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Comment transformer une opportunité en or ?

Dossier | publié le : 01.02.2020 | Laurence Estival, Sophie Massieu

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Comment transformer une opportunité en or ?

Crédit photo Laurence Estival, Sophie Massieu

Pénurie de candidats, conquête de nouveaux marchés, alternative à l’expatriation… Les entreprises recrutent dans le monde entier. Cette diversité des profils, vécue comme une richesse, nécessite une analyse attentive des candidatures. Explications.

Une quarantaine de nationalités représentées en France, le top 500 du groupe réparti dans trois hubs principaux, entre Paris/Grenoble, Boston, et Hongkong. Chez Schneider Electric, l’internationalisation a compté parmi les six transformations RH stratégiques. « Notre sujet aujourd’hui n’est plus la diversité, mais l’inclusion », observe Dominique Laurent, DRH France. Il explique que, décidée il y a une vingtaine d’années, la politique d’internationalisation visait à « conquérir des marchés mondiaux. Et pour ce faire, l’expatriation ne suffit pas, contrairement au modèle qui a longtemps été celui des entreprises françaises ». Le groupe revendique d’être le plus multilocal des acteurs globaux. Cela se traduit par la présence, quasiment partout, de patrons de la nationalité du pays où les filiales se trouvent. « Maintenant, il suffit de montrer la réalité de notre globalisation pour attirer de nouveaux talents internationaux, nous sommes entrés dans un cercle vertueux. »

Schneider Electric n’est pas un cas isolé. Pour nombre d’organisations, soucieuses de ressembler à la diversité de leurs clients, le recrutement de profils internationaux est devenu une réalité. Ce qui ne surprend pas Nawal Mrani Alaoui, directrice stratégie sociale chez EY : « La présence de collaborateurs issus de diverses cultures représente, pour les entreprises, un gage de réussite, de performance. C’est aussi une question d’image et de marque employeur. »

Réseaux sociaux, chasseurs de têtes et cooptation

Dès lors, se pose la question de l’identification de ces talents. Les réseaux sociaux ont certes facilité les recherches mais le travail de sourcing s’est aussi développé par la constitution d’un maillage de chasseurs de têtes ou de sociétés spécialisées. À l’image de Nicholson Search and Selection, un cabinet de recrutement de profils à dominante technologique basé à Londres. Il est très sollicité, et c’est récent, par les start-up, nouvelles venues sur le marché du recrutement interculturel. « Quand, par exemple, elles ont envie d’ouvrir un bureau aux États-Unis, elles ont besoin d’être introduites sur place par une personne qui connaît bien cet environnement et ses spécificités, explique Julien Gargowitsch, le CEO. Recruter à l’international, c’est aussi un moyen de faire face à la pénurie de candidats dans les secteurs en tension tels que les technologies ou le digital. »

Autre outil, la cooptation. L’entreprise familiale Derichebourg la pratique pour ses 3 000 recrutements annuels, aidée par la présence de 117 nationalités réparties dans sept pays. « Nous ne l’avons pas vraiment décidé, cela s’est imposé comme une évidence, et ce à tous les niveaux de la hiérarchie, y compris au comité exécutif », note Malika Bouchehioua, la DRH.

Les entreprises font feu de tout bois, tant recruter à l’international n’est pas une mince affaire. Aux difficultés classiques du recrutement consistant à bien vérifier que la personne possède les compétences recherchées et la capacité de s’intégrer, s’ajoute la question des différences culturelles. Même si, sur ce terrain, toutes les sociétés ne sont pas égales : « Lorsque la culture du groupe est forte, elle transcende certains marqueurs du pays », souligne Philippe Burger, associé chez Deloitte, en charge du capital humain. Ce qui peut finalement faciliter les choses, en créant un terreau commun, un peu hors-sol.

Quoi qu’il en soit, « l’expérience professionnelle est un des critères mais elle ne suffit pas, prévient Karima Silvent, la DRH monde d’Axa. Nous étudions le parcours du candidat pour analyser sa capacité à s’adapter à une diversité de situations, sa connaissance des langues étrangères, son potentiel d’évolution, sa motivation… » Même point de vue chez Malika Bouchehioua, qui explique : « Chez Derichebourg, plus que sur les diplômes, nous sélectionnons nos talents en fonction de leur personnalité. » Sollicitée par les entreprises cherchant à internationaliser leurs comités de direction, Chantal Bérard, consultante chez Boyden, cabinet de chasseur de têtes, confirme : « Au départ, les briefs de nos clients sont clairs : ils souhaitent une personne ayant une expérience internationale avec une relation particulière à la France. Un étranger qui n’a pas un rapport avec le pays risque en effet d’avoir plus de mal à s’intégrer. » Les profils binationaux sont particulièrement courtisés mais ils ne sont pas les seuls : avoir fait une partie de ses études dans l’Hexagone, y avoir eu une expérience professionnelle, voire y avoir passé une grande partie de ses vacances sont autant de signes d’intérêt pour la culture tricolore. « Et la réciproque est vraie dans de nombreux pays, nous le voyons bien quand nous sommes sollicités par nos partenaires à l’étranger. »

Des atouts et des faiblesses pour la France

Bref, au jeu de l’intégration, tout le monde ne part pas avec les mêmes chances… « Il y a, outre le parcours, les centres d’intérêt et la personnalité de chacun, des cultures nationales plus souples que d’autres », poursuit la consultante, citant le cas des Brésiliens, des Italiens et des ressortissants des pays de l’Est. Le nombre de langues étrangères parlées est aussi un indice. « Car même si la connaissance du français n’est pas toujours demandée, le fait de parler la langue du pays ou la facilité pour l’apprendre va être un élément d’intégration. Et plus une personne parle de langues étrangères, plus il est simple pour elle d’en apprendre une nouvelle », ajoute Chantal Bérard. La main mise sur la perle rare, la consultante s’enquiert aussi de l’accord de la famille de la future recrue à se lancer dans cette aventure… « En définitive, c’est un mix entre l’expérience personnelle du candidat, sa capacité d’adaptation, sa motivation et son lien avec la France. »

Sur ce marché des profils internationaux extrêmement concurrentiel, la France possède des avantages. « Sur le plan technologique et académique, notre cote est bonne », observe Ingrid Bianchi, dirigeante du cabinet de recrutement Diversity Source Manager. Elle note aussi que la situation économique compte parmi les facteurs d’attractivité, notamment auprès de personnes venant du Maghreb ou d’Asie. Les politiques de formation, de déroulement de carrière, de préservation de l’employabilité figurent également au rang des atouts hexagonaux. Enfin, les avantages sociaux pèsent lourd, comme l’accès à une mutuelle d’entreprise, note-t-elle. « Attirer n’est pas le plus difficile. Fidéliser, en revanche, s’avère parfois plus compliqué. »

Parce que si la France a des points forts, ses entreprises présentent aussi quelques défauts aux yeux des candidats étrangers. « Elles doivent faire un gros effort en matière de flexibilité, notamment pour préserver l’équilibre des vies professionnelle et privée, lutter contre la culture du présentéisme, s’organiser autrement avec par exemple le développement du télétravail… Il ne s’agit pas de travailler moins, mais mieux. Mais le manager, souvent, résiste encore, porté par une culture du contrôle… » Et Ingrid Bianchi mentionne aussi un sujet qui monte : l’exemplarité de l’entreprise en matière de transition écologique. Pour Philippe Burger, associé de Deloitte, les rémunérations ne représentent ni atout ni limite : « Plus qu’élevées, elles doivent être justes en cas de recrutement d’un candidat issu d’une autre culture », prévient-il.

En somme, les ingrédients pour des embauches internationales réussies et pérennes sont multiples. Et rares sont les profils qui répondent à toutes les injonctions. Résultat ? « Parfois, nous finissons par recruter un Français ayant eu une exposition à l’international car il coche toutes les cases ! » s’amuse Chantal Bérard.

Le processus d’intégration, principale cause de succès

« Avec l’expérience, nous constatons que le processus d’intégration mis en place par l’entreprise est, plus que tout, l’élément clé pour transformer en succès le recrutement d’un collaborateur étranger », observe Julien Gargowitsch, CEO de Nicholson Search and Selection. Un constat partagé par Karima Silvent, la DRH monde d’Axa : « Nous proposons du mentoring pour qu’il soit accompagné dans sa compréhension de la culture du pays, sur la manière de dire les choses, sur le sens des mots utilisés… Cette phase d’intégration, importante pour tous les recrutements, l’est encore plus pour des profils internationaux. »

Auteur

  • Laurence Estival, Sophie Massieu