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Les équipementiers auto misent sur la formation

Dossier | publié le : 01.09.2020 | Mireille Broussous

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Les équipementiers auto misent sur la formation

Crédit photo Mireille Broussous

Particulièrement impactés par la crise, les équipementiers automobiles n’entendent pas rester les bras croisés. Alors que les stratégies de reconquête se précisent, la mobilisation de l’outil formation est elle aussi au rendez-vous.

Chez Continental, pas question de céder à la morosité… Dans cette multinationale, l’heure est à la mobilisation générale. Tout comme dans les PME Saint Jean Industries ou BeLink Solutions. Chacune a ses propres défis et répond avec des solutions spécifiques. Retours d’expérience.

Continental : agilité et souplesse au programme

Depuis presque deux ans, l’équipementier automobile Continental s’est engagé dans une démarche d’entreprise apprenante qui devrait s’accélérer pour répondre aux nouveaux enjeux du secteur. « La crise est intervenue alors que nous étions à mi-chemin dans la mise en place d’une nouvelle stratégie en matière de formation décidée début 2019, souligne Nadège Roques, la DRH France. La période que nous vivons devrait accélérer notre changement d’approche : alors que les compétences évoluent en permanence, nous devons répondre aux besoins et aux attentes des collaborateurs le plus rapidement possible. » Si pour des raisons légales, il n’est pas question de jeter aux orties le plan de développement des compétences élaboré chaque année par l’équipementier automobile, la possibilité d’introduire plus de souplesse et de réactivité en parallèle est au cœur du projet LOF (Learning of the Future), bâti autour du triptyque « apprendre-partager-se développer ».

Concrètement, l’équipementier automobile met à la disposition des équipes des ressources accessibles à la demande et sous forme de MOOCs, webinars et autres conférences TED sur des sujets correspondant à des attentes du terrain sur des thématiques managériales (management du changement) et techniques (électrification, véhicules connectés…). Des « curiosités digitales » sont déjà disponibles et rangées en fonction des sujets mais aussi de la durée dont disposent les salariés pour se former. « Avec l’objectif de permettre aussi à tous d’alimenter eux-mêmes la liste de ces ressources », poursuit la DRH. Dans cette optique, des communautés de métiers sont en cours de création. Sur certains sites, comme à Toulouse, les salariés sont également invités à participer à des échanges de bonnes pratiques dans un espace dédié. Chaque semaine, des thèmes différents sont abordés.

« Nous en sommes aux balbutiements », rappelle Nadège Roques, qui espère bien appuyer sur l’accélérateur au cours des prochains mois, grâce notamment à un accompagnement renforcé des collaborateurs. Objectif : les inciter à s’inscrire dans ces démarches qui pourraient, outre celui consacré à la formation, comporter un volet « transmission », les salariés étant encouragés à partager leurs nouveaux savoirs avec leurs collègues. « Si cela ne pose aucun problème pour certains, d’autres ont besoin d’être guidés dans le choix des thématiques », ajoute la responsable, en train de travailler sur la manière d’associer ce dispositif avec des formations plus classiques.

Saint Jean Industries : l’union fait la force

Depuis le début du confinement, la baisse d’activité de Saint Jean Industries, spécialisé dans la fabrication de pièces de sécurité pour l’automobile, a atteint 35 %. Pourtant, loin de broyer du noir, ce groupe, situé près de Lyon qui emploie 2 200 personnes (dont 650 en France), prépare déjà la reprise. Son objectif ? Profiter du ralentissement pour développer la polyvalence de ses salariés mais aussi former dans son centre interne des demandeurs d’emploi afin de répondre à ses propres besoins et à ceux d’entreprises partenaires sur des métiers en tension, grâce à la complicité de Claude Patruno, fondateur de Prodefi, une structure qui épaule les entreprises dans le développement de leur formation en interne. « Recruter des opérateurs d’usinage sur machine à commande numérique ou des fraiseurs est très difficile, car il n’existe pas de formations vraiment adaptées à nos métiers dans la région. Nous mettons quatre à cinq mois pour trouver un fraiseur dont la formation doit ensuite être complétée en interne », explique Olivier Betou, directeur des ressources humaines du groupe. En raison de la baisse actuelle d’activité, l’outil industriel et les salariés formateurs sont plus disponibles que d’habitude.

La formation devrait commencer avant la fin de l’année. « Des personnes en reconversion de 55 ans qui doivent encore travailler sept ans nous intéressent tout autant que des jeunes, car a priori elles resteront fidèles à l’entreprise jusqu’à leur départ à la retraite », souligne Olivier Betou. Les candidats seront sélectionnés sur leur personnalité, sur leur goût pour le travail en équipe et sur leur motivation. « Il faut qu’ils aient envie de travailler dans l’industrie. Le secteur est malheureusement méconnu et pâtit d’une image vieillotte alors que nous utilisons des technologies de haute précision et des machines numériques extrêmement performantes », poursuit le DRH.

Réalisée dans le cadre d’une préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI), cette formation sera financée par Pôle emploi. « L’OPCO Akto, intéressé par cette initiative, y sera sans doute associé », précise Claude Patruno. D’ici là, il y a fort à faire : affiner le programme de formation composé de 20 % d’apports théoriques et de 80 % de formation sur poste de travail et, bien sûr, recruter les futurs stagiaires avec le soutien de Pôle emploi et le réseau des entreprises locales intéressées par le projet.

Depuis sa conception, cette initiative a fait école. Elle a inspiré l’entreprise grenobloise Gorgy Timing, conceptrice de systèmes de synchronisation horaire, une PME de 60 personnes. Contrairement à Saint Jean Industries, Gorgy Timing ne possède pas de centre de formation interne. Prodefi portera donc pour elle la formation d’un point de vue administratif et pédagogique. Les formateurs internes devront notamment être préparés à l’action de formation en situation de travail (Afest). Les entreprises deviennent ainsi des centres de formation éphémères ouverts sur l’extérieur. Elles sont d’ailleurs rémunérées pour la mise à disposition des formateurs et des équipements de travail. « Préparer la reprise est essentiel. Il n’y aura pas de génération spontanée de main-d’œuvre compétente. Il faut donc que les entreprises restent actives malgré la crise », conclut Claude Patruno.

Belink Solutions : cap sur la diversification

Spécialisée dans l’électronique pour l’habitacle des voitures, BeLink Solutions, installée à La Ferté-Bernard, a pris le taureau par les cornes : « Impactés par la crise de l’automobile, nous avons décidé de renforcer les compétences de nos salariés et d’accélérer notre diversification », indique Alain Daniel, le DRH. Spécialisée dans les équipements électroniques, cette ancienne entité du groupe Visteon de 200 salariés, qui réalise un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros, a en effet engagé un virage en se positionnant sur le secteur de la domotique et de l’industrie en général.

Cette orientation prise avant la crise nécessite notamment de développer de nouveaux programmes de formation pour les services de recherche-développement. « Auparavant, cette activité était réalisée par notre société mère. Nous avons choisi de faire évoluer des salariés en interne sur des domaines très pointus comme la radiofréquence pour répondre à la demande de nos clients, poursuit le DRH. Nous avons aussi revu la formation de nos commerciaux sur la manière d’aborder ces nouveaux marchés et formé un chef de projet pour développer des machines spécialisées. »

Pour accompagner cette stratégie, l’entreprise a utilisé le FNE-Formation accompagnée par son OPCO. Mais aujourd’hui, le dispositif montre ses limites, selon le responsable : « Le plafond de 1 250 euros ne nous permet pas de financer des formations très techniques d’un montant de 2000 euros dont nous avons pourtant besoin », regrette Alain Daniel qui espère trouver un accord avec les salariés pour pouvoir mobiliser leur CPF dans le cadre de projets coconstruits avec l’entreprise.

Auteur

  • Mireille Broussous