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Bien respecter les contraintes

Décodages | Travail | publié le : 01.06.2020 |

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Bien respecter les contraintes

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Assoupli par les ordonnances de 2017, le dispositif de prêt de salariés répond néanmoins à des règles strictes. En cas de manquement, les risques ne sont pas négligeables, rappellent Sabrina Kemel, avocat Counsel, et Guillaume Turpin, avocat, du cabinet FTMS.

Le prêt de salariés existait bien avant la crise sanitaire actuelle. Que dit la loi ?

C’est la loi Cherpion du 28 juillet 2011 qui a défini les contours de la mise à disposition des salariés et complété le Code du travail. Cette opération consiste pour une entreprise à prêter un salarié pour une durée déterminée à une autre entreprise confrontée à un besoin ponctuel de main-d’œuvre. Pendant la période du prêt, le contrat qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Cette opération est autorisée uniquement si elle a un but non lucratif, c’est-à-dire que l’entreprise prêteuse facture au franc le franc l’entreprise utilisatrice. Il ne faut pas qu’il y ait une économie des coûts engendrés par l’emploi des salariés. Le prêt de main-d’œuvre nécessite l’accord du salarié, une convention de mise à disposition entre les deux sociétés et un avenant au contrat de travail du collaborateur. Les représentants du personnel des deux sociétés doivent être consultés.

Le prêt pendant la crise a été encouragé par le Gouvernement pour pallier l’absence de main-d’œuvre dans des entreprises qui continuaient de tourner.

Le dispositif est un moyen de trouver de la flexibilité et d’alléger provisoirement sa masse salariale.

Qu’ont changé les ordonnances de 2017 ?

C’est une somme équivalente à celles versées au salarié, aux charges sociales et aux frais professionnels remboursés à ce dernier que devait facturer l’entreprise prêteuse à l’entreprise utilisatrice. Il n’était pas possible de sous-évaluer ces éléments. Le prêt de main-d’œuvre était donc peu attractif pour les start-up, les TPE ou les PME.

Les ordonnances Macron ont donc adapté la règle : le prêt de main-d’œuvre est autorisé même « lorsque le montant facturé par l’entreprise prêteuse est inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales et aux frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de sa mise à disposition ou est égal à zéro » (article L. 8241-3 du Code du travail). L’opération est limitée à deux ans et doit avoir pour objectif d’améliorer la qualification de la main-d’œuvre de l’entreprise utilisatrice, de favoriser les transitions professionnelles ou de constituer un partenariat d’affaires.

Toutes les entreprises sont-elles éligibles à ce dispositif ?

L’assouplissement permis par les ordonnances Macron n’est possible que pour les entreprises prêteuses qui ont au moins 5 000 salariés ou qui appartiennent à un groupe d’au moins 5 000 salariés. Par ailleurs, ne peuvent être entreprises utilisatrices que les jeunes structures ayant moins de 8 ans d’existence au moment de la mise à disposition, ainsi que les petites et moyennes entreprises de 250 salariés au maximum. C’est l’effectif au dernier jour de l’année précédente qui doit être pris en compte. Cette possibilité ne bénéficie pas aux mises à disposition effectuées au sein d’un groupe.

Pourquoi certaines entreprises ont-elles décidé de s’en passer, préférant embaucher en CDD ?

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce choix. Il peut d’abord, et tout simplement, s’agir d’un manque de salariés volontaires. Ensuite, les risques attachés à cette pratique ne sont pas négligeables. En effet, l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice s’exposent à un contentieux civil – il s’agit principalement du risque de co-emploi – mais aussi à un contentieux pénal en cas de délit de prêt de main-d’œuvre illicite ou de marchandage. Concrètement, ces risques peuvent être évités : du côté de l’entreprise utilisatrice, toute directive, tout contrôle, voire toute sanction des salariés « prêtés » pouvant être assimilés à un lien de subordination – et donc à un contrat de travail – sont à proscrire. S’agissant du risque pénal, il est caractérisé par la mise en œuvre d’une opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre ou ayant été conclue au préjudice du salarié, notamment lorsqu’elle a eu pour effet d’éluder l’application de dispositions légales ou conventionnelles.