C’est une première en France : une entreprise de BTP a été condamnée par le conseil des prud’hommes de Paris pour avoir mis en place sur ses chantiers « un système pyramidal d’affectation professionnelle en raison de l’origine ». Le simple fait que la justice ait reconnu l’existence d’une discrimination raciale est en soi exceptionnel car les contentieux autour de ce type de différenciation, malheureusement difficile à prouver, aboutissent rarement à une condamnation. Mais cette fois les prud’hommes ont frappé fort, en parvenant à établir que l’entreprise MT BAT Immeubles s’était rendue coupable d’une « discrimination collective et systémique », vis-à-vis des 25 manœuvres maliens qu’elle employait. Ces ouvriers sans papiers étaient affectés de manière automatique aux tâches les plus ingrates et surtout les plus dangereuses, sans respect des règles les plus élémentaires de sécurité. Ce traitement indigne finira par être découvert en 2016, après qu’un des ouvriers maliens eut alerté les pompiers et l’inspection du travail suite au refus de l’employeur d’appeler les secours alors que l’un des manœuvres, tombé d’un échafaudage non sécurisé, gisait sans connaissance au sol. Ce patron, qui considérait ces travailleurs comme des « entités négligeables et interchangeables » – ainsi que l’ont établi les prud’hommes –, a été condamné à verser à chacun d’entre eux la somme de 18 000 euros au titre des dommages et intérêts pour discrimination. Reste à espérer que cette décision de justice, jusque-là inédite, marque un « avant » et un « après » dans les pratiques d’un secteur où le recours à la main-d’œuvre étrangère précarisée est massif.