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Dialogue social en entreprise : la fin de l’union sacrée ?

Rendez-vous experts | publié le : 01.11.2020 | Nawal Mrani Alaoui, Olivier Guivarch

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Dialogue social en entreprise : la fin de l’union sacrée ?

Crédit photo Nawal Mrani Alaoui, Olivier Guivarch

La crise sanitaire constitue le premier crash-test des nouvelles IRP issues des ordonnances Macron de septembre 2017. En effet, depuis le 1er janvier 2020, toutes les entreprises d’au moins onze salariés se sont dotées du nouveau CSE (en remplacement des DP, du CE et du CHSCT, ou le cas échéant la DUP ou l’instance unique). C’est dans ce nouveau contexte que les représentants des salariés et la direction des entreprises traversent cette crise. Les premiers constats sont assez ambivalents…

Dans un premier temps, Une forme d’union sacrée pour un dialogue social « utilitaire »…

Durant les premières semaines du confinement, l’onde de choc était si importante que chacun a dû revoir ses modes de fonctionnement. Si certaines entreprises ont cherché à contourner leurs représentants, une grande majorité a heureusement préféré trouver des solutions ensemble, compte tenu d’un intérêt commun : la protection des salariés, et donc de l’activité. Le dialogue social a constitué un levier clé pour faire face à la crise et pour réguler les tensions engendrées.

Ainsi, rapidement, les CSSCT ont travaillé main dans la main avec les directions afin de monter les dispositifs de prévention et d’alerte pour les salariés qui seraient exposés au virus. Les réflexions ont été tout aussi pragmatiques autour de l’adaptation du télétravail, sur la prise de congés et de RTT, ou encore sur la mise en place de l’activité partielle. Enfin, la mobilisation des acteurs de l’entreprise a également été réussie pour accompagner le déconfinement et la reprise de l’activité. Mais cette entente n’aura été que temporaire.

… qui résiste mal à la durée

Une crise révèle et accélère les processus déjà à l’œuvre. Ainsi, la dégradation du dialogue social s’est accélérée dans les entreprises où les directions avaient refusé d’installer des représentants de proximité, de maintenir le même nombre d’élus et d’accorder des moyens afin qu’ils exercent correctement leur mandat. Pour ne rien arranger, de nombreux représentants au début de la crise n’étaient pas encore formés depuis les élections qui se sont concentrées en 2019. Le choix du Gouvernement de proroger des règles dérogatoires qui limitent l’action des représentants du personnel conforte l’idéologie selon laquelle les employeurs seraient entravés par les IRP et par le droit collectif. Or, la reconnaissance des travailleurs passe pourtant par le respect de leur droit à agir collectivement. Cette crise a aussi révélé le caractère essentiel du travail dans notre société, qui, en en étant privée, se serait effondrée, et la nécessité de l’adapter au plus près du réel pour éviter de sacrifier la santé sur l’autel de l’économie. Il est de la responsabilité de l’employeur d’organiser le travail, certes, mais comment rassurer, mettre en place de nouvelles procédures, réduire le risque, maintenir la qualité de la production et du service, satisfaire les clients sans y associer les salariés ? La performance de l’entreprise et le bien-être au travail sont liés à la qualité du dialogue social qui n’existe pas sans intermédiation et démocratie représentative, grâce auxquelles il est possible de construire des compromis dans l’entreprise autour de solutions appropriées.

Puisque tout est à repenser dans la plupart des entreprises, en pleine transformation des circuits de fabrication, de distribution et de consommation, sous contrainte sanitaire, il est à espérer que le dialogue social sera la voie choisie, lui qui a la vertu de produire du juste et du commun, d’apaiser les tensions, de réduire les inégalités dans une société en guerre contre un virus. Plutôt que d’une union sacrée, les entreprises ont besoin d’unité : ce sentiment partagé par les différentes parties prenantes de coopérer pour un intérêt commun et de tenir ses responsabilités.

Auteur

  • Nawal Mrani Alaoui, Olivier Guivarch