Bien difficile en vérité de parler à froid d’un évènement qui se déroule à chaud. Néanmoins, alors qu’au moment où sont écrites ces lignes personne ne peut dire comment se terminera ce conflit, quelques remarques s’imposent.

La première, c’est que les Gouvernements (les présidents, en fait) qui se sont succédé depuis une quinzaine d’années ont tous essayé, à tort ou à raison et avec des fortunes diverses, de « moderniser » une France d’abord protégée, puis progressivement paralysée par des structures bureaucratiques considérées comme des freins à une adaptation nécessaire à un monde de plus en plus ouvert.

Mais ceci n’a jamais été fait à partir d’une vision d’ensemble clairement expliquée à ces Français du secteur public ou parapublic bénéficiant de protections au travail par des statuts multiples, ou à l’ensemble de la population profitant d’un système de santé ou d’indemnisation du chômage et de pensions de retraite supérieurs, en général, aux standards des pays comparables. On s’est contenté de présenter ceci comme une évidence, donc comme non discutable. Et faute d’un partage de ce diagnostic, toute tentative allant dans ce sens s’est heurtée à une opposition farouche d’une population soit laissée sur le bas-côté de la mondialisation, soit menacée de perdre des avantages que les « anciens » avaient obtenus par des « luttes héroïques ». Et donc on se bat au nom d’une colère, d’une peur ou d’une inquiétude que la parole publique, devenue inaudible, n’a aucune chance de calmer.

Mais il y a plus. Cette évolution du monde, à laquelle les gouvernants essaient, à tort ou à raison, de faire face à nouveau, menace directement celles des organisations syndicales, elles-mêmes construites sur ce modèle bureaucratique protecteur et donc acharnées à le défendre.

On comprend pourquoi : la caractéristique d’une bureaucratie, c’est l’édiction de règles générales et impersonnelles (les statuts par exemple) s’appliquant à tous et dont la défense, par définition, ne peut se faire que par une action collective que seuls, en théorie, les syndicats peuvent mener. Dès lors que l’on change de logique et que l’on « individualise » toujours davantage la gestion des personnels, agents et salariés en général, l’action syndicale traditionnelle perd de sa pertinence et c’est l’organisation elle-même qui s’en trouve menacée.

Au-delà de « l’hystérisation » du débat, combattre cette réforme (et celles qui l’ont précédée) est, pour ces syndicats dits « contestataires », une vraie question de survie. Comme le disait la comtesse du Barry : « Encore un moment, Monsieur le bourreau. »