Une fois encore, votre exemplaire de « Liaison sociales magazine » rompt avec l’ordinaire. Ce n’est pas un, mais deux numéros que vous avez entre les mains. Celui d’avril, que nous n’avions pu imprimer, et celui de mai. Votre mensuel aborde ce mois-ci des thématiques de circonstance : les grandes manœuvres qui ont commencé dans les entreprises pour surmonter la crise ; la dynamique qui a gagné le dialogue social sur le terrain ; le coup de frein brutal des recrutements ; la digitalisation à marche forcée du secteur de la formation continue… Sans oublier l’analyse du sociologue François Dupuy sur les nouvelles conditions de travail imposées par la crise du Covid-19 ou le regard d’un spécialiste du social et des ressources humaines, Gilles Gateau, dont vous pourrez comparer les Blocs-Notes, rédigés à un mois d’intervalle.

Avant, après, c’est l’espace-temps qui nous est imposé pour mesurer le basculement opéré sous nos yeux ébahis. Notre enquête sur les syndicats publiée en avril aurait dû trouver un écho dans les défilés du 1^er mai, qui n’auront été que virtuels. Les réformes qui ont mobilisé largement dans le pays sont repoussées aux calendes. L’urgence économique et sociale a balayé tous les agendas, tous les rendez-vous, tous les projets et programmes établis.

La Sécurité sociale, notre plus précieux bien commun, creuse à grande vitesse son déficit alors que l’exécutif se réjouissait il y a peu que ses comptes reviennent à l’équilibre ; le régime d’assurance-chômage s’endette à tout-va pour supporter la charge des chômeurs et d’une partie de celle des salariés en activité partielle, alors qu’il avait été sommé de trouver un bon milliard d’euros d’économies par an ; les restructurations hospitalières sont remisées au placard, le déficit public explose, les pénuries de main-d’œuvre appartiennent au passé, les plans sociaux se profilent à l’horizon…

Le pays tangue, la nation s’inquiète et s’interroge, mais le modèle social tient bon. Tellement bon que l’on invoque aujourd’hui l’esprit du Conseil national de la résistance et que l’on cite en exemple les fondateurs de nos systèmes sociaux, comme pour se retrouver autour de nos valeurs. Oui, il faudra innover pour reconstruire, se remettre chacun en question, se réinventer à tous les niveaux, de l’État à l’entreprise, comme l’explique l’enquête de Muriel Jaouën et Gilmar Sequeira Martins, mais sans rien renier de ces piliers qui n’ont pas vacillé dans la tempête.