Telles cette fichue pluie qui a arrosé notre hiver, les crises s’enchaînent sans répit ! Encore marqués par l’épisode « gilets jaunes », à peine sortis du conflit social sur les retraites, interpellé.e.s par la libération de la parole des femmes sur les violences dont elles sont victimes (y compris le sexisme ordinaire, trop bien toléré…), alertés par les jeunes sur notre inquiétant futur climatique, nous voici maintenant menacés de confinement et contraints à renoncer aux matches, aux concerts, et même aux bises ! Sans parler des millions de réfugiés syriens ballottés et du populisme galopant…

À l’heure d’écrire ces lignes la France est encore en alerte niveau 2, mais ce n’est que le début… Les impacts sur la croissance mondiale du Covid-19 s’annoncent massifs, et le virus soumet chaque entreprise à une question vitale : protéger ses équipes en minimisant contacts et déplacements ou maintenir l’activité pour ne pas amplifier exagérément le choc économique. La santé ou la croissance. La première approche s’impose, aux Gouvernements comme aux entreprises, et au fond c’est rassurant sur la hiérarchie de nos valeurs. Encore faut-il espérer que la précaution ne cède pas à la panique irrationnelle : les marchés financiers sont de bien mauvais exemples en ce domaine !

Chacune de ces crises – bien différentes les unes des autres – est une occasion de tester la résilience de nos sociétés, de ses institutions, parmi lesquelles l’entreprise tout autant impactée et concernée que les autres, et pour finir de chacun de nous. Résilience est décidément le mot de l’année ! Chacune de ces crises peut être aussi une opportunité de progrès – pardon de cette banalité qui peuple le discours de tout dirigeant, consultant ou coach… De ce maudit virus, qu’apprendrons-nous ? La continuité des activités essentielles dans nos entreprises ? La banalisation du télétravail (déjà encouragé par la grève des transports) ? Les gestes barrières de bon sens, alors que la grippe saisonnière infecte chaque année plusieurs millions de personnes et en tue des milliers ? La capacité à absorber les chocs ponctuels sans supprimer emplois et compétences ? Les limites de la délocalisation des productions quand la Chine se met à l’arrêt ?

Une lecture passionnante pour tous les managers confinés (et les autres) : le dernier livre (collectif) de Mathieu Detchessahar, « L’entreprise délibérée », ou comment refonder le management par le dialogue1. Il détonne au milieu de la littérature pléthorique sur le management.

L’originalité n’est pas tant dans le constat de départ – les mutations de l’entreprise, l’épuisement de nos modèles d’organisation, le déplacement de l’enjeu de redistribution (le vieil accord fordiste) vers l’enjeu de reconnaissance (un nouvel accord productif à inventer autour de la qualité du travail) – que dans le plaidoyer pour l’utilité du management intermédiaire et de proximité (pourtant cible privilégiée des organisations aplaties en vogue) et pour l’ouverture d’espaces de dialogue sur le travail dans l’entreprise permettant à chacun de faire entendre sa voix…

Ces espaces de dialogue sont souvent recommandés (des lois Auroux au rapport Lachman de 2010, de l’ANI qualité de vie au travail de 2013 aux travaux de l’Anact), beaucoup d’entreprises prennent des initiatives dans ce domaine (y compris en dialoguant de la stratégie de l’entreprise ou de sa « raison d’être »), mais la question de la place et du rôle que doivent y jouer les managers de proximité – loin du « grand patron-gourou » – est rarement questionnée aussi subtilement que dans cet ouvrage.

À lire… et à expérimenter !