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Idées

Comment lutter contre l’ubérisation ?

Idées | Livres | publié le : 01.10.2020 | Lydie Colders

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Comment lutter contre l’ubérisation ?

Crédit photo Lydie Colders

Dans cet essai, les auteurs, dont Franck Bonot, ancien de l’Unsa et fondateur du syndicat de chauffeurs SCP-VTC, livrent leurs propositions pour protéger a minima les travailleurs des plateformes et pour créer un dialogue social « par secteur d’activité », sans passer par le salariat. Un exercice d’équilibriste où ils invitent les politiques à soutenir des modèles plus responsables.

La crise de la Covid-19 a montré à quel point les chauffeurs et les livreurs d’Uber ou de Deliveroo étaient dans une situation ultra-précaire, sans droits au chômage et exposés aux risques sanitaires. Comment mieux les protéger ? Ce bref essai, coordonné par le philosophe Florian Forestier et cosigné par trois acteurs de réseaux sur l’économie et le dialogue social des plateformes (Franck Bonot, ancien de l’Unsa SCP UTC, animateur du réseau Sharers & Workers, Odile Chagny, économiste, et Mathias Dufour, président du think tank « Le plus important ») prend du recul. Les auteurs entendent « concilier avancée sociale » avec « le potentiel économique » des plateformes. S’ils estiment urgent d’en finir « avec le dumping social » d’Uber et la précarité des VTC, ils parient sur l’avenir : « Bien orientées par les pouvoirs publics », d’autres modèles pourraient créer « de la valeur sociale », des services de proximité pour les collectivités, voire dans l’insertion. Ils dressent donc des pistes d’une protection de base qui se veut « évolutive » pour ces travailleurs.

Un statut intermédiaire

Sur la question du statut des VTC, leur opinion est assez ambiguë, parfois contradictoire. Bien qu’ils reconnaissent que les postes proposés par Uber ou par Deliveroo sont devenus un emploi principal pour des gens peu qualifiés, et que les batailles de requalification se multiplient en France ou à Los Angeles, « le salariat ne résoudra pas tous les problèmes » affirment-ils. Car tous les chauffeurs et les livreurs « ne le souhaitent pas », et le lien de subordination reste difficile à établir. Reprenant les travaux du Cese ou de la Commission européenne, les auteurs suggèrent l’idée d’un « tiers statut », inspiré de celui des « workers » au Royaume-Uni. S’ils reconnaissent les risques « de cette zone grise » entre salariat et indépendant, ce statut s’appliquant aux travailleurs s’intégrant à l’organisation d’autrui serait un compromis « pragmatique et temporaire » en attendant que le Code du travail évolue. Un moyen « de donner aux travailleurs des plateformes la capacité de négocier leurs conditions de travail ».

Dans cet esprit, les auteurs revendiquent « un socle de droits minimum », listé à grands traits : droit de représentation et de négociation collective, et salaire minimum fixé « par secteur d’activité ». Mais aussi obligation pour la plateforme d’assurer la sécurité des travailleurs, d’instaurer la portabilité des données ou de les informer sur le fonctionnement des algorithmes. « Il va falloir imaginer une nouvelle forme de dialogue social » adapté aux travailleurs indépendants, admettent-ils. Mais quid du chômage, des droits à la retraite ou à l’assurance-maladie dans cette esquisse ? Les auteurs éludent curieusement cette question pourtant centrale.

Désubériser, reprendre le contrôle.

Florian Forestier, Franck Bonot, Odile Chagny et Mathias Dufour, éditions du faubourg, 128 pages, 12,90 euros.

Auteur

  • Lydie Colders