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Pour une reconnaissance de la RSE comme facteur d’engagement et de performance

Idées | Recherche | publié le : 01.02.2020 |

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Pour une reconnaissance de la RSE comme facteur d’engagement et de performance

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En 1947, Georges Bernanos publie « La France contre les robots », un pamphlet anti-industriel anticipant certaines dérives et de nombreux risques associés à une future globalisation. Cet ouvrage demeure d’une réalité farouche, non pas dans la critique acerbe de choix économiques, mais dans le questionnement suivant : comment concilier société et organisations ? Dit autrement, comment les organisations, à travers leur responsabilité sociétale, pourraient-elles devenir « vertueuses » au regard des parties prenantes externes mais également internes ?

La responsabilité sociétale des entreprises ou des organisations (RSE) correspond « à la prise en compte volontaire des questions sociales et environnementales dans la mise en œuvre de la stratégie d’entreprise en lien avec les parties prenantes internes et externes » (Pennaforte, A. et al, 2018). Solidement ancrée dans de nombreuses organisations, la RSE s’est démultipliée quand le développement durable a commencé son essor sociétal (exemple, la labellisation ISO 2600), dont trois points sont à mettre en exergue : la création du bilan social (1977), la mise en place en 2001 du reporting extra-financier pour les entreprises du CAC 40, élargi en 2017, et plus récemment, la loi Pacte qui promet des avancées en matière de responsabilité sociétale des entreprises et de finance durable.

Cet ancrage demeure constitutif des attentes sociétales, comme le montre une étude réalisée par le groupe Ipsos pour le World Economic Forum auprès de 20 000 personnes de 16 à 74 ans dans 28 pays (Sustainable Development Impact Summit, 2019). D’après cette enquête, trois adultes sur quatre (soit 74 % de la population interrogée) ont aujourd’hui connaissance des objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies. En France, quand seulement 51 % de la population, selon un sondage Ipsos de 2019, déclare savoir ce que recouvre la RSE, huit Français sur dix estiment que les entreprises doivent accorder de l’importance à la fois envers l’environnement et envers leurs salariés. Devenue constitutif des attentes individuelles et un impondérable stratégique pour les organisations, la RSE pourrait-elle devenir l’affaire de tous, sur la base du volontariat et du leadership, afin de favoriser l’engagement des collaborateurs vers une performance sociale ?

Dans ce dessein, un nombre croissant de DRH mettent en place des politiques de RSE afin, d’une part, de communiquer aux parties prenantes externes sur les actions mises en place par l’organisation et, d’autre part, de provoquer l’adhésion managériale et des collaborateurs à ces actions. Quelques DRH ont même pensé développer des relations d’engagement par le prisme de la RSE selon le syllogisme suivant : je suis engagé personnellement et volontairement au regard de la RSE donc je choisis une organisation qui possède une stratégie de RSE donc je m’engage volontairement dans la stratégie RSE de l’entreprise et, ce faisant, j’augmente mon engagement envers la stratégie, la performance sociale et globale de l’entreprise.

Théoriquement, l’idée est séduisante mais demeure ô combien complexe à mettre en œuvre. Alors, comment passer d’une volonté stratégique collective à un engagement volontaire individuel pour le collectif, au cœur de la responsabilité sociétale des entreprises ? Comment la RSE permettrait-elle de donner des cibles d’engagement aux individus ? Comment le développement d’un leadership organisationnel envers la RSE permettrait-il de créer les conditions d’un engagement envers l’entreprise ?

Démarche volontaire

Comme prérequis pour favoriser l’engagement individuel vis-à-vis de la RSE, il est nécessaire de revoir les principes, les modèles et les indicateurs d’engagement des organisations, qui s’appuient soit sur des valeurs, soit sur des buts organisationnels tels que l’innovation technologique ou encore le développement de nouveaux marchés, mais peu sur des approches multicible qui tentent de capter les déterminants pluriels de l’engagement individuel. Si les modèles « traditionnels » de l’engagement ne sont plus opérants pour de nombreuses organisations, l’engagement demeure aujourd’hui à appréhender comme une démarche volontaire envers une ou plusieurs cibles organisationnelles porteuse de sens pour l’individu (la RSE, la QVT, l’équipe…), encouragée par un leadership puissant, basé à la fois sur des capacités d’influence, de coopération et de bienveillance envers les équipes.

Individuellement, le souhait d’être un acteur dont les décisions et les actions ont une prise réelle et positive sur la société, d’être volontaire dans ses engagements, pour une finalité collective, dans un collectif, ouvre pour les DRH de nouvelles voies pour des organisations plus « responsables », pour bénéficier à toutes les parties prenantes dans les phases de réorganisations, de changements, ou d’innovations afin d’avoir un impact durable sur la communauté ; plus « inclusives », pour embarquer tous les collaborateurs, en tenant compte de tous les avis, en reconnaissant les performances sur des logiques plus collectives qu’individuelles, et non exclusivement financières ; enfin plus « développantes », pour renforcer les compétences, simplifier le travail, et permettre de mieux s’accomplir.

Pour faciliter la mise en œuvre de ces principes, trois points de vigilance sont à appréhender.

• Premièrement, il importe de mettre en lumière des cibles associées à la RSE afin que chaque individu puisse s’engager envers une ou plusieurs de ces cibles, qui feraient sens pour lui, et participer au développement de la performance sociale de l’organisation. Au-delà des valeurs, souvent trop larges ou difficilement opérationnelles, offrir la possibilité d’agir concrètement pour l’inclusion des minorités, pratiquer le mécénat de compétences, réduire l’impact environnemental de l’organisation… sont autant d’initiatives qui permettent de mettre en adéquation le travail réalisé avec la société et ses besoins. Quel meilleur levier d’engagement que la mise en résonance de l’éthique d’un salarié avec tout ou partie des valeurs de son organisation ?

• Deuxièmement, s’appuyer sur l’engagement nécessite de créer les conditions de l’engagement volontaire, c’est-à-dire favoriser un leadership exemplaire dans des pratiques RSE, lui-même engagé pour la RSE, non pas uniquement au regard des indicateurs de performance sociale mais également à travers le développement d’innovations sociales. En favorisant des espaces « libres », d’autonomie, de responsabilisation, d’implication sur les sujets RSE, le management pourrait ainsi catalyser l’énergie positive de ses équipes au bénéfice de l’entreprise.

• Troisièmement, il apparaît essentiel que la gouvernance et la stratégie RSE soient positionnées comme centrales au niveau des décideurs afin de permettre à tous, partout, de décider vers quelle pratique s’engager. Si l’exemplarité devait être de mise, il importerait également ici de se doter d’un comité « éthique » qui traiterait des questions internes relatives à la RSE, notamment les contradictions, les déviances, les incohérences entre le discours et la pratique. Ce comité éthique serait aussi le lieu de réflexion pour le développement d’un cadre de travail « responsable et durable », travaillant notamment sur les grands enjeux des espaces de travail, de l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’entreprise, des nouveaux modes de travail, de l’intermédiation…

Formation interne

Finalement, réintroduire le volontariat dans les démarches de RSE permettrait de favoriser l’engagement des individus envers des pratiques de RSE, sur la base d’un leadership exemplaire et libérateur et d’une gouvernance téméraire. Ces enjeux nécessitent un développement de « compétences RSE », c’est-à-dire de pratiques contextualisées et territoriales visant la performance sociale de l’organisation. L’intégration de ces compétences passe par un renforcement de l’éducation initiale de chaque individu mais également par la formation interne desdits individus. L’objectif demeure de faire de la RSE un acquis individuel, une compétence constitutive de chacun, pour évaluer ses actions à l’aune de ce nouvel étalon qui pose les bases de la performance durable des organisations, c’est-à-dire de ses impacts responsables et éthiques sur les autres.

Références : Pennaforte, A. et al, « Fondamentaux de GRH : 100 défis RH illustrés », Dunod, 2018.