gagner quatre points de forfait social, en transformant les vieux contrats de retraite.

C’était il y a un peu plus d’un an… La grande réforme des retraites voulues par Emmanuel Macron était sur la rampe de lancement. Elle devait se concentrer sur les Français à revenus modestes et moyens, écartant de fait les cadres très supérieurs. Car, selon les projets gouvernementaux, ces cadres n’auraient plus cotisé pour leur retraite qu’à hauteur d’un salaire de 120 000 euros brut annuel. Au-delà, plus de cotisations et plus de droits à retraite non plus ! Le Medef s’était alors empressé de demander, pour compenser, la mise en place de vrais fonds de pension par capitalisation. Depuis, tout a été balayé. Le parcours parlementaire de la loi réformant les retraites a été stoppé net par la crise. Mi-octobre, les syndicats de salariés ont réclamé dans un courrier commun adressé au Premier ministre, l’abandon de la réforme des retraites au même titre que celle de l’assurance chômage. Dans les deux cas, le gouvernement a refusé de plier, préférant envisager de simples reports… L’arrivée de la deuxième vague de la crise sanitaire devrait encore brouiller un peu plus les cartes et personne ne sait plus, à ce stade, ce qu’il adviendra de cette grande réforme.

Avec ou sans réforme, le taux de remplacement (part de la pension par rapport au dernier salaire) des salariés va de toute façon se dégrader. C’est inévitable compte tenu du déséquilibre démographique et des déficits accumulés par les régimes de retraite. Le Conseil d’orientation des retraites (COR) l’a déjà modélisé : pour ceux qui sont nés en 1960, la pension représentera 77 % du dernier salaire pour les non-cadres, mais 57 % seulement pour les cadres. Et cela va bien sûr encore se dégrader, le COR estimant que, pour conserver ces niveaux de taux de remplacement, les salariés nés en 1980 par exemple, devraient travailler trois ans de plus pour les non-cadres et quatre ans et demi de plus pour les cadres ! Or la crise va creuser un peu plus les déficits, à plus de… 25 milliards d’euros en 2020, selon le COR. Le phénomène n’est pas nouveau et les entreprises qui en ont conscience ont, depuis longtemps, fait de la retraite supplémentaire un élément important du package de rémunération différée offert aux salariés et aux cadres en particulier. « Les cadres sont ceux qui supportent la plus forte baisse de leur taux de remplacement et les régimes de retraite d’entreprise leur sont souvent réservés, il est rare que l’ensemble du personnel soit couvert », explique Pascale Baron, avocat associé chez Rigaud Avocats.

Coup de frein dans certaines entreprises

Bon an, mal an, ce marché de la retraite collective d’entreprise progresse faiblement, mais régulièrement. En 2019, l’épargne constituée était de près de 130 milliards d’euros, selon la Fédération française de l’assurance. Mais pour 2020, certains professionnels anticipent déjà un coup d’arrêt. « Les entreprises qui sont en difficulté ont d’autres priorités que de se préoccuper de la retraite supplémentaire de leurs salariés », constate Philippe Dabat, membre du comité de direction d’AG2R La Mondiale, en charge des assurances de personnes et de la distribution. Elles pourraient même retirer leurs billes, à l’image du groupe Safran qui, dans son accord de préservation de l’emploi du 8 juillet, a décidé de geler ses versements sur l’épargne salariale et les plans de retraite supplémentaire de ses salariés ingénieurs et cadres pour 2021… « De toute ma carrière, je n’avais jamais vu cela », dit un dirigeant de Force ouvrière. Et, si c’est une première, ce type de décision risque de faire tache d’huile, notamment si la deuxième vague épidémique aggrave la crise économique. « Ce type de demande est très marginale à ce jour. Cela dépend aussi du segment de marché concerné, certains secteurs étant beaucoup plus impactés que d’autres. Mais il va falloir faire preuve de souplesse et d’adaptabilité », anticipe Yann Illouz, directeur épargne retraite entreprise chez Axa.

Avec la crise économique qui s’installe, les entreprises ont peu d’appétit pour la mise en place de nouveaux contrats de retraite supplémentaire. « Pour ce qui est des nouveaux contrats de retraite et donc de dépenses nouvelles et supplémentaires, les entreprises nous demandent de passer notre chemin, en revanche, elles veulent être accompagnées pour la transformation de leurs contrats existants, pour profiter à plein de la loi Pacte sur l’épargne retraite », explique Jean-Philippe Ferrandis, directeur des assurances de personnes chez le courtier Verpieren.

Transformation des vieux contrats de retraite

Elles sont obligées d’y réfléchir, ne serait-ce que parce que les produits de retraite supplémentaire les plus vendus, les régimes de retraite à cotisation définie, dits « article 83 », en référence à un article du Code général des impôts, ne sont plus commercialisés depuis le 1er octobre. « Les anciens contrats perdurent, les primes peuvent continuer à y être versées, de même que les salariés nouvellement embauchés peuvent y être admis. Mais toute entreprise qui ouvre un contrat de retraite à cotisations définies à compter du 1er octobre, le fait nécessairement sous sa nouvelle forme, définie dans la loi Pacte », précise Philippe Dabat.

Ce nouveau produit de retraite collectif, le plan d’épargne entreprise obligatoire (PERO) a de nombreux atouts. « Les entreprises sont encouragées, sur le plan des charges sociales, à y transférer leurs contrats actuels de retraite : dans le nouveau dispositif, le forfait social payable sur les cotisations patronales au régime de retraite est ramené de 20 % à 16 %, sous certaines conditions, soit une économie non négligeable de 4 points pour l’employeur », explique Pascale Baron. « Dans ce climat morose, c’est l’un des rares points positifs pour l’entreprise », commente Yann Illouz.

Les transferts stoppés par la crise sanitaire et le premier confinement ont repris de plus belle depuis septembre. « Les bénéfices du nouveau PERO sont nombreux et les employeurs ont tout intérêt à en faire profiter leurs salariés », poursuit Yann Illouz. Les versements obligatoires des employeurs et des salariés (parfois l’employeur prend en charge 100 % du régime de retraite, mais le plus souvent 60 %) restent récupérables sous forme de rente viagère seulement, comme par le passé. Mais, et c’est la nouveauté, « les versements volontaires du salarié sur son plan de retraite d’entreprise peuvent, eux, sortir intégralement en capital, ce qui devrait réveiller l’intérêt des salariés pour leur épargne d’entreprise », selon Nicolas Schimel, cofondateur et président de Filib », une société spécialisée dans l’accompagnement des salariés sur la retraite d’entreprise.

Des atouts pour les nouvelles formules

Autre atout et non des moindres, les cas de sorties anticipées sont étendus à l’achat de la résidence principale, ce qui n’était pas possible avec les anciens produits et cela pénalisait les jeunes qui, du coup, trouvaient peu d’intérêt à leur retraite collective. « Enfin, les nouveaux produits sont financièrement plus modernes et plus adaptés au contexte actuel de taux bas. En complément du fameux fonds garanti en euros, qui ne rapporte plus grand-chose, ils apportent une meilleure diversification financière et sont plus susceptibles d’offrir du rendement aux salariés sur le long terme. En matière d’épargne longue et avec le mécanisme de la capitalisation, une amélioration du rendement, même infime, peut faire la différence au moment du départ à la retraite », explique Yann Illouz. Mais si l’entreprise gagne à tous les coups avec la baisse de 4 points du forfait social, les salariés, eux, peuvent y laisser des plumes. Certains anciens contrats peuvent être très avantageux, sur deux tableaux notamment : le taux et la table de mortalité éventuellement garantis, ce qui dans les deux cas améliore fortement le rendement. Ces contrats sont de moins en moins nombreux, mais en cas de doute, « un audit peut être nécessaire pour vérifier l’intérêt de la transformation et du transfert », préconise Pascale Baron.

« Si l’ancien contrat garantit une table de mortalité ancienne, la rente en sortie sera supérieure d’environ 15 % à celle d’un nouveau PERO. Mieux encore, si l’ancien contrat garantit un rendement (« taux technique »), l’impact sera encore plus important : + 35 % de rente pour un contrat garantissant un taux technique de 2 % et même + 80 % si le taux garanti atteint 4,5 % ! », calcule Pierre-Emmanuel Sassonia, directeur associé chez Eres Group. « Cela se regarde au cas par cas », conclut Philippe Dabat.

Auteur

  • Mireille Weinberg