C'est en fanfare que le groupe Vivendi Universal a lancé l'opération NetGener@tion début mars dernier. Ce programme permet à ses 110 000 salariés d'acquérir pour seulement 3 euros (19,68 francs) par mois, pendant trois ans, un ordinateur avec une imprimante et un accès illimité à Internet. Cette offre s'accompagne d'un guide d'utilisation, d'une assistance téléphonique, d'une garantie de trois ans, de logiciels, d'une encyclopédie multimédia, etc. En rendant le Net accessible au plus grand nombre, le groupe se targue de participer « activement à la réduction de la fracture numérique ». Même générosité au Crédit agricole du Centre-Est qui a démarré en septembre 2000 un programme comparable baptisé « Internet pour tous » pour ses 3 400 salariés. Les deux entreprises emboîtent ainsi le pas à Ford, Delta Airlines et Intel.

« Même si ces opérations permettent aux salariés les plus désargentés d'acquérir un ordinateur à moindre coût, c'est surtout un moyen détourné pour déplacer l'apprentissage de l'outil Internet du lieu de travail au domicile du salarié », assure Yves Lasfargue, directeur des études au Centre d'études et de formation pour l'accompagnement des changements (Crefac). En effet, bien qu'elles clament haut et fort que le matériel et la connexion sont strictement destinés à un usage personnel et familial, les entreprises attendent que leurs salariés se familiarisent avec l'outil afin d'être plus performants au travail. « Nos clients sont de plus en plus nombreux à correspondre avec nos collaborateurs via le Net, reconnaît Raymond Chenaud, responsable de la formation au Crédit agricole du Centre-Est. En pratiquant l'Internet chez eux avec leur famille, ils apprennent à mieux connaître ce média. Ensuite, ils seront plus à même de répondre à nos clients. »

Sans compter que ces programmes permettent aux entreprises de réaliser de substantielles économies en matière de formation. « Pour savoir utiliser une messagerie, il faut compter six à huit semaines, constate Yves Lasfargue. Et il faut bien plusieurs mois avant de naviguer correctement sur la Toile. » Comme cette phase d'apprentissage se fait hors du temps de travail, c'est tout bénéfice pour l'employeur. Reste que ces opérations ne rencontrent pas toujours le succès attendu. Le Crédit agricole escomptait ainsi 1 400 volontaires. Seuls 11 00 salariés ont finalement souscrit à l'offre. Vivendi annonce que 93 % des salariés auraient retiré un dossier d'inscription. Mais seuls 10 000 ordinateurs auraient été distribués pour l'instant. De plus, les entreprises ne savent pas l'usage que leurs salariés vont faire du matériel. « L'autoapprentissage exige motivation et plaisir, estime Yves Lasfargue. Les salariés qui ne sont pas fanatiques d'informatique ne profiteront pas de l'aubaine. » Idem pour ceux qui ne savent pas apprendre seuls. Si le Crédit agricole du Centre-Est prévoit deux demi-journées de formation à l'outil hors du temps de travail, rien n'est prévu en revanche du côté de Vivendi qui se contente de distribuer une brochure et un CD-ROM d'utilisation.