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Édito

TGV ou masques, faut-il choisir ?

Édito | publié le : 01.06.2020 | Jean-Paul Coulange

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TGV ou masques, faut-il choisir ?

Crédit photo Jean-Paul Coulange

GV à l’arrêt, avions Airbus cloués au sol, restaurants gastronomiques fermés, grands magasins parisiens aux portes closes… les fleurons du made in France ont été les grandes victimes de la crise sans précédent que nous connaissons depuis fin mars. Et ce sont de banals objets, fabriqués hors des frontières, en grande partie sur le continent asiatique, comme les masques, les gants et les gels hydroalcooliques, qui se sont avérés les biens les plus précieux depuis l’arrivée du Covid-19. De la même façon que les hiérarchies sociales ont été brutalement renversées, comme l’expliquait le sociologue François Dupuy dans nos colonnes le mois dernier, projetant sur le devant de la scène les employés du nettoyage, de la grande distribution ou du secteur des déchets, les lois de l’économie ont été sérieusement malmenées, au point de faire de ces produits sans valeur ajoutée les biens les plus recherchés.

Que les plus grands pays industrialisés se livrent une bataille sans merci pour acquérir à prix d’or ce genre d’articles et organisent des ponts aériens pour les acheminer en Europe ou aux États-Unis ainsi que des convois protégés par la force armée afin qu’ils arrivent à bon port est tout bonnement fascinant. Et que les sites de production haut de gamme de grandes marques du luxe se reconvertissent en ateliers de fabrication de masques ou de gel a quelque chose de sidérant.

Bien entendu, les chantres du souverainisme économique n’ont pas tardé à instruire le procès de la mondialisation et à entonner le refrain bien connu de la nécessaire réindustrialisation de la France. Que l’on rouvre dare-dare les usines textiles condamnées par la globalisation, tel est leur leitmotiv. Pas si simple, nous explique Laurence Estival dans son enquête sur les relocalisations (p. 20). D’ailleurs, nos concitoyens sont-ils prêts à payer plus cher des articles fabriqués dans l’Hexagone – en raison des niveaux de salaires et de protection sociale qui y sont pratiqués – que ceux importés d’Asie et disponibles à foison dans les bazars et farfouilles de périphérie ?

La schizophrénie du salarié-consommateur n’est plus à démontrer : en tant que salarié, il veut légitimement gagner toujours plus et conquérir de nouveaux droits sociaux, mais en tant que consommateur il entend acheter le moins cher possible et à toute heure du jour et de la nuit. Il n’est pas inutile de dire ici que les grands gagnants du mouvement des « gilets jaunes », du front contre la réforme des retraites et de la crise sanitaire actuelle sont les mêmes, à savoir les géants du e-commerce, où les règles sociales ne sont pas les plus généreuses. De l’éthique dans l’étiquette est un luxe qui se paie au prix fort.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange