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“L’entrepreneuriat est la plus belle des aventures professionnelles”

Actu | Entretien | publié le : 01.11.2020 | Benjamin d’Alguerre

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“L’entrepreneuriat est la plus belle des aventures professionnelles”

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Président du réseau associatif de financement et d’accompagnement des créateurs et repreneurs d’entreprise, l’ancien patron de la SNCF décrit les effets violents de la crise de la Covid-19 sur les TPE.

En quoi consiste l’activité d’Initiative France, dont vous êtes président depuis juillet 2020 ?

Guillaume Pepy : Il s’agit du premier réseau français de financement et d’accompagnement de créateurs et de repreneurs d’entreprise. Depuis sa création, il y a trente-cinq ans, sa vocation est d’aider tout porteur d’idée ou de projet à créer facilement, solidement et dans la durée, sa propre entreprise. Nos équipes, composées de près de mille salariés et de 20 000 bénévoles au sein de 214 associations sur tout le territoire, aident les candidats à monter leur dossier pour le présenter ensuite à un comité d’agrément composé de dirigeants et de cadres d’entreprises locales. En 2019, nous avons soutenu plus de 18 000 entreprises, permis de créer ou de maintenir 50 000 emplois et d’investir 1,8 milliard d’euros dans l’économie des territoires (208 millions de prêts d’honneurs et 1,6 milliard de prêts bancaires associés). Initiative France confirme en outre son rôle d’acteur incontournable dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). Plus de 3 600 projets y ont été financés et accompagnés en 2019, soit 9,3 % de plus qu’il y a un an.

Votre modèle de soutien repose notamment sur le prêt d’honneur…

G. P. : Chaque nouvel entrepreneur reçoit en effet un prêt d’honneur sans demande de garantie, dont le montant moyen est de 10 000 euros, grâce auquel il peut obtenir de la part des banques un crédit classique, généralement compris entre 80 000 et 100 000 euros. Il y a donc un effet levier considérable du prêt d’honneur sur le prêt bancaire : 8,2 en 2019 (contre 7,8 en 2018). Cette mécanique s’explique par la confiance que le réseau a su instaurer au fil des années auprès des acteurs financiers. Confiance qui repose elle-même sur la viabilité des projets soutenus, avec un taux de pérennité des entreprises à cinq ans de 92 %. Quant au taux de remboursement des prêts d’honneur, il dépasse les 95 %, ce qui permet de réinjecter les fonds dans le soutien d’autres projets et alimente la dynamique de confiance.

L’effet levier auprès des banques profite-t-il aussi aux catégories généralement tenues à l’écart des circuits du soutien à l’entrepreneuriat ?

G. P. : En 2019, Initiative France a soutenu 11 800 chômeurs, dont 3 638 l’étaient depuis plus d’un an. Depuis 2015, le nombre de femmes financées et accompagnées a augmenté de 23,5 %. En 2019, 41 % des projets soutenus étaient portés par des femmes, un chiffre nettement supérieur à la moyenne nationale globale. Il y a également les seniors (5 550 personnes) et les moins de trente ans (5 180 personnes), qui représentent respectivement un quart des bénéficiaires de l’action du réseau.

Comment vos entrepreneurs ont-ils traversé la crise de la Covid-19 ?

G. P. : Le choc a été rude. Une enquête menée auprès des TPE accompagnées montre que 57 % d’entre elles ont dû suspendre leur activité au pic de la crise. Ce taux s’explique par la sur-représentation parmi ces entreprises d’activités en lien direct avec le public, qui ont subi de plein fouet l’effet du confinement. Au mois d’avril, 83,4 % des entreprises ont enregistré une baisse importante de leur chiffre d’affaires, et 55 % d’entre elles n’ont fait aucune recette. De ce fait, 59 % des chefs d’entreprise n’ont pas pu se verser de salaire. Enfin, 66 % des entrepreneurs ont estimé que le niveau de leur trésorerie était préoccupant. Pour autant, 60 % d’entre eux affichent leur optimisme quant à l’avenir de leur entreprise. En ce qui nous concerne, l’enseignement majeur de cette crise, c’est qu’en période de fortes turbulences, l’accompagnement individualisé des entrepreneurs prévaut sur les questions strictement financières. C’est pourquoi nous envisageons de mettre très vite en œuvre un accompagnement à vie des entreprises.

Pensez-vous que la fragilité des TPE face à la crise soit susceptible d’inciter les partenaires financiers à revoir les conditions de leurs aides ?

D. L. : Franchement, non. C’est même le contraire qui s’est produit. Je dois tirer mon chapeau à nos partenaires financiers, la BPI, les intercommunalités, les agglomérations et les Régions, qui ont toutes fait preuve d’un réflexe immédiat de solidarité pour soutenir la trésorerie des entreprises, pour rééchelonner les prêts et pour mobiliser des fonds d’urgence. Nous avons vu fleurir à l’échelon régional de nombreuses initiatives en faveur de l’entreprenariat, sous forme notamment de fonds d’urgence. Nous pouvons vraiment parler d’une solidarité parallèle et complémentaire au fonds de solidarité et aux PGE consentis par l’État. La seule difficulté réside finalement peut-être dans la lisibilité de l’offre et dans l’articulation des aides en place. Ensuite, la vraie question à venir est celle de la sortie de ces dispositifs.

L’entrepreneuriat en France est-il, selon vous, en train d’évoluer ?

D. L. : Aujourd’hui, a fortiori sous les effets de cette crise aussi violente qu’inattendue, l’entrepreneuriat est en train de se réinventer. En l’espace de quelques mois, nous avons vu s’opérer une véritable réorientation de l’économie. Le tissu des entreprises va de plus en plus se partager entre, d’un côté, de grands groupes issus de la globalisation, et de l’autre, une multiplicité d’initiatives entrepreneuriales motivées par la défense des valeurs devenues clés que sont la revitalisation des territoires, le respect des équilibres environnementaux et l’inclusion sociale.

Le développement de ces micro-structures n’est-il pas susceptible de remettre en cause le modèle de l’entreprise ?

D. L. : D’abord, tout le monde ne peut pas être entrepreneur. Ensuite, parmi les porteurs de projets que nous soutenons, les auto-entrepreneurs sont très minoritaires. Nous privilégions les dossiers sous statut de société, justement pour encourager un effet levier sur l’emploi. Les entreprises accompagnées par le réseau créent plus d’emplois salariés que la moyenne nationale des entreprises en création.

La crise a-t-elle eu un effet sur le profil des candidats au prêt d’honneur ?

D. L. : Pendant le confinement, les créations ont été gelées. De juillet à octobre, les candidatures sont arrivées en masse, dépassant le nombre de dossiers présentés à la même période l’an dernier. Surtout, nous avons vu émerger de nouveaux profils, pour l’essentiel de jeunes diplômés, qui, conscients de la chute drastique des offres d’emploi, des stages et des emplois en alternance, décident de créer leur entreprise pour créer leur propre emploi.

Votre offre n’est-elle pas sous-mobilisée ?

D. L. : Localement, le réseau est bien identifié et connu. Sur le plan national, sa notoriété est effectivement très faible. Nous venons de lancer un nouveau site Internet et sommes en train de travailler sur une mise en réseau plus systématique de nos associations, pour partager informations et bonnes pratiques. Par ailleurs, le plan de relance mis en place par l’État, qui comporte un important volet entrepreneuriat, va nous aider. Nous entrons incontestablement dans un horizon porteur.

Pourquoi avoir accepté de succéder à Louis Schweitzer ? Et que pensez-vous pouvoir apporter à France Initiative ?

D. L. : Quand Louis Schweitzer m’a proposé de me passer le relais, j’ai immédiatement accepté. Après douze ans passés à la présidence de la SNCF, je voulais vivre une nouvelle aventure professionnelle, tournée vers la création d’entreprise. Initiative France représente pour moi une aventure collective. J’y retrouve d’ailleurs les émotions que j’ai pu connaître sur le terrain lorsque j’étais à la SNCF.

Votre mandat est un mandat bénévole. Quelles sont vos autres activités ?

Entre autres, des missions d’administrateur chez Lagardère et Gaussin Advanced Mobility Electric (sous statut SASU), qui intervient principalement auprès de deux clients, Salesforce et le fonds d’investissement Canadian Pension Plan.

Guillaume Pepy, président d’Initiative France

Guillaume Pepy, 62 ans, se définit comme un manager d’entreprise. Cet énarque a commencé son parcours professionnel dans la Haute fonction publique et les cabinets ministériels (de 1991 à 1993, il a été directeur de cabinet de Martine Aubry, alors ministre du Travail). Mais c’est à la SNCF, où il entre une première fois en 1988, qu’il fait l’essentiel de sa carrière. Il y gravit de nombreux échelons avant d’être nommé directeur général exécutif (en 2003), puis président directeur général (de 2008 à 2019). En 2018, il annonce ne pas souhaiter solliciter un troisième mandat à la tête du groupe. Le 2 juillet 2020, il est nommé Président d’Initiative France.

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  • Benjamin d’Alguerre