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Idées

Le retour du Care

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.05.2020 | Gilles Gateau

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Le retour du Care

Crédit photo Gilles Gateau

Quelle bonne nouvelle : nos vies valent plus que le PIB !

Qui aurait pu imaginer ce que nous vivons ? Pas tant le surgissement d’une pandémie mondiale – Bill Gates, dans un TED visionnaire de 2015 avait, comme d’autres, pointé ce risque – que la réaction des autorités. Les Gouvernements, démocratiques ou non, de droite, de gauche ou d’ailleurs, du Nord ou du Sud, n’ont pas hésité plus que quelques jours avant de mettre à l’arrêt leur pays et leur économie pour réduire les pertes humaines promises par la maladie !

Qui l’eut cru ? Sans remonter au Moyen Âge, les grippes espagnole ou de Hong Kong du siècle dernier n’avaient pas tant ému. La vie humaine – du moins dans les pays dits « développés » – a pris de la valeur, et c’est heureux. Mais ce recul du fatalisme face au tragique de la condition humaine finit par nous faire croire que nous dominons la nature et notre destin. Une croyance mise à mal par ce minuscule et redoutable virus. Un progrès qui a sa face sombre : obsession pour la croissance et pour la rentabilité, hyperconsommation, dérèglement du climat, épuisement des ressources naturelles, inégalités et tensions géopolitiques. Et voilà que cette course folle qui semblait irrépressible… suspend son vol. Montrant « une sensibilité inédite dans l’histoire de la souffrance humaine et un sens aigu de la protection des populations, au regard duquel les considérations économiques se sont effacées »1.

Plus rien ne sera comme avant ?

Tribunes et discours le proclament, c’est promis : cette crise inédite va tout changer, remettre en haut de nos priorités collectives la solidarité, l’attention aux autres, la hiérarchie des vraies valeurs, le rôle précieux de l’État… Pour chacun de nous le confinement est aussi prise de conscience : le digital, ça marche mais… on a tellement hâte de se retrouver à nouveau « pour de vrai », sourire sans masque, trinquer au bistrot ! Surtout ne pas reprendre la course folle d’un matérialisme obèse qui ruine notre planète…

On aimerait le croire, mais un petit air de « déjà-vu » doit nous alerter : le jour d’après les « gilets jaunes » devait changer la donne des inégalités ; l’élan formidable de fraternité qui a suivi les attentats de « Charlie » et de l’Hyper Cacher refonder notre pacte républicain ; la COP 21 inverser la trajectoire écologique du monde ; la crise des subprimes nous ouvrir les yeux sur les dérives de la finance… Seulement voilà : il n’est pas si facile de se réinventer ! Passé le choc, les forces du retour à l’ordre ancien sont puissantes.

Soyons optimistes !

Edgar Morin – le confinement a ceci de bon qu’il nous redonne le temps de lire ! – a bien décrit la chose dans un essai sur les crises, paru fort à propos début mars2. Il y met en lumière les deux processus contradictoires à l’œuvre : le premier stimule l’imagination et la créativité dans la recherche de solutions nouvelles ; le second est recherche du retour à une stabilité passée, adhésion à un salut providentiel et immolation d’un « coupable-bouc émissaire ». On voit à quoi peut ressembler la première voie : une société du Care, du « prendre soin » et de la sollicitude ; la promotion des « invisibles », si peu considérés et reconnus, et qui ont tout tenu pendant ces jours sombres3 ; les circuits courts pour la production des biens essentiels ; le réinvestissement dans la recherche, la santé, l’éducation ; la reprise d’une croissance oui, mais plus verte. Et dans l’urgence bien sûr, soutenir les acteurs économiques fragilisés.

Que de défis ! Ces semaines de confinement sur nous-mêmes, de sevrage du superflu mais de manque de la vraie vie sociale, d’outils numériques salvateurs mais dont on a senti les limites, nous donneront l’énergie et l’envie de les relever !

(1) Laurent Joffrin, « Libération », 15 avril 2020.

(2) « Sur la crise », Flammarion.

(3) On dit « ceux », mais ce sont souvent « celles ».

Auteur

  • Gilles Gateau