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En santé, des garanties « gadget » incontournables

Dossier | publié le : 01.12.2020 | Mireille Weinberg

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En santé, des garanties « gadget » incontournables

Crédit photo Mireille Weinberg

Avec la crise sanitaire, la santé des salariés est devenue centrale. Les entreprises ont appris à tirer le meilleur parti des couvertures de protection sociale qu’elles avaient souscrites pour leurs collaborateurs, et notamment des nombreux services jusque-là considérés comme des gadgets. Téléconsultation médicale, aide psychologique ou aux aidants, actions de prévention particulièrement se sont imposées.Par Mireille Weinberg

La crise sanitaire de la Covid-19 a commencé par sidérer, avant de tout entraîner sur son passage. Pour l’heure, la couverture sociale mise en place par l’État en 1945 a bien résisté et elle a tenu le rôle d’amortisseur financier qui lui avait été assigné. Mais cette protection sociale, l’État n’est pas le seul à la prendre en charge. Les assureurs complémentaires, eux aussi, ont joué le jeu. « Avec le chômage partiel, le contrat de travail est normalement suspendu ainsi que les assurances qui vont avec. Les syndicats de salariés, et notamment la CFDT, ont insisté auprès du gouvernement pour que l’on déroge à cette règle et que les cotisations continuent d’être prélevées, de sorte que les salariés continuent d’être couverts », précise Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale à la CFDT. Une fois cette question résolue, la crise sanitaire n’a révélé aucune carence dans la couverture complémentaire des salariés.

Pas de mauvaise surprise du côté de la mutuelle santé qui, imposée dans les entreprises depuis le 1er janvier 2016, est dotée d’un panier de garanties minimales et obligatoires, assez protectrices pour l’ensemble des salariés. D’autant que la Sécurité sociale a pris en charge à 100 % de nouvelles dépenses liées à la Covid-19, comme les tests PCR ou encore les téléconsultations médicales.

Les travailleurs de la première ligne

« La crise sanitaire a en revanche remis en lumière des trous de garanties dans les contrats de prévoyance complémentaire, qui couvrent notamment les arrêts maladie des salariés. D’après une étude du CTIP de 2018, dans les 30 plus grandes branches professionnelles, celles qui couvrent chacune plus de 100 000 salariés, seuls 85 % des employés sont assurés pour les arrêts maladie », fait valoir Camille Mosse, directrice de l’offre et des services chez Mercer. Il en reste donc 15 %, toujours des non-cadres, potentiellement sans couverture. « Ils appartiennent à certains secteurs du commerce et de la distribution, du recyclage, des activités de déchetterie, autrement dit, des fonctions dont l’activité est maintenue pendant la crise sanitaire », poursuit Camille Mosse. Les fameux travailleurs de la première ligne. Cette question n’est pas nouvelle et avait déjà été évoquée au moment de la signature entre les partenaires sociaux de l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2013 sur la généralisation de la complémentaire santé. Une clause de revoyure prévoyait que l’étape suivante serait la généralisation des couvertures de prévoyance. Fermement défendue par les syndicats, cette extension est pour l’heure restée lettre morte.

La téléconsultation médicale en vedette

Reste que la grande majorité des salariés a été bien couverte. Ils ont aussi pu bénéficier des services que les assureurs glissent dans leurs contrats et qui jusqu’à présent faisaient figure de gadgets à visée commerciale. L’offre vedette de la crise sanitaire a sans conteste été la téléconsultation médicale. « Pendant le confinement, notre assureur, Klésia, nous a ouvert un service de téléconsultation médicale, qui, dans le contexte anxiogène du déconfinement, a été prolongé jusqu’à l’été », souligne Stéphanie Ferrand, responsable paie et contrôle de gestion sociale chez Areas, une société de plus de 8 000 salariés, spécialisée dans la restauration de voyage (gare, aéroport, aire d’autoroute, etc.) en France. Axa France, le précurseur, avait lancé son service en 2015. S’il était apprécié des salariés, il restait encore malgré tout assez confidentiel. « Le nombre des appels a été multiplié par quatre pendant le plus fort de la première vague de la crise sanitaire. En mars et avril, nous en comptions plus de 400 par jour. À fin septembre, nous sommes à 65 000 appels contre 45 000 à la même période un an plus tôt », indique Patricia Delaux, directrice santé et prévoyance collectives chez Axa France. Une stratégie gagnante qui a fait son chemin, puisque désormais c’est presque un standard. « La plupart de nos contrats santé en sont équipés », selon Christophe Scherrer, directeur général délégué chez Malakoff Humanis.

Pour autant, les assureurs se sont peut-être fait doubler par la Sécurité sociale, qui, à l’occasion de cette crise, a été très proactive. Elle a en effet ouvert tous les robinets, facilitant largement la téléconsultation et annonçant la prise en charge à 100 % de la dépense jusqu’au… 31 décembre 2022 ! Les médecins, qui jusque-là traînaient les pieds, ont, devant leurs cabinets médicaux vides, fini par s’y mettre aussi, le tout facilité par l’application Doctolib qui les a équipés techniquement. La crise sanitaire a clairement accéléré la mise en place de la solution « publique ». Du coup, « il n’est pas certain que nous intégrions le service de téléconsultation de notre assureur, parce que de plus en plus de médecins traitants la pratiquent et nos salariés sont attachés à leur généraliste », dit Stéphanie Ferrand. Les plateformes des assureurs sont cependant ouvertes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ce qui reste un argument.

L’explosion des risques psychosociaux

« Quinze jours après le début du confinement, outre la téléconsultation médicale, nous avons mis gratuitement à disposition de toutes les entreprises de notre portefeuille des plateformes de soins et de télésuivi à domicile, notamment pour les cas de Covid avérés ou suspectés, ainsi qu’une cellule de soutien psychologique », explique Christophe Scherrer. Dans une étude réalisée à la sortie du confinement, le groupe Malakoff Humanis a mesuré l’émergence de nouveaux risques liés à la Covid et en particulier la large poussée des risques psychosociaux. « Au plus fort de la crise, le premier motif d’arrêt de travail était la Covid elle-même. Mais alors que les troubles musculo-squelettiques arrivent généralement en seconde position, ils ont cette fois été amplement détrônés par les risques psychosociaux », note encore Christophe Scherrer. Les entreprises aux prises avec des salariés en télétravail ont ressenti le besoin d’être accompagnées, par leur assureur quand c’était possible, voire directement auprès de spécialistes. « Nous avons mis en place une ligne de soutien psychologique, avec une société spécialisée, de mars à fin juin, notamment pour nos salariés isolés qui étaient particulièrement fragilisés. Il a été très apprécié dans la période stressante que nous traversions », commente Jérémy Mailly, DRH du groupe agro-alimentaire MOM (800 salariés en France). « Nos contrats comportent ce type de services et nous avons noté une réelle recrudescence des appels pendant la crise sanitaire. La réalité commence à nous donner raison et le sujet de la santé mentale au travail devient central », confirme Emeric Lozé, directeur du développement d’Harmonie Mutuelle.

L’aide aux aidants

Autre besoin de plus en plus criant : l’aide aux aidants. Le sujet a pris une nouvelle dimension avec la Covid-19. Ceux qui aident des personnes âgées dépendantes sont près de 4 millions et à plus de 50 %, il s’agit de leurs enfants. Ces derniers ont 54 ans en moyenne, et selon la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, dépendante des ministères sociaux), ils sont actifs pour 40 % d’entre eux. Pour ceux qui sont salariés, c’est une cause de fatigue et de stress qui conduit souvent à des arrêts de travail. Prévoir une assistance pour les aidants familiaux, c’est s’assurer de leur meilleure santé et ce sont autant d’arrêts de travail en moins. « Les appels d’offres des entreprises demandent de plus en plus systématiquement une assistance pour les aidants », confirme Arnaud Rouxel, directeur du développement prévoyance santé et de l’actuariat chez le courtier Siaci Saint Honoré.

La prévention santé

Enfin, « la crise de la Covid a conduit l’entreprise à s’aventurer davantage sur le terrain de la prévention et de la santé privée du salarié, qu’elle hésitait à explorer avant cet épisode », selon Jean-Marc Esvant, directeur général adjoint chez le courtier Verlingue. Le virus a mis l’accent sur les dangers des maladies chroniques, qui n’ont souvent rien à voir avec le travail, comme l’hypertension, le diabète ou le surpoids, qui étaient tous des facteurs aggravants de la maladie. « Il a fait émerger un besoin de prévention, qui peut en effet être fourni par l’entreprise, à condition de trouver le bon format. Le fait de proposer des actions en matière de prévention santé par le truchement d’un assureur est une bonne solution », fait valoir Jérémy Mailly. De nombreux assureurs se lancent dans le « diagnostic du capital humain ou santé » des salariés, à l’image d’Harmonie Mutuelle ou de Malakoff Humanis. L’idée est de faire une cartographie de tous les risques, sous forme totalement anonymisée, pour permettre à l’entreprise de choisir des opérations de prévention ciblées.

« 5 % de la population souffre par exemple de diabète. Le dépistage est nécessaire, mais pas suffisant, car nous faisons face à des patients parfois naïfs : ils ne comprennent pas la gravité de la situation et 40 % d’entre eux ne suivent pas correctement leur traitement, ce qui réduit son efficacité à néant. Il faut accompagner ces personnes au long cours. Les entreprises commencent à réfléchir au rôle qu’elles pourraient jouer », affirme Arnaud Rouxel. Il y a eu une forme de surexposition de la santé dans les sociétés avec l’épisode Covid et « les entreprises, traditionnellement engagées dans la maîtrise des risques en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles, ont compris qu’elles pouvaient élargir leur sphère d’intervention pour s’intéresser à la santé privée et qu’elles étaient légitimes dans ce rôle », poursuit Jean-Marc Esvant.

Ces prestations de prévention sont facilitées par l’avènement du digital et des objets connectés comme les montres ou les smartphones, qui via des applications spécialisées permettent de mesurer tout un tas de données de santé et leur amélioration au fil des efforts produits par les salariés en matière d’hygiène de vie. Les propositions des assureurs sont plus ou moins ludiques, le summum étant la fameuse application Vitality, lancée par Generali en France en 2017, et qui vise à aider le salarié à atteindre les objectifs qu’il s’est fixés en termes de pratiques sportives, d’alimentation, de sommeil, d’arrêt du tabac, etc. D’abord moquée, parce que le salarié recevait des récompenses sous forme de bons de réduction, à la manière anglo-saxonne, très loin de l’état d’esprit français, cette formule pourrait bien elle aussi prendre un nouveau départ avec la Covid-19.

Auteur

  • Mireille Weinberg