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« L’entreprise ne forme que si elle en ressent le besoin »

Erratum | publié le : 01.04.2020 | Ingrid Seyman

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« L’entreprise ne forme que si elle en ressent le besoin »

Crédit photo Ingrid Seyman

À la suite d’un problème technique, nous avons publié dans le numéro 210 de « Liaisons sociales magazine » de mars 2020 une version erronée de l’interview de Florence Lefresne, directrice du Céreq, à laquelle nous présentons nos excuses. Voici le texte exact, dans son intégralité.

La loi « choisir son avenir professionnel » a préféré le terme de « compétences » à celui de « formation », et le plan de formation de l’entreprise a laissé la place au plan de développement des compétences… Quel est le sens profond de ces glissements sémantiques ?

Florence Lefresne : La loi dit que si la formation professionnelle continue est un levier essentiel de l’évolution des compétences, ce n’est plus le seul. Au-delà des formations organisées, les compétences se construisent dans l’exercice du travail lui-même. Reconnue par la loi, la formation en situation de travail (Fest) est ainsi un outil essentiel. À partir de son enquête Défis, le Céreq montre en quoi la qualité du travail, appréhendée à travers l’activité des salariés et le contexte managérial dans lequel elle prend place, permet de développer les compétences de ces derniers. Par ailleurs, la réforme ouvre ce champ à la coconstruction de parcours de formation par le dialogue social. De multiples règles peuvent être décidées par accord d’entreprise ou, à défaut, par accord de branche. C’est le cas des dispositifs d’abondement au CPF ou encore pour la mise en œuvre de l’entretien professionnel.

Les soft skills sont importantes pour maintenir son employabilité mais elles sont peu présentes dans les formations proposées aux personnes les plus fragiles, que ce soit dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences (PIC) ou de Pôle emploi, très axés sur les compétences techniques. N’est-ce pas un paradoxe ?

F. L. : La focale porte en effet beaucoup sur les fameuses compétences sociales et comportementales : adaptabilité, motivation, aptitude à communiquer, capacité à gérer le stress… Mais comment se construisent ces compétences que nombre d’employeurs cherchent à filtrer dans leurs recrutements et qui varient d’ailleurs d’un métier ou d’un secteur à un autre, comme le montrent nos travaux ? C’est bien au fil des parcours professionnels et à travers la diversité de leur contenu que semble se jouer, se construire, se développer et devoir être reconnue la compétence des individus, y compris pour les plus fragiles, au premier rang desquels les non-diplômés. La traduction opérationnelle de cet enjeu majeur de sécurisation des parcours a d’ailleurs été au cœur des grands accords et de la législation encadrant la formation professionnelle au cours des quinze dernières années. Mais quelle place l’entreprise tient-elle aujourd’hui ?

Vous voulez dire qu’elle ne remplit pas sa mission de permettre aux salariés de maintenir leur employabilité ?

F. L. : L’entreprise ne forme en réalité que si elle en ressent le besoin… Par exemple, nous étudions au Cereq l’impact des transitions numériques et écologiques sur les compétences des salariés. Or cet impact n’est pas univoque. Par exemple, la mise en place des réseaux électriques intelligents en phase avec la transition énergétique suppose, pour les entreprises du secteur du transport et de la distribution d’électricité, l’intégration des technologies de l’information et de la communication au système électrique. Cela implique donc une transformation profonde des compétences demandées. Mais dans d’autres secteurs, ce n’est pas le cas. L’impulsion numérique dans la logistique, essentiellement tirée par le e-commerce, aboutit à des besoins en main-d’œuvre faiblement qualifiée.

Réfléchir à la sécurisation des parcours nécessite d’avoir une vision claire des compétences qui seront demain demandées. Les entreprises ont-elles avancé sur ce sujet ?

F. L. : L’enquête Défis que nous avons réalisée montre que 25 % des entreprises seulement s’engagent dans une démarche de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), avec des écarts marqués tenant à leur taille et au secteur d’activité. Pour autant, elles disposent d’outils pour les accompagner. Ainsi, la loi de 2004 a permis aux branches d’instaurer des structures d’observation paritaires, les OPMQ (observatoires paritaires des métiers et des qualifications), chargés d’anticiper dans leur champ les besoins en compétences. Par ailleurs, avec l’ensemble des acteurs de l’emploi, nous avons expérimenté avec France Stratégie, des démarches d’élaboration d’une vision prospective partagée des emplois et des compétences dans le domaine du numérique, du traitement des déchets et du sport. Mais sa déclinaison concrète dans les entreprises peine à décoller. Enfin, pour les entreprises de moins de 50 salariés, cette capacité à anticiper leurs besoins en compétences dépendra des nouveaux opérateurs de compétences (OPCO), organisés par regroupements de branches, chargés de les accompagner, ainsi que de la qualité des partenariats territoriaux qu’elles construiront avec les acteurs emploi/formation.

Auteur

  • Ingrid Seyman