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Fidéliser clients… et managers

Dossier | publié le : 01.04.2020 | Judith Chétrit

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Fidéliser clients… et managers

Crédit photo Judith Chétrit

Avec une concurrence aussi rude qui demande une adaptation et une réactivité sans failles, la recherche des meilleurs profils et la fidélisation sont devenues l’enjeu numéro un.

La préoccupation première des cabinets spécialisés dans le management de transition est de faire émerger et développer un vivier de postulants opérationnels et mobiles offrant des parcours suffisamment significatifs et hétérogènes. « Avec l’executive search, il y a l’analogie du réseau et de la confiance avec le client. Mais la gymnastique intellectuelle est différente : on ne peut pas mettre des mois pour répondre à une demande qui est urgente », souligne Laurent Charpentier, practice manager chez Michael Page Interim Management. Le contrat ira souvent à celui qui trouve le plus rapidement le candidat le mieux approprié et, dans l’idéal, déjà référencé. « Une mission se gagne souvent dans les dix jours », estime Philippe Deljurie, partner du cabinet X-PM, spécialisé dans la transformation digitale. Vu qu’il n’existe aucune clause formelle d’exclusivité, il n’est pas rare que plusieurs cabinets sollicitent le même candidat pour la même mission lorsqu’ils ont été démarchés par une entreprise.

Un back office plus efficace

Rien ne garantit donc un volume d’activité aux managers référencés par les cabinets. Et il n’est pas toujours évident de suivre les mouvements des uns et des autres quand il n’y a pas de système automatisé d’actualisation de situation ! « Il y a une barrière à l’entrée pour les structures qui veulent se spécialiser. Beaucoup se sont lancées en pensant que leur réseau suffirait, mais lorsque l’on est sollicité pour trouver quelqu’un de disponible et de qualité, alors que la durée des prestations s’allonge, c’est une autre réalité qui s’impose », estime Patrick Abadie, président du cabinet Delville, qui démarre une douzaine de missions par mois. Côté sourcing des candidats, le back-office des cabinets s’est donc densifié et spécialisé à grand renfort d’automatisation pour écarter les CV qui ne conviennent pas.

Au-delà des plateformes comme LinkedIn, la base de données de l’Apec ou l’envoi direct de candidatures sur leurs interfaces Web, le repérage de primo-accédants ou de managers plus chevronnés repose essentiellement sur le réseau et la connaissance des secteurs et des métiers par des associés et autres consultants. « Nous cherchons aussi auprès d’associations de cadres dirigeants, des cabinets d’outplacement, des réseaux d’alumni des grandes écoles ou des clubs de managers de transition », ajoute Émilie Couvreur, associate business director de Robert Half Management Resources. La majorité des cabinets sont organisés par pôles sectoriels ou de fonctions, une manière de mobiliser plus efficacement un réseau. « Il y a cinq ans, j’ai décidé de recruter des anciens opérationnels devenus consultants au lieu de profils généralistes », indique Karina Sebti, managing director de l’activité management de transition chez Robert Walters. Elle a ainsi récemment étoffé le département RH mais également celui des finances et assurances.

Les meilleurs profils

Mais dénicher le bon profil ne se limite pas à l’appréciation d’une expertise et d’un haut niveau de qualification : tous les professionnels évaluent en priorité la capacité décisionnelle, d’adaptation ainsi que le savoir-être des managers pour jauger leur posture en milieu sensible. « Nous recherchons des personnes qui ont déjà appréhendé des entreprises de taille, d’organisation et de culture différentes, qui ont déjà conduit des projets et des transformations d’envergure et qui ont une vision claire de leur rôle de manager auprès des équipes », explique Perrine Locatelli, directrice associée du cabinet Wayden, créé en 2008. Sur une centaine de candidatures spontanées, trente donnent lieu à un rendez-vous et, en fin de compte, une quinzaine est référencée. Fin 2018, le cabinet a créé un cercle pour ses meilleurs profils, à savoir une vingtaine de managers et de dirigeants de transition que Wayden cherche à fidéliser, en organisant des événements sélectifs et en créant une page Web dédiée pour accroître leur visibilité. Une démarche similaire a été entreprise par le club Delville, créé par le cabinet éponyme, qui a élargi l’accès à des clients et à des « prescripteurs », et donc apporteurs potentiels d’affaires comme les avocats, les fonds d’investissement et les experts-comptables, représentant ainsi environ 400 cadres dirigeants. Il y a deux ans et demi, Delville a acquis la plateforme Adequancy qui permet à chacun d’entre eux de créer son profil. « Elle s’adresse à des managers et à des clients qui veulent prendre en main leurs recherches », précise Anthony Baron, cofondateur. Pour la cinquantaine de missions déjà signée par ce biais, le contrat commercial reste porté par le cabinet qui a revu à la baisse sa marge, « le client faisant une partie du job en amont ». La gestion de la relation avec les managers est le chantier prioritaire pour les cabinets qui doivent gérer un nombre important de prestations.

Une relation qui s’entretient

« En tête des pure players, avec 450 missions annuelles, Valtus dispose ainsi d’un pôle dédié aux managers qui compte dix collaborateurs chargés de sélectionner les nouveaux profils, qui s’ajouteront aux 6 500 noms déjà référencés, dont la moitié a été contactée durant l’année en cours en vue d’une mission », assure Florence Villemain, associée. Le portail « d’acquisition » est en cours de refonte pour que les postulants puissent, d’un côté, mieux « détailler leurs compétences » et que le cabinet puisse, de l’autre, améliorer l’identification des compétences et des références des candidats.

L’autre tâche, qui a été perfectionnée au fil des années, concerne l’accompagnement des missions, le point que les managers de transition interrogés par le cabinet en 2016 ont mentionné en second. Cadrage et reporting, rendez-vous réguliers avec le client et le manager, diagnostic quelques semaines après le début de mission, plan d’action à valider : tout est consigné dans un briefing en ligne à lire au démarrage de la mission. « Il y a un équilibre à trouver sur l’accompagnement sans qu’il y ait un sentiment d’ingérence. Le mode de suivi proposé au client ne conviendra pas toujours au manager. La contractualisation de la prestation contient déjà des axes de développement et des objectifs à piloter », avance Philippe Danguy, un contrôleur de gestion et manager de transition passé « de l’autre côté de la barrière » en devenant directeur d’affaires spécialisé dans l’industrie pour le cabinet IMT Partners.

Au-delà de ce support fonctionnel, « l’entreprise collaborative » LouerUnManager propose, moyennant une adhésion d’environ 180 euros par mois, l’accès à un bureau à Paris et à Bordeaux, à un déjeuner hebdomadaire ainsi qu’à des formations et des conférences. Pour intégrer cette communauté, il faut, le plus souvent, avoir déjà effectué une mission de management de transition et rencontrer l’équipe dirigeante, ainsi que deux managers déjà membres, dont l’un dans son domaine d’expertise. Une manière aussi de rompre le sentiment de solitude des professionnels, notamment entre deux missions, lorsque le téléphone ne sonne pas. « Le taux d’occupation moyen des managers de transition est souvent passé sous silence. Je l’estime environ autour de 170 à 180 jours par an. C’est aussi une donne qu’il faut appréhender humainement avec son cercle familial. Cela peut rebuter pas mal de candidats », conclut Sacha Tchakarian, à la tête du management de transition chez Badenoch + Clark.

Se former au management de transition

À ce jour, hormis un cursus dispensé à Dauphine entre 2011 et 2013, deux programmes de formation existent. L’un est assuré depuis 2016 par l’Institut français du management de transition, associé à France Transition, qui propose une initiation sur deux jours, ou un certificat à l’issue de douze jours, à une quinzaine de personnes par promotion autour d’attendus comme « la définition d’une offre, l’analyse des risques, la définition d’une mission et le pilotage en situation critique », comme explique Gilles Litras, directeur du programme. Il existe également un parcours de deux jours par mois copiloté par le cabinet H3O et Audencia qui a formé plus de 120 managers en six ans d’existence aux bases de la relation avec les cabinets et les clients, y compris un module de « développement commercial » ajouté en cours de route, précise Laetitia Fardeau, responsable de l’offre Executive Education de l’école nantaise. La formation continue est encore loin d’être un réflexe. Pour préparer les managers à des difficultés ou les former à des changements de contexte ou de réglementation, plusieurs cabinets proposent des événements, des ateliers et des demi-journées d’échanges. Une douzaine de managers ont déjà suivi, par exemple, un module de prévention des risques psychosociaux proposé par le cabinet Procadres International et le spécialiste de la QVT Éléas.

Auteur

  • Judith Chétrit