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Idées

Le management du « miracle économique allemand »

Idées | Livres | publié le : 01.03.2020 | Irène Lopez

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Le management du « miracle économique allemand »

Crédit photo Irène Lopez

Qu’ont en commun le nazi et la liberté ? Le management. Ou plutôt un certain mode de management. Celui mis en œuvre par les SS pendant la Seconde Guerre mondiale et qui perdurera en Allemagne jusqu’au premier choc pétrolier.

Johann Chapoutot est historien et professeur d’histoire contemporaine à l’université Paris-Sorbonne. Spécialiste du nazisme, il a également écrit « Le nazisme et l’antiquité » (PUF) et « La loi du sang. Penser et agir en nazi » (Gallimard). « Libres d’obéir », son dernier ouvrage, fait beaucoup parler de lui.

Ceux qui seraient tentés de comprendre, à travers le sous-titre « Le management du nazisme à aujourd’hui » que le management actuel a des origines nazies se trompent. Ce n’est pas la thèse de l’auteur. Et heureusement. Le management n’est pas une activité criminelle. En outre, le management préexistait le nazisme. Le livre n’est donc pas un réquisitoire contre les managers, le management, les DRH ou les auditeurs des cabinets de conseil.

Le propos de l’auteur est de réfléchir à l’organisation du travail vue par les nazis (faire mieux avec moins, améliorer les performances des entreprises comme des administrations) et comment cette dernière a eu des prolongements et une postérité après 1945, en plein miracle économique allemand. L’essai devient alors indissociable de l’histoire de Reinhard Höhn (1904-2000), juriste et fonctionnaire SS. C’est lui qui imagine ce management nazi : « Le chef, contrairement aux pratiques en vigueur jusqu’alors, ne prescrit pas l’action dans les détails les plus précis de son exécution. Il se borne à des directives en matière d’objectifs. Son rôle est d’ordonner (un résultat, par exemple) puis d’observer, de contrôler et d’évaluer. » Le management imaginé par Höhn est « non autoritaire » : « L’exécutant est libre d’obéir, libre de réaliser les objectifs imposés par la Führung. La seule liberté résidait dans le choix des moyens, jamais dans celui des fins. »

Par conséquent, la responsabilité n’est plus concentrée sur la seule et unique direction. Une partie de cette responsabilité est en effet transférée vers le niveau qui a pris en charge l’action.

Après 1945, l’ancien SS, peu inquiété, se reconvertira et sera même à l’origine de la création d’une école de management prestigieuse qui a formé des générations de dirigeants d’entreprises allemands : 2 440 entreprises lui ont envoyé leurs cadres (700 000) entre 1956 et 1969. Son management fera le succès de l’Allemagne de l’Ouest jusque dans les années 1970.

Libres d’obéir : le management du nazisme à aujourd’hui.

Johann Chapoutot, Gallimard, 175 pages, 16 euros.

Auteur

  • Irène Lopez