Qu’y a-t-il de commun entre l’évasion fiscale, la mafia ou les soupçons de détournement de fonds qui pèsent sur Carlos Ghosn ? A priori, rien. Mais dans ce livre, l’économiste Clotilde Champeyrache, spécialiste des mafias justement, entend démontrer qu’avec la mondialisation, « les frontières entre l’économie légale, illégale et criminelle ne sont pas forcément étanches ». Avec minutie, l’auteure décortique « cette zone grise de l’économie » illégale, qui emprunte parfois des circuits légaux. Elle y inclut les marchandises prohibées, les mafias (chapitre très intéressant), mais aussi le blanchiment d’argent, la corruption, la fraude et l’évasion fiscale, qu’elle nomme « déviance entrepreneuriale ». Cette partie du livre rappelle l’affaire des Lux Leaks en 2014 ou celle des Panama Papers, plus près de nous. Si, depuis ces scandales, la Commission européenne a pris des mesures contre l’évasion fiscale, l’économiste affirme, chiffres à l’appui, que « les États européens continueraient toujours de négocier des accords fiscaux privilégiés secrets », notamment sur les prix de transfert des biens et des services pour attirer les multinationales. Critique contre le néolibéralisme et l’effacement de l’État qui « banaliserait » ses pratiques, cet ouvrage est passionnant.

Clotilde Champeyrache, PUF, 304 pages, 21 euros.