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Vie des entreprises

Jean-Louis Baillot convertit ses troupes aux valeurs Ikea

Vie des entreprises | METHODE | publié le : 01.04.2001 | Frédéric Rey

Absence de protocole, convivialité, transparence, promotion interne… Tout en conduisant le développement de la filiale française de l'enseigne suédoise, Jean-Louis Baillot s'efforce de préserver l'« Ikea way », un mode de vie au travail inspiré par le légendaire fondateur de l'entreprise, Ingvar Kamprad.

Ikea se serait bien passé d'une telle publicité. Le 2 avril, le tribunal correctionnel de Versailles devait rendre son jugement dans l'affaire de discrimination raciale à l'embauche qui a secoué l'enseigne suédoise il y a deux ans. Tout est parti d'un e-mail recommandant à une dizaine de cadres de ne pas recruter de « personnes de couleur » pour distribuer des catalogues. Même si le procureur de Versailles a demandé la relaxe pour Ikea, Jean-Louis Baillot, discret P-DG du numéro trois de l'ameublement en France, aurait volontiers fait l'économie de cet épisode judiciaire. Le groupe, qui va fêter cette année ses vingt ans de présence dans l'Hexagone, préfère, de loin, faire l'actualité avec les baptêmes de ses nouveaux magasins. Une ouverture est prévue en juin à Toulon, une autre à Nantes en 2002. Environ 400 personnes vont être recrutées cette année et venir gonfler un effectif de 3 500 salariés. « Le pari était loin d'être gagné car la France était dominée par deux poids lourds de l'ameublement, Conforama et But », précise Jean-Louis Baillot. Mais le style du suédois a conquis les consommateurs français comme ceux de Moscou, Berlin, Pékin ou Chicago. Les clés de cette réussite ? Des prix raisonnables, un design inimitable et une bonne image dans l'opinion, synonyme de confort et de qualité de vie. Le parfait reflet de l'« Ikea way », la philosophie d'Ingvar Kamprad, le fondateur d'un groupe qui gère de façon quasi familiale ses salariés.

1 CULTIVER SIMPLICITÉ ET CONVIVIALITÉ

Ikea n'est pas un simple vendeur de meubles. « On ne vient pas seulement pour la paie, on adhère à un mode de vie dans le travail », souligne un cadre. Ingvar Kamprad, père d'Ikea, a créé cette entreprise en 1943 autour de valeurs fortes : « Atteindre de bons résultats avec peu de moyens, prendre conscience des coûts, respecter autrui et, sans ostentation, donner le bon exemple aux autres »…Cette aventure, c'est d'abord celle d'un jeune homme de 17 ans né dans la région la plus froide et la plus pauvre de Suède. Les initiales de son prénom et de son nom ont donné les deux premières lettres d'Ikea. Elmtaryd, le nom de la ferme familiale, et Älmhult, la ville où le premier magasin a été ouvert, les deux dernières.

Tout nouveau salarié reçoit à son arrivée une formation dispensée dans chaque magasin, première prise de contact avec l'Ikea way. Pendant deux jours, les novices découvrent l'organisation de l'entreprise et l'histoire de la société. On projette sur écran la photo d'un modeste abri en bois et on demande de deviner ce que c'est. « Une cabane de jardin », répond en général l'assistance. Pas du tout, il s'agit du premier point de vente d'Ikea. Quant aux cadres dirigeants, ils ont droit à un séjour à Älmhult, petite ville du sud de la Suède, où 70 % de la population active travaille pour l'entreprise. « Depuis Paris, raconte Pascal Hutinet, DRH du magasin de Villiers-sur-Marne, il faut prendre un vol jusqu'à Copenhague, louer une voiture pour atteindre le bac qui permet de traverser la mer Baltique en ferry. Arrivé en Suède, il reste encore 350 kilomètres pour rallier Älmhult. » Au total, dix heures de trajet pour suivre une formation d'une semaine baptisée « ambassadeur d'Ikea », visiter le fameux cabanon de bois et, avec un peu de chance, croiser Ingvar Kamprad.

Car, à 74 ans, le fondateur d'Ikea continue de s'investir dans son entreprise. Si, depuis deux ans, il a laissé la présidence à son ancien adjoint, il reste omniprésent. « Il m'est arrivé de le croiser, rapporte Sandro Benini, délégué syndical CFDT à Lille, en sandalettes et vieux pantalon poussant un Caddie sur le parking, puis se promenant dans le magasin en compagnie de son épouse. » Chez Ikea, le protocole et l'ostentatoire n'ont pas droit de cité. Au siège de l'entreprise, installé dans un quartier boisé de Saint-Germain-en-Laye, le cadre en costume-cravate est une espèce inconnue.

Dans son bureau, Jean-Louis Baillot accueille ses visiteurs en jean-polo, style vestimentaire de la maison. En abandonnant toutes les marques traditionnelles du pouvoir, l'entreprise supprime les barrières entre l'encadrement et les collaborateurs. De la caissière au président, tout le monde se tutoie et s'appelle par son prénom. « Ce n'est pas un simple effet de manches, précise le P-DG. Le vouvoiement n'existe pas dans la langue suédoise. Le « tu » a été tout de suite utilisé. » Cette volonté de simplicité se manifeste également dans le train de vie du management de l'entreprise. Stock-options, titres ronflants et déplacements en première classe ne sont pas le lot des cadres d'Ikea. Ici, tout le monde est invité à prendre les transports en commun et à choisir des hôtels deux-étoiles.

L'entreprise attache une grande importance à la convivialité, ressort jugé essentiel pour mobiliser les équipes. Que font, par exemple, les salariés d'Ikea chaque 1er mai ? Ils jouent au football. La direction organise chaque année un tournoi entre les magasins. « Nous sommes une grande famille », ne cesse de rappeler Ingvar Kamprad. Une fois par an, les cadres et chefs de département se retrouvent dans un centre de vacances pour des sessions de kick-off où la direction présente l'évolution des résultats et le projet commercial de l'entreprise. Intitulé du précédent séminaire : « Vive le volume ! » Anniversaire de magasin, repas de Noël, le moindre événement est l'occasion de se retrouver entre Ikéens. À Vitrolles, le personnel a coutume de se retrouver pendant une journée sur la plage. Régulièrement, l'encadrement organise des sorties au restaurant par services. Chaque mois, chaque directeur de magasin rencontre des collaborateurs autour d'un petit déjeuner dans le salon d'un hôtel pour évoquer les problèmes de fonctionnement. Même les représentants du personnel sont désormais conviés à ces agapes.

2 JOUER LA TRANSPARENCE

Il n'y a pas de discrimination raciale à l'embauche chez Ikea. Jean-Louis Baillot est formel sur ce point. Le mail de la responsable de la diffusion des catalogues, épinglé par les représentants CGT et CFDT du magasin de Saint-Priest, qui expliquait, à propos des « personnes de couleur », que « c'est malheureux à dire, mais on leur ouvre moins facilement la porte, et il s'agit d'avancer vite « ? « C'est une initiative individuelle. Aucune instruction n'a été donnée au siège. Nous avons tous été choqués par cette histoire. Ikea est à l'opposé de l'image qui en a été donnée. Nous avons 48 nationalités différentes représentées dans nos établissements. » Le P-DG d'Ikea France a d'ailleurs envoyé à l'adresse personnelle de chaque salarié une lettre d'explication.

Jouant la transparence, la direction d'Ikea a également demandé au sociologue Henri Vacquin d'enquêter dans les magasins. Son rapport ne mentionne aucune discrimination raciale, religieuse ou sexuelle. En revanche, le sociologue fait état d'une discrimination syndicale. « Ikea, explique-t-il, fait en permanence référence à un système de valeurs qui laisse aux directeurs une grande liberté d'interprétation. » Les syndicalistes font parfois les frais de ce management implicite. « Lorsque j'ai exprimé, au cours d'un entretien d'évaluation, mon envie d'évoluer professionnellement, confie Sandro Benini, de la CFDT, mon supérieur m'a répondu franchement que mon mandat syndical était un obstacle. » Le tribunal administratif de Versailles est d'ailleurs revenu sur une procédure de licenciement prise à l'encontre d'un délégué CFTC.

« Si, par le passé, des problèmes ont pu se poser, c'est maintenant terminé, affirme Pascal Hutinet, le DRH du magasin de Villiers-sur-Marne. Derrière l'affaire de Saint-Priest, ce qu'il fallait entendre, c'était les difficultés rencontrées par des représentants du personnel. » Ikea a décidé de réagir en présentant cette année un programme intitulé « Chasser le flou ! » « Il faut nous débarrasser de toutes ces zones d'incertitude dans la place accordée aux partenaires sociaux et harmoniser nos pratiques de ressources humaines », indique le DRH d'Ikea France, Hervé Pivet. Quant à la commission antidiscrimination mise en place en 1999, elle continue son travail, mais sans la CGT, qui a décidé de se retirer d'une instance qu'elle considère comme de la « poudre aux yeux ».

3 FAVORISER LA PROMOTION INTERNE

Sylvie Casemode est entrée chez Ikea dans le tout premier magasin du groupe, ouvert en 1981 à Bobigny. Aujourd'hui, cette ancienne vendeuse dirige l'établissement de Villiers-sur-Marne, le dernier ouvert en région parisienne. Comme elle, la grande majorité des directeurs de magasin ont fait tout ou partie de leur carrière chez Ikea. Ainsi, 85 % des chefs de rayon et 55 % des chefs de département viennent de l'interne. Le groupe favorise ces évolutions de carrière à tous les niveaux. « L'ouverture de nouveaux magasins crée d'importants besoins », souligne Hervé Pivet. Mais Ikea ne veut pas s'enfermer pour autant dans une culture endogamique et cherche à attirer des professionnels de la grande distribution.

« Nous devons aussi parvenir à convaincre les collaborateurs que la promotion ne s'exprime plus seulement par le passage au niveau supérieur, explique le P-DG, Jean-Louis Baillot. La mobilité est aussi fonctionnelle. On peut ainsi passer du siège au magasin, de l'achat à la communication. » Ayant adopté dès l'origine une organisation transversale – il n'existe que deux échelons entre l'employé et le directeur –, Ikea ne peut cependant pas satisfaire toutes les demandes. La croissance de l'entreprise et la moyenne d'âge du personnel (28 ans) empêchent toutefois l'apparition de frustrations. Pour l'instant.

4 PRIVILÉGIER LA RÉMUNÉRATION COLLECTIVE

Les 55 000 salariés d'Ikea se souviendront longtemps de la date du 9 octobre 1999. Sur l'initiative d'Ingvar Kamprad, ils se sont partagé la recette de la journée pour célébrer le passage à l'an 2000. Dans un style très ikéen, directeurs et employés ont accueilli les clients, ce samedi-là, avec un tee-shirt rouge portant l'inscription « C'est ma journée ! ». Succès garanti : les 3 500 salariés français ont reçu, dans une enveloppe garnie de confettis, un chèque de 14 238 francs. L'entreprise a pris l'habitude de distribuer des « cadeaux » pour récompenser la fidélité de ses collaborateurs. Après dix ans de présence, chacun bénéficie d'un bon d'achat d'une valeur de 6 000 francs ainsi que d'un repas au restaurant pour un montant de 500 francs.

Au chapitre des rémunérations, Ikea a choisi de donner la priorité aux formes équitables de rétribution. Hormis les augmentations de salaire annuelles qui sont individualisées, c'est le collectif qui prime. Le vendeur est là pour conseiller et ne perçoit aucune commission. Les niveaux de salaire ne sont pas plus élevés chez Ikea que dans le reste de la grande distribution. Un employé gagne en moyenne 100 000 francs brut par an, un chef de rayon entre 120 000 et 150 000 francs, un directeur de magasin 400 000 francs. Mais la participation et l'intéressement font la différence. En 2000, les primes versées ont représenté l'équivalent de trois mois et demi de salaire.

L'autre principe d'Ikea est de payer la flexibilité au prix fort. En région parisienne, les quatre magasins ouvrent sept jours sur sept avec une nocturne par semaine. Les salariés d'Ikea y trouvent le moyen d'arrondir leurs fins de mois. Le salaire est en effet majoré de 115 % et même de 200 % si le dimanche tombe un jour férié. « En travaillant deux week-ends dans un mois, précise Pascal Fache, délégué CGT, votre salaire s'accroît de 1 000 francs. » Ikea fait aussi appel à des salariés uniquement pour le week-end. Avec un salaire net de 6 500 francs par mois pour dix-huit heures par semaine, Stéphane y trouve largement son compte.

Ces avantages financiers expliquent sans doute le turnover d'Ikea (13 %), plus faible que celui de la grande distribution (18 %). « Nous sommes mieux lotis », reconnaît Sandro Benini, de la CFDT. L'exception Ikea devrait perdurer. Ingvar Kamprad refuse toute cotation en Bourse de sa société. Et, pour éviter le risque d'OPA, il a gelé le capital de l'entreprise dans une fondation basée aux Pays-Bas. Ce ne sont pas les salariés qui s'en plaindront.

Entretien avec Jean-Louis Baillot :
« Pourquoi ne pas construire en France un système de retraite à la carte, comme en Suède ? »

Pur produit maison, Jean-Louis Baillot participe à l'aventure Ikea depuis l'ouverture du magasin d'Évry, il y a dix-huit ans. Recruté comme chef de département meubles, ce jeune titulaire d'un DESS de marketing prend ensuite des responsabilités commerciales au siège français. Appelé en Suède par la maison mère, Jean-Louis Baillot dirige la division cuisine et salle de bains pour le monde entier. Mais les hivers à Älmhult, petite ville entourée de forêts, sont longs. Il se laisse tenter par un emploi de directeur de marketing chez Lapeyre. Une infidélité qui ne dure guère plus d'un an. Ikea lui propose un poste similaire qu'il va occuper durant quatre ans, avant de diriger la filiale française. Il conserve toutefois un pied en Suède, où il siège au conseil d'administration du groupe.

La politique sociale d'Ikea en France est-elle marquée par la culture suédoise ?

Cette culture est très présente. Nous respectons les valeurs d'Ingvar Kamprad, le fondateur de l'entreprise, et nous avons adopté une organisation matricielle afin d'alléger la hiérarchie. L'esprit de la social-démocratie se manifeste aussi dans la politique de rémunération, qui laisse peu de place à l'individualisation. Ainsi, les directeurs de magasin ne perçoivent pas de bonus lié à la performance, ce qui ne permet pas toujours de récompenser celui qui a atteint de bons résultats. Le Canada et l'Allemagne expérimentent une rémunération par objectifs. Personnellement, je n'y suis pas favorable parce que les directeurs opérationnels ne doivent pas être les seuls à bénéficier de primes. D'autre part, cette forme de motivation incite à une gestion à court terme, au détriment des investissements. Or mon souci est de développer l'outil de travail. Enfin, cela peut aussi freiner la mobilité des directeurs. Nous serons donc attentifs aux résultats de cette expérience.

Comment avez-vous réagi après l'accusation de discrimination raciale qui vous a été portée en 1998 ?

Nous avons mis en place une commission antidiscrimination qui a sensibilisé l'ensemble du personnel et de l'encadrement. Cet événement a révélé les dangers d'un intranet. Chaque jour, 12 000 messages circulent chez Ikea. N'importe qui peut prendre la parole sur n'importe quel sujet au nom de l'entreprise. Nous devons donc informer pour prévenir ces risques. Cette affaire a également montré les difficultés, pour des gens d'origine étrangère, d'entrer dans la vie professionnelle. Les entreprises vont devoir s'ouvrir davantage, favoriser la mixité entre les ethnies, les sexes, etc. En d'autres termes, ressembler à leurs clients.

Rencontrez-vous encore des difficultés pour ouvrir le dimanche ?

Nous ne faisons pas de l'ouverture dominicale un principe. Mais partout où la concurrence est ouverte, nous ouvrons aussi le dimanche, ce qui est le cas en région parisienne, mais pas en province. Tout le monde agit dans l'illégalité. Nous sommes toujours sous le coup d'une loi de 1906 interdisant le travail dominical. Notre position est claire : les salariés doivent être volontaires et très bien rémunérés. La majorité des salariés y est d'ailleurs favorable. Le problème vient moins de nos syndicats que de l'Inspection du travail ou de certaines fédérations syndicales qui s'en tiennent au strict respect du Code du travail. Si on nous interdit d'ouvrir, cette mesure doit s'appliquer à toutes les enseignes. Mais il serait souhaitable de considérer l'évolution des modes de vie et de légiférer en tenant compte du caractère exceptionnel du travail le dimanche et en insistant sur la nécessaire contrepartie salariale.

Comment avez-vous négocié la flexibilité indispensable à votre entreprise ?

Nous avons conclu un accord d'annualisation et mis en place des équipes de week-end pour couvrir une amplitude d'ouverture qui atteint dans certains magasins soixante-dix heures hebdomadaires, ce qui est loin d'être une sinécure. Dans notre secteur d'activité, les clients font leurs achats en couple ou en famille, après leur travail. Nous souhaiterions donc pouvoir ajouter une seconde nocturne en semaine. Mais il faut réfléchir aux conséquences que cela aurait sur la qualité de vie des salariés. Si nous décidons, par exemple, d'ouvrir à 9 heures au lieu de 10 heures du matin, il faut que des salariés soient présents dès 5 heures pour décharger les marchandises. Une décision de ce genre est donc difficile à prendre et exige beaucoup de communication. Un dirigeant ne peut plus agir sans consulter, expliquer et argumenter. La population qui souffre le plus, c'est la maîtrise, coincée entre la pression du client et celle du personnel. Il faut la soutenir.

Pourquoi ne présidez-vous pas le comité d'entreprise de votre société ?

J'ai accepté ce poste de président pour m'occuper de l'expansion d'Ikea en France. Je ne préside pas le comité d'entreprise. Ce n'est d'ailleurs pas le DRH, mais un autre cadre, qui assure cette fonction. Mais ma porte reste toujours ouverte aux organisations syndicales. La présence syndicale chez Ikea France est très faible. Mais les syndicats ont cependant beaucoup de pouvoir. Je souhaite donc que les relations se passent le mieux possible, ce qui dépend des deux parties. Les directions d'entreprise comme les syndicats ont les interlocuteurs qu'ils méritent. Je conseille donc aux directeurs de magasin de faire émerger des interlocuteurs syndicaux là où les syndicats ne sont pas implantés. Il faut des contre-pouvoirs et les syndicats peuvent jouer ce rôle.

Éprouvez-vous des difficultés à recruter ?

Le marché se tend un peu depuis deux ans et je m'en réjouis. Car cela nous oblige à être encore meilleurs. Nous avons la chance de bénéficier d'une forte image, de vendre des produits attractifs. Autre atout : nous avons signé un accord de réduction du temps de travail en 1999. Un cadre travaille ainsi 37 heures effectives par semaine et 214 jours dans l'année. Nous sommes parvenus à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ce qui séduit les candidats.

Êtes-vous favorable aux 35 heures ?

La réduction du temps de travail va dans le sens de l'histoire. Mais la méthode autoritaire employée par le gouvernement ainsi que l'application discriminatoire des 35 heures au seul secteur privé sont très discutables. J'étais convaincu que le gouvernement ne reculerait pas. Nous avons donc décidé de nous lancer dans cette aventure et de profiter des aides publiques. Nous avons mené une vraie réflexion sur l'organisation, les gains de productivité à réaliser, les méthodes de travail. Au fur et à mesure, je me suis converti aux 35 heures.

Je constate d'ailleurs que nos clients disposent eux-mêmes de plus de temps libre et que le chiffre d'affaires de nos magasins est mieux réparti sur la semaine.

Pensez-vous que le patronat ait eu raison de mener bataille sur les retraites ?

Le Medef a raison sur le fond. Il faut ajouter aux régimes par répartition un système d'incitation à l'épargne. Mais son attitude a eu pour effet de radicaliser les positions syndicales.

Et puis, il y a une contradiction manifeste : comment avancer la nécessité de reculer l'âge de la retraite à 65 ans alors que les entreprises abusent des préretraites ? En disant cela, je ne suis pas vraiment dans la ligne du « parti ». Pourquoi ne pas construire un système de retraite à la carte ?

En Suède, les salariés peuvent commencer à prendre leur retraite à partir de 61 ans. Je ne vois pas comment, en France, nous allons pouvoir revenir à la retraite à 65 ans. Il faut une alternative.

Propos recueillis par Denis Boissard, Jean-Paul Coulange et Frédéric Rey

Auteur

  • Frédéric Rey